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LA FRANCE SE DÉFRANCISE

Objet : Lettre à Monsieur le Maire de Beaucaire.

Alain Dubos
Ecrivain-Medecin
Ancien Vice-Président de Médecins sans Frontières.

à Monsieur le Maire de Beaucaire.
A propos de l’affichage bilingue franco-arabe à la Poste de Beaucaire.

Monsieur le Maire,

faisant suite à l’article paru hier Samedi dans La Provence (“Alain”, c’est moi en fait), je complète mon propos, avec ce préambule qui me parait important : en 2002, tout comme vous, j’ai voté Chirac au second tour. Ce qui nous place, je pense, vous et moi dans le camp des démocrates, des républicains, des tolérants, des laïques, etc. Donc pas d’ambiguïté là-dessus.

Cela étant dit, je persiste dans mon jugement sur l’affichage bilingue à la Poste de votre bonne ville. Que je sache, la Poste n’étant pas encore privatisée, elle ressort en entier du domaine public, domaine géré, entre autres partenaires, par votre municipalité. Jusqu’à preuve du contraire. Je note que cette information (voir pièce jointe) diffusée sur Internet a été mise en doute immédiatement par un certain nombre de gens, et authentifiée tout aussi rapidement. Nous ne sommes donc pas dans l'”intox” virtuelle. Il existe bel et bien un affichage bilingue, franco-arabe, à la Poste de Beaucaire.

Partant, le problème est moins, à mes yeux, un affichage compréhensible par les immigrés de fraîche date que celui d’une généralisation de ce service aux citoyens de Beaucaire. En effet, si vous décidez de donner accès à un service public dans une langue étrangère, vous devez impérativement le faire pour tous les services publics. Cela signifie, Monsieur le Maire, que la logique vous impose désormais de “bilinguiser” l’ensemble de votre ville, panneaux de signalisation et noms des rues inclus. Car on peut difficilement imaginer le désarroi d’une personne incapable de savoir comment aller précisément à l’endroit où l’on parle (ou écrit) sa langue maternelle. Ce citoyen, ou citoyenne, doit donc pouvoir bénéficier d’un affichage urbain adapté à son besoin, avec ipso facto, accès direct, dans sa langue, aux avenues Gambetta, Leclerc, De Gaulle, Zola et autres squares Brassens (ou Ferré). Qui la mèneront à la Poste. De Beaucaire.

Vous êtes ainsi aujourd’hui, Monsieur le Maire, devant un choix et une décision difficiles. Peut-être conviendrez-vous avec moi que vous avez poussé les feux un peu loin. En vérité, je pense que vous n’aviez nul besoin de provoquer, de cette manière finalement assez frivole et inconséquente, un supplément au débat en cours, débat dont la virulence croissante nous conduit, hélas, à de fort dommageables extrêmités. Donc, quelle que soit votre décision à venir, vous allez devoir faire preuve, Monsieur le Maire, de ce que l’on exige d’un édile responsable, et qui tient en un mot bien simple : du courage. Généraliser et faire de votre ville, historiquement, la première en France à avoir ouvert l’affichage public à une langue étrangère. Ou en rester là et laisser la patine du temps effacer tranquillement le libellé de ce petit panneau de rien du tout.

Pour avoir initié et conduit des missions humanitaires “sous le feu”, au Liban, en Afghanistan, chez les Kurdes, les Somozistes, les Tigréens et jusque dans les ports iraniens (Abadan, Korramshah) “scudés” par Saddam Hussein, pour avoir risqué ma peau, gratuitement, pour des gens culturellement, éthiquement, mentalement aux antipodes de l’homme que je suis, je vous dirai deux choses, Monsieur le Maire : la première est que l’honneur consiste à toujours respecter la culture de son hôte, sans vouloir, à aucun moment, lui en imposer une autre. La seconde , certes épidermique mais bien réelle, est que tout citoyen élevé au grain républicain dans ce pays qui s’appelle France est en droit de vouloir continuer à se sentir chez lui, à la Poste de Beaucaire comme à celle de Strasbourg, de Bayonne ou de Brest, Postes qui ne sont pas, dois-je vous le signaler, celles d’Alexandrie, de La Mecque, de Djakarta ou de Barhein, toutes parfaitement respectables en tant que telles.

Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’expression de mes sentiments les meilleurs et bien dévoués à notre commune cause, celle de libertés essentielles durement acquises au fil des siècles.

Dr Alain Dubos.

PS : j’adresse ce courriel à la charmante journaliste avec qui j’ai eu une entrevue téléphonique avant-hier, ainsi qu’à un site de défense de la laïcité, Riposte Laïque, qui en fera ce que bon lui semblera. À des amis Québécois, enfin, qui se battent pour ne pas être anglicisés et croyez-moi, Monsieur le Maire, ce n’est pas, comme on dit, de la tarte!
PS2 : pour Aveline Lucas, vous saurez tout à mon propos sur google… l’Acadie, le Cambodge, MSF, la Louisiane, les Landes… et même les Métis franco-indiens du Manitoba!!!!

40, Avenue Pierre Ronsard
94110-Arcueil
Tel 33 6 60 97 51 12
dubosalain@gmail.com

Article de La Provence….

Beaucaire : l’affichage en arabe ne s’affranchit pas des critiques

Publié le vendredi 16 avril 2010 à 17H02

Un petit panneau bilingue à La Poste crée la polémique

FRANCO-Arabe

Carole ne l’avait même pas remarqué, elle qui vient affranchir du courrier presque tous les jours au bureau de Poste de Beaucaire. Pourtant, juste au-dessus de la machine à affranchir, trône une affiche plastifiée qui déclenche l’ire de certains. Car les instructions en français y sont traduites en langue arabe.

