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LE CANADA À DEUX VITESSES

Le financement des universités et la vitalité linguistique des communautés
de langue officielle au Canada

L’Université du Québec en Outaouais (UQO) mène actuellement une consultation
publique sur son projet de politique linguistique. Le débat oppose les tenants
d’une anglicisation poussée de l’UQO et les tenants du retour à une présence
accrue du français. Tentons de recadrer ce débat dans un cadre plus large, soit
celui du lien entre le financement des universités au Canada et la vitalité
linguistique des communautés de langue officielle. L’étude analysant le lien
entre les niveaux de financement universitaire et la vitalité linguistique,
d’une part, et les taux de diplomation, d’autre part, a fait ressortir quelques
conclusions intéressantes :

La vitalité linguistique

  1. Au total, au Canada, les établissements universitaires de langue française
    récoltent 19,5 % des fonds destinés aux universités alors que les francophones
    forment 22,9 % de la population canadienne, tandis que les établissements
    universitaires de langue anglaise récoltent 80,5 % des fonds alors que les
    anglophones n’en constituent que 59,5 %. Le sous-financement des francophones
    représente la bagatelle somme de 615 millions de dollars par année.
     
  2. Les Franco-Québécois forment donc la seule majorité linguistique à être
    financée en dessous de son poids démographique au Canada. Dans toutes les
    autres provinces, la majorité anglophone est financée au-delà de son poids
    démographique.
     
  3. La part attribuée aux universités de langue anglaise au Québec représente
    1 milliard 227 millions de dollars par année, soit presque quatre fois celle
    attribuée aux programmes de langue française dans l’ensemble des 9 autres
    provinces canadiennes. Les anglophones obtiennent 27,7 % des fonds destinés
    aux universités au Québec alors qu’ils ne constituent que 8,3 % de la
    population.
     
  4. Si on met tous ces chiffres ensemble, on peut affirmer que chaque
    Anglo-Québécois est financé six fois plus que chaque francophone hors Québec.

Il existe une corrélation presque parfaite entre le financement des
universités et l’assimilation linguistique. Le sous-financement des universités
conduit à l’assimilation du groupe sous financé. Le sous-financement des
universités francophones partout au Canada explique en partie le taux
d’assimilation élevé des francophones hors Québec, soit 38 %, tandis que le
sur-financement du réseau anglais au Québec explique que ce soit les anglophones
qui assimilent le plus au Québec; selon Statistiques Canada, 161 378 personnes
ont adopté l’anglais et 126 562 personnes ont adopté le français comme langue
parlée à la maison au Québec en 2001.

Le taux de diplomation

  1. Le sur ou sous-financement des universités est corrélé au taux de
    diplomation. Des données tirées de récents recensements indiquent que les
    francophones, avec 13 % de détenteurs de diplômes universitaires, arrivaient
    encore en troisième position au Canada en 2001, derrière les allophones, avec
    20 %, et les anglophones, avec 15 %. Au Québec, seulement 23 % des
    francophones âgés de 25 à 34 ans détenaient un diplôme universitaire
    comparativement à 31 % des anglophones de la même classe d’âge et de 30 %, des
    allophones (Statistiques Canada, 2001).

Les données du ministère de l’éducation du Québec indiquent qu’en 2002, les
universités anglophones remettaient 29 % des baccalauréats, 25 % des maîtrises
et 33 % des doctorats. Les anglophones de 30 à 39 ans sont d’ailleurs
proportionnellement deux fois plus nombreux à détenir une maîtrise ou un
doctorat que les francophones. Les Anglo-Québécois bénéficient d’un réseau
universitaire largement financé au-dessus de leur poids démographique, et ce
sur-financement est le corrélé au taux de diplomation. En comparaison, on peut
conclure que le faible taux de diplomation des francophones est lié au
sous-financement des établissements universitaires francophones au Canada et que
le plus haut taux de diplomation des anglophones découle du sur-financement des
établissements anglophones.

Par ailleurs, l’argument brandi par les tenants de l’expansion des programmes
en anglais selon lesquels les fonds ne font que suivre les clientèles, ne tient
pas la route: une étude ontarienne a démontré que l’ouverture de programmes en
français en Ontario entraînait généralement un influx considérable de
Franco-Ontariens dans ces programmes. En matière d’éducation, c’est l’offre qui
crée la demande et non l’inverse! (Normand Frénette et Saaed Quazi, « Some long
term lessons from minority language education in Ontario”, Canadian Journal
of Higher Education
, Vol. No, 1999.)!

Le sous-financement du réseau francophone, en limitant, à la fois, le nombre
de places, l’offre et la qualité des programmes en français au Canada, a
contribué et contribue encore à diminuer la participation des francophones aux
études supérieures et, par conséquent, à diminuer leur taux de diplomation
universitaire. L’affirmation de la mission de l’UQO, comme seul établissement
universitaire entièrement de langue française en Outaouais et dans la région de
la capitale fédérale, jumelée à la bonification, voire l’augmentation, de
programmes en français aurait pour effet d’accroître l’accès aux études
supérieures, d’attirer des étudiants d’ailleurs, de ramener de nombreux
étudiants exilés ailleurs au Québec ou dans d’autres provinces faute de
programmes en Outaouais, d’augmenter le taux de diplomation, de mieux répondre
au besoin de main-d’oeuvre qualifiée, de contribuer à l’essor de la région…

Jean-Paul Perreault
Président
Impératif français
Recherche et communications
www.imperatif-francais.org

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