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PROJET DE LOI EN FAVEUR DE L’ANGLICISATION DU QUÉBEC

Le S-3 : une pression fédérale additionnelle en faveur de l’anglais au Québec

Si le Comité des langues officielles veut aider le gouvernement fédéral à remplir ses engagements constitutionnels de faire progresser le français au Canada vers l’égalité de statut et d’usage, il doit rejeter le projet de loi S-3 dans sa forme actuelle, car celui-ci favoriserait l’anglicisation du Québec, donc l’inégalité des langues au Canada en faveur de l’anglais. En lieu et place, le Comité devrait proposer une stratégie de promotion réelle du français sur tout le territoire canadien, y compris au Québec. C’est là l’essentiel du message que livrera ce matin le président d’Impératif français, M. Jean-Paul Perreault, devant le Comité qui étudie le S-3. Impératif français est un organisme de recherche et de communications voué à la promotion de la langue et de la culture d’expression française.

Cette proposition législative, qui est un amendement à la Loi sur les langues officielles, a pour objet de rendre justiciables les engagements du gouvernement fédéral d’assurer le développement de la communauté anglophone du Québec ainsi que d’obliger le gouvernement fédéral à prendre les mesures nécessaires en vue de favoriser l’anglais comme langue d’usage au Québec.

« Non seulement cette politique contreviendrait au grand objectif de la Charte de la langue française qui est de faire en sorte que le français devienne la langue commune et d’usage en territoire québécois, mais elle contribuerait également à y accentuer la faiblesse du français. Le français est en effet toujours incapable d’attirer la majorité des locuteurs qui adoptent une nouvelle langue d’usage au Québec et, par voie de conséquence, la nouvelle politique hausserait le déséquilibre actuel de la situation des langues au Canada en faveur de l’anglais », a précisé M. Perreault.

Nulle part dans la Loi sur les langues officielles, ni dans le projet de loi S-3, l’asymétrie de la situation des langues officielles au Canada n’est reconnue.

Impératif français
Recherche et communications
Jean-Paul Perreault, président
www.imperatif-francais.org

Mémoire soumis par
Impératif français

sur les consultations portant sur le projet de loi S-3
au Comité permanent des langues officielles

Chambre des communes
Ottawa, le 14 juin 2005

Sommaire
Impératif français est un organisme culturel de recherche et de communication voué à la défense et à la promotion de la langue et de la culture d’expression française qui, bien qu’ayant son siège social en Outaouais, oeuvre sur la scène régionale, québécoise, canadienne et internationale. Impératif français célèbre ses trente ans cette année. L’organisme s’appuie sur un vaste réseau de collaborateurs. Notre site Web compte des milliers de pages qui relatent les difficultés qu’éprouve le français au pays et dans le monde. Nous sommes ici aujourd’hui pour vous demander de remiser le projet de loi S-3 ou d’en limiter la portée au Québec.

L’objet du projet de loi S-3 est décrit dans son sommaire. Il s’agit de renforcer le caractère exécutoire des obligations qui incombent au gouvernement du Canada aux termes de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles. Ces obligations découlent de l’engagement suivant énoncé à l’article 41 qui se lit comme suit : le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, et à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.

Pour réaliser ces deux objectifs, la partie VII, telle qu’elle serait amendée par le projet de loi S-3, prévoit d’une part, et je cite : qu’il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que soient prises les mesures positives pour assurer la mise en oeuvre de l’engagement prévu à l’article 41 (1) et, d’autre part, à l’article 43, enjoint Patrimoine Canada à prendre les mesures pour assurer la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne, notamment auprès des minorités linguistiques, des gouvernements provinciaux et des municipalités, des entreprises, des syndicats, des organisations bénévoles, etc.

Enfin, S-3 ajoute qu’à défaut d’agir, quiconque a saisi le commissaire d’une plainte visant une obligation ou un droit prévu (…) à la Partie VII, peut former un recours devant le tribunal (…).

Le 19 mai dernier, le gouvernement a déposé des amendements au projet de loi S-3. Ces amendements auraient pour but de modifier le projet de loi en vue de remplacer les objectifs de résultats par des obligations de processus. Impératif français juge que ces propositions sont cosmétiques : dans les faits, le but poursuivi reste le même, à savoir rendre justiciable les obligations du gouvernement fédéral d’assurer l’épanouissement et le développement des communautés linguistiques francophone et anglophone et de faire progresser le français et l’anglais vers l’égalité de statut et d’usage au Canada.

