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Traitement des plaintes à l’OQLF ou ce qu’il en reste!

OQLFQuébec, le 13 mai 2014
Madame Micheline OSTOJ
Commissaire à la qualité des services
Office québécois de la langue française
Édifice Camille-Laurin
125, rue Sherbrooke Ouest
Montréal  H2X 1X4 
Objet : Plainte contre PADERNO et Le Soleil
Madame la Commissaire,
Vous êtes en fonction depuis juin 2013 et votre rôle est de répondre aux citoyens qui ne sont pas satisfaits de la façon dont l’Office québécois de la langue française (OQLF) traite leurs interventions. Nous vous adressons donc la présente à partir de l’information ci-dessus.
L’Asulf vous écrit à la suite de la réponse qu’elle a eue de l’Office dans le dossier susmentionné. Elle prétend que l’Office viole la Charte de la langue française par sa nouvelle façon de traiter 95% des plaintes reçues. Voici le cheminement de cette plainte qui concerne une annonce unilingue anglaise dans un quotidien de langue française.
L’Asulf porte plainte le 21 janvier 2014 :
Annonce uniquement en anglais dans un journal de langue française.
Le Soleil du 26 décembre 2013 publie une annonce intitulée « Boxing Week Factory Sale ». En outre, le texte complet de l’annonce est rédigé uniquement en anglais alors que le message s’adresse à des clients résidant dans 18 municipalités quasiment francophones à 100%.
Si cette annonce paraissait dans The Gazette, ce serait normal, mais qu’elle paraisse dans un journal de langue française, Le Soleil, cela dépasse l’entendement. Il est difficile de deviner pourquoi les intéressés ont agi ainsi. C’est pourquoi nous demandons à l’Office québécois de la langue française d’intervenir pour assurer le respect du français et éviter la répétition d’un tel comportement effronté à l’avenir.
p. j.   Photo de l’annonce
La Direction des enquêtes de l’Office  répond le 29 janvier 2014 par une lettre ne comportant aucun nom ni aucune signature, dans les termes suivants :
Nous avons bien reçu votre plainte concernant une possible infraction à la Charte de la langue française.
Soyez assuré que votre plainte sera traitée dans le cadre des interventions de l’Office visant à assurer le respect de la Charte.
Nous tenons par ailleurs à vous informer que le motif de votre plainte est plutôt d’intérêt collectif et général et que, de ce fait, l’Office ne vous communiquera pas les résultats de son intervention, conformément à la Politique de suivi auprès des plaignantes et des plaignants.
Pour plus d’information sur cette politique, nous vous invitons à consulter notre site Web, section Vos droits et obligations, subdivision Plaintes, ou à communiquer avec nous au 514 873-8585.
Nous vous remercions d’avoir porté ces éléments à notre attention et vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
La Direction des enquêtes
Reproduction de l’annonce parue dans le journal
Paderno
Accusé de réception comportant un enterrement de la plainte
À l’examen, la lettre précitée de l’Office est un accusé de réception d’une plainte, rien de plus. Le fait de mentionner à la plaignante que sa plainte sera traitée signifie simplement qu’elle est recevable à sa face même au sens de la loi. Voilà un accusé de réception. Il est positif parce qu’il informe la plaignante que sa plainte sera traitée. Cette dernière s’attend alors de recevoir un jour une réponse à sa plainte, à savoir qu’elle a été jugée fondée, ou non. C’est à ce moment seulement qu’elle pourra parler de la réponse de l’Office, pas avant.
L’accusé de réception eût pu être négatif si l’Office avait mentionné que la plainte était irrecevable à sa face même, par exemple parce qu’elle n’était pas signée ou datée ou que l’infraction reprochée n’était d’aucune façon visée par la loi, etc. Dans ce dernier cas, la réponse de l’Office aurait constitué un rejet de la plainte parce que ce dernier aurait jugé qu’elle était manifestement non fondée au sens de l’article 169 de la Charte.
Dans le présent dossier, la plaignante a donc reçu un accusé de réception, point. Pas de réponse, pas encore! Par ailleurs, que l’Office ajoute que la plaignante ne connaîtra pas le résultat de son intervention est une mention renversante, pour ne pas dire plus, qu’il est difficile de comprendre. C’est du jamais vu. Pour comble, l’explication que c’est parce que sa plainte est d’intérêt général et collectif rend le tout encore plus surprenant. C’est la première fois, à notre connaissance, qu’un organisme enterre une plainte de cette façon, supposément légalement. Toute une innovation juridique!