Cette initiative est un scandale et une faute” écrit Alain, un “écrivain-médecin” qui dit vouloir simplement défendre la langue de Molière. “Un scandale parce que les efforts de ceux qui s’emploient à franciser, au moins pour la langue, les immigrés, deviennent dérisoires. Pourquoi apprendre le Français si l’on vous sert votre propre langue dans l’espace public ? Et demain ? Le Turc, le Moldave ? La Constitution impose d’utiliser la langue française et on traduit un message de la République en arabe : c’est une faute” s’insurge ce Parisien avant d’assurer ne pas être guidé par une démarche raciste.

Mais les réactions sont beaucoup moins mesurées sur internet où la photo de l’affiche a été reprise sur des sites comme “Défrancisation.com” ou sur le blog de Lucien Ruty, secrétaire départemental du Front national.

Je suis choquée qu’on puisse être choqué” répondait-on hier au siège régional de La Poste à Montpellier. “Cette décision, laissée à la discrétion du directeur de l’établissement, est purement pragmatique : nous sommes un service public qui se doit de faciliter l’accès des clients à nos services. C’est pour cela que la machine traduit déjà les instructions en anglais, italien, allemand et espagnol. Mais il y a une forte population de gens qui parlent arabe à Beaucaire mais la machine ne pouvait pas intégrer une langue de plus. Le mode opératoire a donc été ajouté, afin que les gens ne soient pas obligés de demander ou d’attendre.

Un argument que les opposants à l’affichage ont du mal à accepter. “Quand vous appuyez sur un bouton, la machine traduit mais là, le message est imposé. Je le comprends dans un espace privé comme une boucherie hallal mais pas dans un espace public. Demain, on va écrire mairie, police ou école en arabe ? Je suis inquiet pour l’avenir de la langue et de la République” continue Alain.

Pourtant, sur place, personne n’est inquiet. “Il y a d’autres langues de disponibles, ce n’est pas choquant. ça peut être utile pour les anciennes générations, mais je ne connais personne de mon âge à Beaucaire qui ne parle pas Français” témoignait Mickaël, 21 ans.

Rachida, 42 ans, voit aussi d’un bon oeil l’initiative de son bureau de Poste. Même si elle n’en a pas besoin, cette femme voilée qui vit en France depuis 1973, s’exprime dans un Français parfait. “Je suis tolérante et je peux comprendre que ça gêne certaines personnes. Mais si j’allais à l’étranger, je serais contente de trouver des instructions dans ma langue, le Français.” Même chose du côté de Carole, 46 ans, qui trouve l’initiative “adaptée à la population de Beaucaire dont beaucoup parlent peu, ou mal le Français.” Quant à Albert, 43 ans, il estime même que “cela peut permettre à certains de venir vers le Français“.

Toutefois, Ahmed, 60 ans, fait remarquer une chose : l’arabe utilisé pour la traduction est littéraire, ce n’est pas celui utilisé par les Maghrébins. “C’est donc utile mais pour ceux qui ne sont pas allés à l’école, c’est pareil.

Aveline LUCAS (alucas@laprovence-presse.fr)

 


Lettre adressée à la Poste de Beaucaire, au début de cette histoire…

Bonjour, l’initiative de votre bureau de Beaucaire est un scandale et une faute. Un scandale parce que les efforts de ceux qui s’emploient à franciser, au moins pour la langue, les immigrés, deviennent dérisoires. Pourquoi apprendre le français si l’on vous sert votre propre langue dans l’espace public? Et demain? Le turc? Le moldave? Le Kosovar? En plus de l’anglais! Vous allez devoir sérieusement augmenter la surface de votre affichage! Une faute parce qu’en introduisant de cette manière un multi-culturalisme dont les Français, au fond d’eux-mêmes, ne veulent pas, vous les poussez jour après jour à réagir, ce qu’ils ne manqueront pas de faire, fatigués et furieux de voir leur propre culture ravalée, dans leur propre pays, au rang d’alter ego des autres. Et demain, d’inférieure à celles-là. Si je suis la logique de votre raisonnement, il vous appartient désormais de former vos employés à l’arabe, car demain, on ne manquera pas de s’étonner, puis de contester qu’après les boîtes postales, ils ne soient pas devenus eux aussi bilingues. Avant, enfin, de l’exiger.

C’est ce qui s’appelle ouvrir la boîte de Pandore d’où, à défaut d’y jeter des lettres, on retire de la colère et du désordre. Votre responsabilité dans cette affaire est énorme. Je vous dis cela d’autant plus sereinement qu’en tant qu’ancien Vice-Président de Médecins sans Frontières, j’ai toujours pris garde de me fondre dans la culture des autres, conscient des conséquences qu’aurait eu mon désir d’imposer la mienne de quelque manière que ce fût. Et ce, dans des pays à très forte “personnalité”. Je me sens donc en droit d’exiger la réciprocité. J’exige par la même occasion que les responsables français, qu’ils soient tenanciers d’un bureau de poste ou d’un palais présidentiel, empêchent que je subisse une humiliation que, par éthique et dignité, j’ai toujours épargné aux gens qui m’accueillaient. Je conclus de votre très regrettable démarche que nous sommes désormais dans un pays officiellement bilingue, Beaucaire étant apparemment la porte par laquelle on y entre pour imposer sa langue. Et ce qui va avec, inéluctablement.

Oui, votre responsabilité dans cette histoire est énorme. J’espère que vous en prenez déjà conscience et vous engage, de toutes mes forces de républicain attaché à la démocratie et à nos libertés essentielles, à ne pas souffler plus avant sur des braises qui ne demandent qu’à raviver les incendies.

Sincèrement votre,

Dr Alain Dubos

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