Nulle part dans le S-3, ni dans la Loi sur les langues officielles d’ailleurs, il est indiqué que les obligations législatives du gouvernement fédéral en matière linguistique doivent être appliquées en conformité avec l’asymétrie de la situation des langues au Canada où l’anglais est nettement majoritaire, et le français, tout aussi nettement minoritaire et, à l’extérieur du Québec, très vulnérable. De plus, rien dans S-3 et, ni dans la Loi, ne limite le pouvoir d’intervention du gouvernement fédéral au Québec en matière linguistique. Il est important de le souligner, puisque l’un des objectifs de la politique linguistique fédérale, qui est de faire progresser vers l’égalité de statut et d’usage l’anglais et le français au pays, est en contradiction avec celui du Québec qui est de faire du français la langue commune et d’usage sur son territoire.

Dans le présent mémoire, Impératif français :

  1. Rappellera la fragilité du français au Canada et au Québec,
  2. Alléguera que le recours juridique ne constitue pas une substitution efficace à la volonté politique, seule capable de réfréner l’effritement des communautés francophones du Canada,
  3. Rendra compte des interventions fédérales en matière linguistique au Québec en faveur de l’anglais et évaluera l’impact de S-3.

Enfin, en conclusion, nous vous proposerons des recommandations.

1. Sur la fragilité du français au Canada

Plusieurs indicateurs font état de la précarité de l’état du français au Canada. En voici quelques-uns :

  • entre 1951 et 2001, la proportion de Canadiens de langue maternelle française est passée de 29 à 23 %;
  • à l’extérieur du Québec, pendant la même période, cette proportion a décru, passant de 7,3 à 4,4 %.

Sur le plan de la première langue d’usage, les choses ne vont pas mieux :

  • la proportion de Canadiens parlant le français le plus souvent à la maison est passée de 25,7 % en 1971 à 22 % en 2001;
  • hors Québec, le pourcentage de Canadiens qui ont le français comme principale langue d’usage continue de décliner : il est passé de 4,3 % en 1971 à 2,7 %, trente ans après l’adoption de la Loi sur les langues officielles.

Actuellement, aucun indicateur ne nous permet de projeter un revirement de la tendance lourde vers la décroissance chez les francophones du Canada. Hors Québec, le nombre absolu d’enfants qui fréquentent les écoles homogènes de langue française ne cesse de décroître alors que le taux d’anglicisation de la population des 25-40 ans est actuellement de plus de 50 % si on exclut le Nouveau-Brunswick, et il ne cesse d’augmenter. Au Québec, les démographes prédisent que les nombres concernant les francophones sont également appelés à s’affaiblir. Dans les commissions scolaires de Montréal, c’est déjà fait.

Par ailleurs, la connaissance de la langue française stagne au Canada alors que celle de l’anglais progresse :

  • Ainsi, en 1951, 31,9 % de la population canadienne avait une connaissance du français. Cette proportion est aujourd’hui de 31 %, une baisse d’un point de pourcentage;
  • En contrepartie, la connaissance de l’anglais, pendant la même période, est passée de 79,3 à 86 %.

Cette donnée permet de constater la force d’attraction de l’anglais au Canada. Ainsi, même si la proportion de Canadiens de langue maternelle anglaise diminue au pays, cette « perte » des effectifs « canadiens-anglais pure laine » est remplacée par les nouveaux arrivants et par les francophones qui changent de langue et adoptent l’anglais comme langue d’usage.

Il en va autrement pour le français. S’il était en bonne santé, au Canada comme au Québec, il attirerait son poids démographique en transferts linguistiques. Dans les provinces canadiennes-anglaises, on l’a vu, la situation est dramatique, le français enregistre des pertes nettes.

Au Québec, si la situation était bonne, le français y attirerait 81,5 % des locuteurs qui utilisent une autre langue d’usage que leur langue maternelle, et l’anglais, 8,3 %, soit la proportion de francophones et d’anglophones ayant le français ou l’anglais comme langue maternelle. Or, selon la plus récente étude publiée par l’Office québécois de la langue française il y a moins d’un mois, au Québec, en 2001, l’anglais avait attiré 55 % des locuteurs qui l’ont adopté comme langue d’usage, et le français, 45 %. Dans la région de Montréal, la situation est encore plus sérieuse : l’anglais y a attiré 65 % des locuteurs qui ont adopté une nouvelle langue d’usage et le français, 35 %.