L’Office mentionne dans sa lettre que la plainte est d’intérêt collectif et général. Il renvoie la plaignante à sa  « Politique de suivi auprès des plaignantes et des plaignants ». Cette politique prévoit aussi l’existence de plaintes d’intérêt directement personnel. Seules ces dernières continuent d’être traitées comme de vraies plaintes au sens de la loi. Encore de quoi compliquer la situation.
Pourquoi une personne, morale ou physique, porterait-elle une plainte d’intérêt collectif et général quand elle sait qu’elle n’en entendra plus parler et qu’elle ne pourra jamais connaître le sort qui lui a été réservé?  Poser la question, c’est y répondre. C’est une situation absurde!
On ne peut s’empêcher de signaler que ce genre de plaintes provient souvent de groupes qui ont à cœur le sort de la langue au Québec, soit les sociétés patriotiques, culturelles, les syndicats ouvriers, etc. Voudrait-on les décourager d’intervenir qu’on ne s’y prendrait pas mieux!
But visé par la création de deux catégories de plaintes
Si l’on se fie à la déclaration de la ministre responsable de l’application de la Charte qui était en fonction à l’automne 2013, la nouvelle façon de traiter les plaintes à l’Office a été imaginée pour obtenir des gains d’efficacité importants vu que, bon an mal an, environ 1000 plaintes étaient non fondées. Nul ne peut critiquer un tel objectif, tant la mode est à l’efficacité. Reste à voir la façon d’y arriver.
L’Office reçoit environ 4 000 plaintes par année. Suivant son analyse, 5% des plaintes, soit 200, touchent directement le plaignant et 95%, soit 3800, touchent l’intérêt collectif et général. Pour augmenter l’efficacité, il saute aux yeux qu’il faut s’attaquer à la masse des 95%.
L’Office continue de traiter les plaintes d’intérêt directement personnel de la façon légale habituelle. Le procédé est conforme à la Charte, il est logique et ne choque pas le sens commun. Aucune modification n’est prévue pour le traitement des plaintes de cette catégorie. On ne prévoit donc pas de gain d’efficacité dans leur cas. Tout serait parfait.
Lorsqu’il s’agit des plaintes d’intérêt  collectif et général, c’est la nouvelle façon de procéder qui fait problème parce qu’il n’y a plus vraiment de traitement des plaintes. L’Office procède en catimini. Le plaignant est totalement écarté, on ne l’informe plus du sort fait à son intervention. À notre connaissance, il n’y a aucun organisme qui traite des plaintes de cette façon au Québec ou ailleurs dans les pays démocratiques. C’est du jamais vu. Ça heurte le sens commun. S’il devait y avoir un gain d’efficacité avec cette façon d’agir, ce serait au prix du bon sens et de la légalité.
Au fait, afin d’augmenter l’efficacité, pourquoi ne pas avoir appliqué aux plaintes d’intérêt directement personnel le même traitement, ou mieux l’absence de traitement, que celui qui a été choisi pour les plaintes d’intérêt général et public? L’augmentation de l’efficacité eût été encore plus grande. Peut-être a-t-on voulu épargner le petit groupe de plaintes d’intérêt directement personnel pour justifier le maintien d’une Direction du traitement des enquêtes!
L’intérêt général et collectif est-il moins important que l’intérêt personnel?
En vertu de quoi une plainte touchant l’intérêt collectif et général serait-elle moins importante qu’une plainte touchant directement l’intérêt personnel? Pourquoi ne justifierait-elle pas  un traitement conforme à la Charte?
Une comparaison pour illustrer l’intérêt pratique de cette question. Si un membre de l’Asulf fait une plainte parce qu’on lui a présenté un menu uniquement en anglais dans un restaurant ou qu’on a été incapable de lui répondre en français dans un hôpital, l’Office va traiter sa plainte et l’informer en bonne et due forme du résultat de son intervention. C’est parfait!
