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Grand-mère, j’ai mal à ma langue!

Grand-mère, j’ai mal à ma langue!

« Je reçois des newsletters, on me forwarde des emails, j’ai droit au replay si j’ai manqué le live! C’est cool, hein, grand-mère. C’est le fun, pas le foehn, voyons! »

Grand-mère, j’ai mal à ma langue! 

Ma grand-mère comtoise était bilingue, elle parlait français et patois. Elle ne connaissait pas de mots anglais.

J’aime les langues, l’anglais et les autres, ce qui me blesse c’est qu’insidieusement, quotidiennement on remplace un mot français par un mot anglais, ce phénomène va en s’accélérant. Une langue n’a pas à s’effacer devant une autre. Des mots anglais font partie de la langue française depuis longtemps, l’inverse est vrai. Les langues sont vivantes, elles s’enrichissent ou elles s’appauvrissent mutuellement. Je vous laisse deviner où se situe le français en 2022.

Pourquoi la prolifération actuelle de mots anglais dans la langue française?

Certaines personnes qui rédigent des articles dans des journaux français, qui animent les ondes radiophoniques ou télévisées, croient penser que nous devrions mieux comprendre leur discours grâce aux mots anglais qu’ils emploient. Cette pseudoélite ne semble être corrigée par personne.

Un mot, surtout amical, en anglais dans un message qui m’est adressé, me fait sourire; j’aime l’humour, en anglais aussi, mais ne me demandez pas de downloadercanceller et deleter quoique ce soit. C’est trop pour moi.

Depuis des années, nous nous sommes presque habitués aux parkings et au shopping. Ma grand-mère n’utilisait jamais ces mots. Nous, les jeunes, allions aux ouatères (W.C.) nous ajoutions closet, cela faisait plus distingué. Puis sont arrivés le planning et même l’aquaplaning. Ce n’est pourtant pas difficile de remplacer ces intrus par des mots français. La preuve, nous les avons trouvés ces mots français idoines au Québec, dans le Canada francophone et dans les pays africains! De nombreuses personnes en France, et des associations françaises, québécoises et d’ailleurs dans le monde se battent pour que la langue française vive et s’épanouisse!

La liste de mots s’est rallongée jusqu’à l’infini, self-service (sans service), sans parler du fast food. De nos jours, cette mode est tellement répandue qu’elle atteint le ridicule au point que certains Français oublient qu’ils emploient un mot anglais!

Monsieur Molière, même si vous avez 400 ans cette année, revenez et écrivez-nous une belle pièce de théâtre sur ce sujet!

Je reçois des newsletters, on me forwarde des emails, j’ai droit au replay si j’ai manqué le live! C’est cool, hein, grand-mère. C’est le fun, pas le foehn, voyons!

À Paris, récemment, deux personnalités dialoguèrent rudement, ce fut un clash. Pour les pipoles du vocabulaire, aucune limite à l’aplatissement devant l’anglais, ainsi, ces jours-ci, on nous signale que l’on parle cash et trash en ces joutes de campagne présidentielle (précisons, en France). J’aime beaucoup la France, je sais que nombreux sont les Français qui n’utilisent pas ces mots empruntés, qui les évitent, nombreux sont les Français que cette manie anglaise horripile. Bien sûr, une langue évolue, mais pourquoi cette épidémie de clusters? Pourquoi remplacer le mot maîtrise par master? On me demande d’être tolérant, mais pourquoi est-ce toujours les mêmes qui doivent l’être?

Avec ton «cool», tu me coules!

Enfants, nous étions habitués à entendre parler des starting blocks, et du footing, c’était le top! La nourriture est devenue light, pas son prix! Ah! quand je lis les niouzes et que l’on m’invite à profiter des discounts du Black Friday, quand momentum, qui n’est pas un personnage de bande dessinée, envahit les phrases autour de moi, alors, pour me rassurer dans ce Québec où je vis depuis 50 ans, me vient en tête la chanson d’Yves Duteil :

«C’est une langue belle à qui sait la défendre
Elle offre les trésors de richesses infinies…»

(LA LANGUE DE CHEZ NOUS [à Félix] paroles et musique : Yves Duteil)
(Album La langue de chez nous — Audiogram ADCD/AD4-10012)

Jean-Louis Grosmaire
Écrivain-géographe
Québec, le 16 janvier 2022

Jean-Louis Grosmaire, docteur en géographie sociale de l’Université de Montréal, est l’auteur de plus de 20 ouvrages. Il est, entre autres, le lauréat à 3 reprises du Prix du Journal LeDroit, du Prix Louis Pergaud et du Prix France-Acadie 2021 qui lui fut remis par Les Amitiés France-Acadie à l’ambassade du Canada à Paris le vendredi 26 novembre 2021 pour son roman Acadissima publié aux Presses de l’Université d’Ottawa.

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