Le rédacteur de l’étude a conclu ceci, de ces données et d’autres, et je cite :
Au total, malgré la vitalité nouvelle que manifeste le français au Québec, il y a eu plus – beaucoup plus, même – de nouvelles substitutions réalisées sur le territoire québécois en faveur de l’anglais qu’en faveur du français entre 1971 et 2001. Autrement dit, en chiffres absolus tout comme en chiffres relatifs, la vitalité générale de l’anglais a progressé davantage au Québec que celle du français sur l’ensemble de la période à l’étude. Fin de la citation.

Enfin, un mot sur le bilinguisme. Le groupe de population le plus bilingue au Canada est les francophones hors Québec avec un taux de 85 %. Puis viennent les anglo-québécois à 67 %, les francophones du Québec à 37 % et les anglophones du Canada, moins le Québec, à 7,2 %. Ces données montrent très bien qu’il est inutile d’imposer des pressions additionnelles au Québec en faveur de l’anglais, la population s’y bilinguise plus rapidement que partout ailleurs au Canada, sauf pour les francophones hors Québec, et ses jeunes comptent pour 50 % des jeunes bilingues au Canada, alors qu’ils représentent un peu moins de 25 % de cette population au Canada.

L’ensemble de ces données, loin d’être exhaustives, nous rappelle donc l’asymétrie de la situation des langues officielles au Canada. Un gouvernement fédéral qui voudrait poursuivre l’objectif de faire progresser le français et l’anglais vers l’égalité de statut et d’usage sur un territoire aussi anglicisé que le Canada, incluant le Québec, devrait adopter des mesures excessivement importantes en faveur du français partout au pays, y compris au Québec. La symétrie de statut et d’usage des langues officielles au Canada et le développement des communautés francophones et acadienne requièrent un traitement asymétrique du français et de l’anglais au Canada.

2. Le S-3 : une autre ligne Maginot pour les francophones hors Québec

Les francophones du Canada jouissent de plusieurs droits qui leur ont été octroyés par la constitution canadienne, la Charte des droits et libertés, des lois fédérales telles la Loi sur les langues officielles, et des lois provinciales, comme la Loi sur les langues officielles au Nouveau-Brunswick, la Charte de la langue française au Québec, la Loi sur les soins de santé en français en Ontario, sans compter le Renvoi à la Cour suprême qui a reconnu quatre principes non écrits de la Constitution, dont celui de la protection des minorités. Toutes ces législations auraient dû garantir le devenir des communautés francophones hors Québec et l’avenir du français au Québec.

Hélas, comme nous venons de le démontrer, il n’en est rien, ces législations se sont avérées de véritables lignes Maginot, incapables de stopper l’érosion des communautés francophones au Canada et de permettre au français au Québec de s’y comporter comme une langue normale qui attirerait son poids démographique de locuteurs qui changent de langue. Pourquoi? Parce que les garanties juridiques, sans volonté politique, sont comme les « Air Miles » : une promesse de bonheur qui mettra le temps à se réaliser! Or, le temps est un facteur qui joue contre les francophones du Canada, Statistique Canada en témoigne à chaque recensement.

Par exemple, les communautés francophones ont mis vingt-cinq ans à obtenir la mise en oeuvre de leurs droits constitutionnels scolaires et pendant que les provinces canadiennes-anglaises niaient aux enfants francophones leur droit à l’école française et que les parents de ses enfants s’épuisaient dans des recours juridiques jusqu’aux plus hautes instances, des milliers d’ayant droits francophones fréquentaient les écoles anglaises, s’y anglicisaient et perdaient pour leurs propres enfants, ce droit à l’éducation française.

Je vous cite un extrait du témoignage de Mme Madeleine Chevalier, présidente de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, devant votre comité le 15 février dernier :
Certes, depuis 1982, nous comptons sur les droits scolaires garantis par la charte, et vous savez combien il en a coûté à nos communautés francophones et acadienne pour arracher devant les tribunaux la pleine reconnaissance de ces droits. Il a fallu trois jugements clés de la Cour suprême du Canada, l’arrêt Mahé en 1990, le renvoi manitobain en 1993 et l’arrêt Arsenault-Cameron en 2000, pour forcer les gouvernements des provinces et territoires à concéder la gestion scolaire à la minorité francophone. Pendant ce temps, l’assimilation maintenait le chantier ouvert il y a un siècle par les différentes interdictions qui ont condamné l’instruction en français à disparaître ou à vivoter dans l’ensemble du Canada. Fin de la citation.

