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EN OUTAOUAIS, LA MONTAGNE A BOUGÉ !

« La montagne a bougé! », c’est comme cela qu’à la suite des élections de
1989 l’opposition japonaise qualifiait la quasi-défaite de la droite, après 33
ans de pouvoir absolu. Depuis les dernières élections fédérales, le lundi 23
janvier 2006, en Outaouais aussi, la montagne bouge. Certains attribuent la
victoire des conservateurs dans le Pontiac et celle du Bloc dans Gatineau à un
contexte particulier, laissant entendre que la situation reviendra vite à la
normale. Ils se trompent. L’Outaouais a changé, l’électorat ne peut plus être
tenu pour acquis. C’est peut-être la plus grande nouvelle politique régionale
depuis 30 ans. Laissez-moi vous parler de quelques événements qui annonçaient ce
changement et de quelques statistiques fascinantes en prouvent toute la
profondeur.

Tout d’abord, l’élection de Marc Bureau. Plus que la défaite d’un homme ou d
’un style de gestion, cette élection représentait la première rupture radicale
en vingt-cinq ans entre les électeurs de l’Outaouais et ses élites politiques et
économiques. Mais il y a plus. En 2004, dans Hull-Aylmer, le NPD a eu sa
quatrième meilleure performance pour tout le Québec : 12 %. La même année, pas
encore prêts à voter pour un autre parti, les électeurs libéraux du comté de
Gatineau restaient chez eux et le Bloc Québécois perdait par 800 voix après
avoir perdu, dix ans auparavant, par 13 000 voix.
Plus étonnant encore, en octobre dernier, les chercheurs Gilles Gagné et Simon
Langlois de l’Université Laval nous apprenaient qu’entre 1995 et 2005, l’appui à
la souveraineté en Outaouais avait fait un bond considérable passant de 27,5 %
le jour du référendum à des intentions de vote qui s’élèveraient maintenant à
40,3 %. L’Outaouais change de camp? Il est trop tôt pour le dire. Mais
l’Outaouais change. Voici une demie douzaine de statistiques fascinantes qui le
démontrent clairement.

En 1992, on évaluait que 30 % de la consommation de biens culturels par les
citoyens de l’Outaouais se faisait à Ottawa. Pour les cinémas, la part d’Ottawa
s’élevait à 37 %. Depuis cette époque, le changement est radical. En 1992, la
Maison de la culture et le Théâtre du casino n’existaient pas. à eux seuls, ils
représentent maintenant 265 000 billets vendus par année. Le Cinéma 9 et le
complexe Star Cité n’existaient pas non plus, le Musée des civilisations et le
Parc Oméga venaient à peine de naître et le petit train de Wakefield reprenait
du service en juin de cette année là. Depuis la création du grand Gatineau,
toutes les salles à vocation culturelle ont vu leur achalandage augmenter et
depuis 10 ans, notre offre touristique a explosé.

On peut donc affirmer qu’avant 1992, la vie culturelle des gens de
l’Outaouais se passait dans une large mesure à Ottawa et que, aujourd’hui, elle
se passe chez nous. Cela signifie plus qu’un changement des habitudes de
consommation : c’est la fierté d’appartenir à une région créatrice, un sentiment
d’appartenance qui se consolide, une culture québécoise qui s’affirme.

Le changement est tout aussi radical dans le commerce au détail. Grâce à
l’arrivée de nombreuses grandes surfaces, de petits commerces, de restaurants,
les fuites commerciales vers Ottawa sont passées de plus de 40 % au début des
années 1990 à 5 ou 10 % aujourd’hui. Les experts affirment que nous sommes
maintenant autonomes dans le domaine de la vente au détail. C’est donc tout le
quotidien des gens d’ici qui est plus tourné vers l’Outaouais .
Même phénomène en santé et en éducation. En 1982, l’Outaouais n’était
autosuffisante en matière de soins de santé qu’à 60 %. Aujourd’hui, la région
traite 86 % de ses patients. En éducation, entre 1992 et 2005, la population
étudiante de l’UQO a doublé et le nombre de programmes offerts s’
est multiplié d’autant.

Mais ce n’est pas terminé. Le changement le plus fondamental est peut-être en
train d’avoir lieu sur le front de l’emploi. En 1992, 40 % des travailleurs de
l’Outaouais travaillaient dans Ottawa-Carleton (secteurs privé et public
confondus). Aujourd’hui, selon Emploi Québec, cette proportion est tombée à
33,4%. C’est une baisse considérable, sur une période relativement courte,
d’autant plus que pour y arriver nous avons dû compenser l’embauche massive par
les entreprises d’Ottawa en haute technologie. Finalement, sur le front
politique, la création, en 2001, de la nouvelle ville de Gatineau, a permis à la
région de se donner une voix politique plus forte que jamais, une voix qui porte
loin les aspirations de la région et qui renforce considérablement son sentiment
d’appartenance.

L’Outaouais a donc changé radicalement depuis 15 ans. Ses habitants font
aujourd’hui la grande majorité de leurs achats dans leur propre région, y vivent
la plupart de leurs loisirs et y travaillent dans une plus grande proportion. Il
est impossible que pareils changements à la vie collective culturelle, sociale
et économique n’aient pas d’influence sur le comportement politique des
citoyens. Après celle de Marc Bureau, l’élection fédérale du lundi 23 janvier
2006 démontre que la population est prête à entendre de nouveaux discours et à
les endosser.

Oui, la montagne bouge. Notre vote n’est plus monolithique. Plus personne ne
peut nous prendre pour acquis. Cela décuple notre force politique, c’est la plus
grande nouvelle en politique régionale depuis 30 ans.

Maxime Pedneaud-Jobin
Gatineau, secteur Buckingham
max.p.j@cyberus.ca

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