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LA SAINT-JEAN

Discours patriotique de M. Stéphane-Albert Boulais, écrivain et
co-président ambassadeur de L’Outaouais en fête – la Fête nationale du Québec,
édition 2000.

LA SAINT-JEAN

Vingt-quatre
juin: un voyage au coeur du monde. Je l’entends battre. Il résonne. Mon grand pays
d’eau, de lacs et de rivières. Tant de voyageurs ont passé sur les rives où nous
sommes en ce moment. Quand je regarde la rivière, je scrute toujours l’amont.
L’amont du Kitchisipi, c’est le Témiscamingue et l’Abitibi, c’est
surtout symboliquement une terre à conquérir, l’espérance d’un royaume. Malgr
é ses siècles, le Québec est jeune. Il est promesse d’une terre où il fait bon
vivre et où, surtout, rien n’est terminé, mais tout est à commencer. Et chaque
année qui passe voit le flux de ses immigrants raviver le goût du bonheur. Une rivière
ne se comprend vraiment que lorsqu’on la remonte. Le coeur à la cordelle.
L’Outaouais, grand lieu de passage, lieu de portage, d’entraide et aussi de
repos. Il représente à mes yeux l’accueil et la fraternité des hommes. Ici, sont
passés les Algonquins, les Français, les Anglais, les Irlandais, les Portugais, les
Haïtiens, quel beau métissage! Chacun, à sa façon, a laissé des traces. Les
Algonquins nous ont donné le goût du courage, les Fran çais, celui de l’aventure,
les Anglais, l’entreprise, les Irlandais, la fête, les Portugais , la ferveur, les
Haïtiens, le rythme. Mon ancê tre Robert Boulé est arrivé à l’Île
d’Orléans en 1658. Il venait de La Rochelle. Mon autre ancêtre Jean Edmund
épousait le 15 juin 1693 Mary Kelley à Boston. Son père arrivait de Londres. Québec,
terre d’accueil.

Le vingt-quatre juin, pour moi, est cette date de la déhiscence. Un
jour de joie. La fraternité de l’eau. Un pays qui fait battre le coeur. Un jour qui
donne des frissons. Une fête qui me fait penser aux pardons païens où tout est
pardonné.

Bien sûr, c’est, aussi la fête du solstice qui annonce les jours
chauds. Les voyageurs, qui nous ont précédés sur ces rives, mangeaient ici la
sagamité: trois livres de porc, quatre biscuits, parfois du pemmican. Après le repas,
ils fumaient la pipe. Aujourd’hui, on fume autre chose. Ces hommes avaient en quelque
sorte leurs superstitions. Ils fichaient une plume rouge dans leur bonnet ou encore
lançaient une pincée de tabac dans l’eau pour s’attirer la chance. Ils
saluaient les nouveaux venus en coupant les branches d’un grand pin pour y graver
leur nom. Notre grand pin, à nous, c’est le Québec. N’ayons pas peur d’y
hisser notre coeur.

J’invite tous les Tit-Jean et les Tit-Guy, les J.-C., les Franks
et les Berts à célébrer nos ancêtres voyageurs à qui l ’on doit la culture du
surnom. Elle stimulait l’esprit de camaraderie. Nos ancêtres transportaient avec eux
du grain, du porc séché, de la farine, et de la toile de coton. Nous, nous diffusons nos
octets, nos « megs » et nos « gigs ». C’est de quatre à six milles à
l’heure qu’ils ont créé le pays. Quarante coups d’aviron par minute. Les
courts portages duraient une vingtaine de minutes, les longs étaient divisés en pipées.
Les bourgeois avaient leur tente et un lit, les voyageurs, eux, dormaient à la belle
étoile, la tête sous le canot. Le soir autour du feu, ils chantaient et dansaient. Deux
sacs étaient placés l’un en face de l’autre. Un jeune relançait un vieux. Il
disait: « Trois ou quatre rasades et donnons-lui le ris ». Le vieux répondait: «
Buvons mes camarades à la santé du pays! »

Bonne Saint-Jean!

Stéphane-Albert
Boulais
écrivain
Co-président ambassadeur
L’Outaouais en Fête: Fête nationale du Québec,
édition 2000


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