M. Godin pourrait nous parler d’exemples de francophones de sa province qui ont dû avoir recours aux tribunaux pour faire respecter la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick. M. Godbout pourrait nous parler de la lutte de Montfort en Ontario. M. Simard, du Manitoba, pourrait nous en dire long sur les démarches des siens dans la célèbre affaire Mahé, etc. Comme s’il s’agissait d’une médaille à deux revers, chaque fois que les francophones obtiennent un nouveau droit, c’est comme s’ils recevaient du même coup un passeport… mais pour le tribunal.

Le gouvernement fédéral n’est pas en reste. Ainsi, malgré que la Loi sur les langues officielles ait été adoptée en 1969, soit il y a plus de trente-cinq ans, l’autorité fédérale est toujours incapable de respecter ses propres obligations législatives justiciables prévues aux Parties IV et V portant sur la langue de service et la langue de travail. Les francophones du Canada éprouvent toujours des difficultés majeures à se faire servir par leur gouvernement dans leur langue et à y travailler dans leur langue dans les régions désignées bilingues.

Le projet de loi S-3 est lui-même une réponse au ras-le-bol d’un fier soldat franco-ontarien, à l’inertie de son gouvernement fédéral dans l’application de la Partie VII de la Loi. Adoptée en 1988, la Partie VII est restée lettre morte jusqu’en 1994 alors que le premier ministre Chrétien en a annoncé la mise en oeuvre dans 27 institutions fédérales. En soi, cette annonce n’était pas très légale puisqu’il n’y a rien dans la Loi qui permette au premier ministre d’en limiter ainsi la portée. La Partie VII devait s’appliquer à l’ensemble des 150 organisations fédérales. Incidemment, les propositions d’amendements déposés par la ministre limitent également la portée de la Partie VII à une trentaine d’organismes fédéraux. En agissant ainsi, le gouvernement fédéral se comporte un peu comme ce policier qui ne donnerait des contraventions de vitesse qu’aux chauffeurs aux yeux bleus, laissant ceux aux yeux bruns, verts et pairs la possibilité de se moquer de la loi, impunément!
Impératif français en vient donc à la triste conclusion que la reconnaissance d’un autre droit, celui prévu dans S-3, que certains qualifient par ailleurs de très aléatoire (combien d’années faudra-t-il devant les cours pour en préciser la portée?), n’est pas la réponse aux difficultés urgentes vécues par les francophones hors Québec. Si le fédéral voulait assumer un rôle réel de chef de file pour soutenir les communautés, il n’aurait pas besoin d’une loi pour ce faire, il agirait, tout simplement.
Mais nous comprendrions que les francophones hors Québec tiennent à ce projet de loi. Finalement, les cours ont été leurs meilleures alliées depuis trois décennies.

3. Les interventions fédérales dans le domaine linguistique au Québec

Au Québec, le gouvernement fédéral intervient en faveur de l’anglais.

Ainsi, en vertu de la Partie IV de la Loi sur les langues officielles, laquelle prévoit que les Canadiens doivent recevoir des services dans leur langue de la part des institutions fédérales, et en vertu de la Partie V de la Loi, laquelle prévoit que les fonctionnaires fédéraux peuvent travailler dans leur langue dans les régions désignées bilingues, une partie de la fonction publique fédérale qui oeuvre au Québec occupe des postes bilingues. Or, selon les données du Commissariat aux langues officielles, 60 % des postes de la fonction publique fédérale au Québec sont désignés bilingues, et ce, pour desservir une minorité linguistique qui compte pour 8,3 % de la population du Québec. Si les francophones du Nouveau-Brunswick, M. Godin, qui composent 33 % de la population de cette province, avaient le même service que les Québécois anglophones, la fonction publique fédérale y compterait 245 % de postes bilingues! Cela créerait bien de l’emploi!

Par ailleurs, le Commissariat aux langues officielles a publié récemment une étude sur la langue de travail des fonctionnaires fédéraux oeuvrant dans les régions désignées bilingues au Québec. Il a conclu que l’anglais n’y avait pas la place qui lui revient. En conséquence, il a recommandé aux agences centrales telles que le Conseil privé, l’Agence canadienne de la fonction publique et le Secrétariat du Conseil de travail d’adopter des mesures afin de renforcer l’utilisation de l’anglais dans la fonction publique fédérale au Québec.