Si la Ville où ce même membre demeure construit un amphithéâtre coiffé de l’appellation fautive place et que ce dernier porte plainte contre ce fait, il apprendra de l’Office que sa plainte va être traitée, point, parce qu’elle touche l’intérêt collectif et général. Il ne saura jamais rien d’autre. Et comme si cela ne suffisait pas – les anglophones diraient : to add insult to injury  on le remerciera en lui disant que, par son geste, il a « influencé  les actions de l’Office lesquelles favorisent le respect de la Charte ». C’est le comble!
En conséquence, le plaignant fera bien de surveiller les lieux pour vérifier ce qu’il est advient du mot place dans l’appellation de l’amphithéâtre visé, parce que l’Office ne communiquera plus avec lui. Il s’occupe uniquement des « vraies affaires ».
Des plaintes qui touchent des individus, environ 200, voilà de quoi mobiliser l’Office. Des plaintes qui concernent toute une population, environ 3800, méritent uniquement un accusé de réception, accompagné d’un petit remerciement insultant, sans plus. Ça dépasse l’entendement. Qu’est-ce qui peut avoir entraîné l’Office dans une telle voie? Qu’est-ce qui peut le justifier d’écarter l’application de la Charte pour une plainte d’intérêt collectif et général, de se débarrasser de 95% des plaintes d’une façon inadmissible, c’est le moins qu’on puisse dire? Bel exemple de disparité de traitement!
L’obligation légale de l’Office en matière de plaintes
En vertu de l’article 159 de la Charte, l’Office est « chargé d’assurer le respect de la présente loi ». L’article 167 mentionne qu’il agit d’office, ou à la suite de plaintes. L’article 169 précise qu’il doit aviser le plaignant dont la plainte est refusée. C’est dire que le plaignant qui n’est pas informé du sort fait à sa plainte ne sait pas si elle est acceptée ou refusée. Or, c’est dorénavant le cas pour 95% des plaintes. Cette politique va nettement à l’encontre de l’article 169. Aucune autre loi ne peut faire obstacle à l’application de la Charte, en particulier de cet article.
À la lumière de ce qui précède, il ressort que l’Office a distingué deux sortes de plaintes pour trouver un moyen d’augmenter son efficacité, mais au prix du respect de la Charte.
Pour atteindre cet objectif, l’Office ferait mieux d’expliquer aux plaignants pourquoi leurs plaintes sont non fondées légalement, lorsque c’est le cas, et de les instruire sur la portée de la Charte, plutôt que de ne plus vouloir entendre parler de leurs plaintes en ne leur répondant pas. Ce serait le bon moyen de réduire le nombre de plaintes qu’elle juge non fondées actuellement, plaintes, faut-il le rappeler, déposées très souvent par des amants de la langue et des collaborateurs de l’Office.
Une autre voie pour l’avenir?
Cette récente orientation de l’Office en matière de traitement des plaintes est une occasion de rappeler que le gouvernement du Québec a aboli la Commission de protection de la langue française en 2002 et qu’il a alors confié à l’Office le mandat de cette commission, c’est-à-dire le traitement des plaintes portées en vertu de cette loi.
Il y a eu forcément une période d’adaptation (terminée?) pour l’Office à la suite de cette nouvelle mission qui lui était confiée, cette dernière n’étant pas dans la même veine que sa mission originale. Faire la promotion de la langue, en vanter la beauté, organiser des concours, distribuer des prix aux méritants, est un genre d’activités valorisant pour l’Office. Il se concilie mal avec le rôle de distributeur d’avis d’infraction à la Charte et de poursuites, quitte à être ensuite qualifié de l’appellation haineuse de police de la langue, comme ce fut le lot de l’ex-commission dans les médias anglophones et même quelquefois francophones.
On peut comprendre alors que le traitement des plaintes ne soit pas la préoccupation première de l’Office, il n’a pas le choix actuellement. Peut-être serait-il heureux de voir ce mandat retourné à une nouvelle commission de protection et de pouvoir reprendre son rôle antérieur et son appellation originale.
Son problème d’efficacité serait réglé.
Veuillez croire, Madame la Commissaire, à nos salutations très distinguées.
RA/ac
Robert AUCLAIR
Adresse utile :
Commissaire à la qualité des services : https://www.oqlf.gouv.qc.ca/outils/formulaire-web.aspx
 

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