Toujours selon la même étude, le Commissariat a ajouté que lorsque les fonctionnaires du Québec communiquent avec la maison mère fédérale, soit la région de la capitale nationale, la RCN, ils doivent le faire en anglais. Je cite à nouveau le Commissariat,

l’anglais prédomine dans les communications entre l’Administration centrale et les bureaux fédéraux situés dans les régions bilingues du Québec.

Impératif français affirme donc qu’en exigeant le bilinguisme à des milliers de travailleurs québécois et en obligeant les fonctionnaires francophones à utiliser l’anglais comme langue de travail au Québec, le gouvernement fédéral se pose en porte-à-faux avec l’objectif de la Charte de la langue française, qui est de faire du français, la langue de travail sur le territoire québécois.

Il est également intéressant de noter que deux régions du Québec où le français perd des locuteurs au profit de l’anglais sont des régions désignées bilingues par le gouvernement fédéral, soit l’Outaouais et Montréal.

Le gouvernement fédéral intervient également au Québec en vertu de la version actuelle de la Partie VII. Par exemple, il vient de conclure avec le gouvernement du Québec une entente de 11,5 millions de dollars, sur cinq ans, dans le but d’accroître l’accessibilité des services de santé aux anglophones. Cette entente a été dénoncée par Impératif français parce qu’elle a pour conséquence d’imposer le bilinguisme aux travailleurs d’Info-santé, en contravention avec leur droit de travailler en français au Québec.

De plus, selon le dernier rapport de Patrimoine Canada, le gouvernement fédéral a versé sept millions de dollars au Québec pour y promouvoir l’anglais en 2003-2004 dans divers secteurs d’activités tels que la santé, les arts et la culture, le développement économique, et ce, sans compter les autres dizaines de millions qui sont versés au Québec pour promouvoir l’anglais par la CBC, Téléfilm Canada, le Conseil des arts, le Fonds canadien de la télévision, Ressources humaines Canada, Industrie Canada, Développement social Canada, etc. évidemment, ces sommes excluent les transferts au titre de l’éducation.

Enfin, dans son dernier rapport annuel, Patrimoine Canada certifiait avoir versé 3,5 millions de dollars aux organismes communautaires anglophones du Québec.

Mentionnons enfin qu’en vertu de la Partie VII de la Loi, le Commissariat publie des études sur la mise en oeuvre de cette section de la loi. La plus récente, publiée en mai, porte sur les Sociétés d’aide au développement des collectivités, les SADC, et a adressé dix-huit recommandations à leur ministère responsable dans le but de s’assurer que vingt d’entre elles, situées au Québec, rehaussent leur niveau d’affichage bilingue et de services directs en anglais à la population. Les SADC sont des organisations sans but lucratif avec lesquelles le gouvernement fédéral a conclu une entente de service. Cette dernière information donne une idée du champ d’action fédéral dans le domaine des langues au Québec.

Il convient également de rappeler que le gouvernement fédéral pratique au Québec la symétrie dans l’affichage alors que la Charte de la langue française prévoit l’asymétrie, une pratique qui a été avalisée par la Cour suprême.

Impératif français est très inquiet des conséquences de l’adoption de S-3 au Québec. Si les articles 41, 42 et 43 deviennent justiciables, selon l’annexe proposée par la ministre dans ses amendements, le projet de loi S-3 s’appliquerait dans un premier temps à une trentaine d’agences fédérales qui oeuvrent dans les domaines du développement économique, culturel, juridique, en immigration, recherche et développement, tourisme, ressources humaines, environnement, agriculture, santé et industrie. Tous ces ministères et organismes distribuent des milliards de dollars en paiements de transfert.

Bien concrètement, si S-3 était adopté, cela permettrait-il aux représentants anglophones du Québec de recourir aux tribunaux afin d’obliger le gouvernement fédéral à rouvrir l’entente sur l’immigration pour favoriser l’immigration anglophone au Québec, tel qu’il a été demandé par la Quebec Community Group Association devant votre comité lors de sa dernière parution, et ce, dans le but d’assurer le développement de la communauté anglophone du Québec?

Si S-3 devient justiciable, un Brent Tyler pourra-t-il réclamer des cours de justice l’ajout des clauses linguistiques élargies dans les ententes fédérales-provinciales sur les garderies, les villes, la santé, la formation de la main-d’oeuvre, pour faire progresser davantage l’anglicisation du Québec?

Si S-3 devient justiciable, qu’est-ce qui empêchera le gouvernement fédéral de faire la promotion de l’anglais comme langue de travail, dans les entreprises du Québec, notamment dans celles qui tombent sous son champ de compétence comme les entreprises de communication et les banques?

La ministre du Patrimoine canadien, dans son témoignage, ne nous a offert AUCUNE garantie contre les dérapages de ce type, si ce n’est sa crédibilité. Impératif français est désolé, mais juge la garantie insuffisante.

Impératif français s’objecte avec énergie à ce que le projet de loi S-3, tel qu’il est ou amendé, soit appliqué au Québec. Nous concluons que toute intervention fédérale en faveur de l’anglais au Québec accentue le déséquilibre des langues au Canada, en faveur de l’anglais.

Conclusion

Pour Impératif français, la logique commande que l’ensemble de la politique linguistique fédérale soit revu, basé sur la prémisse qu’au Canada, pour que les langues officielles atteignent l’égalité de statut et d’usage, il faut agir massivement en faveur du français partout sur le territoire, et non de l’anglais.

De plus, Impératif français évalue que la situation des communautés francophones du Canada est précaire et commande des actions immédiates et draconiennes.
Enfin, en ce qui a trait au Québec, Impératif français veut rappeler à ce Comité, qu’il y a dix ans, la Chambre des communes a reconnu le caractère distinct du Québec dans une motion qui a été adoptée à la majorité. Cette motion trouve ici son application : le gouvernement fédéral doit en venir à la conclusion qu’il doit appuyer le gouvernement du Québec dans son objectif de franciser la société québécoise en vue d’atteindre le sien, qui est de faire progresser les deux langues officielles vers l’égalité de statut et d’usage dans la société canadienne. De plus, il doit reconnaître les efforts législatifs, financiers et autres réalisés par le gouvernement du Québec pour soutenir les communautés anglophones au Québec et lui offrir une compensation sans condition pour l’ensemble de ses initiatives. En effet, il serait injuste que le fédéral finance les initiatives mises en place dans les provinces anglaises pour soutenir les francophones du Canada, mais ne compense pas le Québec adéquatement pour la panoplie de services que la province a déjà financés pour sa minorité.

En conséquence, Impératif français propose :

  • Que le Comité recommande à la Chambre des communes de rejeter le projet de loi S-3 parce qu’il constitue un outil inadéquat pour les communautés francophones du Canada et périlleux pour le Québec;
  • Que le Comité procède rapidement à une réévaluation globale de la politique linguistique fédérale sur la base de l’asymétrie de la situation du français et de l’anglais dans la société canadienne et propose des mesures en vue a) de soutenir les communautés francophones et acadienne et b) de faire progresser l’anglais et le français vers un statut d’égalité et d’usage;
  • Que le Comité propose au gouvernement fédéral de reconnaître les efforts et les sommes consentis par le gouvernement du Québec à sa minorité anglophone et lui offre une compensation sans condition à cet égard (autrement nommé un droit de retrait avec compensation);
  • Que, lors de son étude sur les moyens à prendre pour faire progresser le français et l’anglais vers l’égalité de statut au Canada, le Comité se penche sur l’application des Parties IV et V de la Loi sur les langues officielles au Québec afin de limiter leurs effets anglicisants.

Comme vous l’avez remarqué, Impératif français a choisi d’interpeller le Comité sur le fond de la question plutôt que sur la forme. Nous voulons rappeler que lorsque le gouvernement fédéral a choisi d’assumer un rôle de chef de file dans les domaines de la santé, des municipalités, des garderies, de la formation professionnelle, il a trouvé les milliards de dollars requis à ces engagements et n’a pas eu besoin qu’on lui impose ces objectifs par la contrainte.

Redonner aux communautés francophones les conditions nécessaires à leur développement et à leur épanouissement passe par la mise en place de mesures concrètes. Reconnaître le Québec comme société française au Canada et lui accorder ce statut dans une entente sur la langue est nécessaire pour assurer la pérennité du français au pays.

Mais si les communautés francophones tiennent à S-3, et nous les comprendrons de défendre ce droit bec et ongles, et que le Comité choisit de les appuyer, alors le Comité devra également proposer des amendements en vue de limiter la portée du projet de loi au Québec. Il ne s’agit pas d’être contre le bilinguisme ou contre la communauté anglophone au Québec, il s’agit de s’assurer de la viabilité à long terme du français au Québec. Si ce château fort du français en Amérique tombe, il ne tombera pas seul. Merci.

Impératif français
Recherche et communications

C.P. 449, succ. Aylmer
Gatineau (Québec)
J9H 5E7
https://www.imperatif-francais.org

(Le 14 juin 2005)

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