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LOGIQUE DE MINORISATION

LOGIQUE DE MINORISATION

Le 2 juillet 2003

M. Benoît Pelletier, ministre-député de Chapleau
M. Georges Arès, président de la FCFA

Messieurs,

Le ministre Pelletier : le Québec et la Francophonie hors Québec

Le 22 juin dernier, Radio Canada nous apprenait que : « Le ministre Benoit
Pelletier a un plan d’action très précis : il veut créer un centre de la
francophonie, redéfinir les liens entre les francophones du Canada et réviser la
politique du Québec à l’égard des communautés francophones.

Le président de la FCFA (Fédération canadienne des Francophones et Acadiens),
Georges Arès, était ravi du discours du ministre Pelletier : « C’est vraiment
encourageant d’entendre ces choses là ».

Le ministre Pelletier : double langage et logique de minorisation

" Quand on a défendu ses droits de façon purement verbale et que survient
l’échec, on se félicite de s’être battus mais c’est pour mieux plier l’échine et
chanter tous en choeur le O Canada " (Un ex Franco-Ontarien)

M. Benoit Pelletier était professeur à l’Université d’Ottawa avant de devenir
député. En 1998, il a écrit dans son ouvrage intitulé " Le fédéralisme de demain
: réformes essentielles": « LA VOLONTé POLITIQUE D’ABOUTIR à UNE QUELCONQUE
RéFORME CONSTITUTIONNELLE QUI SATISFERAIT EN PARTIE LE QUéBEC SEMBLE PLUS QUE
JAMAIS FAIRE DéFAUT. ET CE,TANT AU NIVEAU DE L’ORDRE CENTRAL, QU’AU NIVEAU DES
PROVINCES MAJORITAIREMENT ANGLOPHONES DU PAYS. »

Maintenant il dit le contraire. Il faut croire que son arrivée au PLQ lui a
fait découvrir une souplesse que ses longues années de recherche et
d’enseignement ne lui avaient pas permis de déceler. Par magie, tout a changé :
la vie en rose, quoi ! Il voit des ouvertures, a-t-il dit !

Il est responsable du dossier constitutionnel pour le PLQ, un parti dont les
nombreuses tentatives de réforme du fédéralisme, en 40 ans, ont toutes échoué.
Il a comme chef Jean Charest qui, avec Mulroney, avait promis à l’élection de
1984 " le retour du Québec dans le giron constitutionnel dans l’honneur et
l’enthousiasme ". Or, Charest a échoué à Meech 1(1987), Meech 2 (1990),
Charlottetown (1992). Et le Québec, en 2003,est toujours régi par une
constitution qu’il ne reconnaît pas.

La trouvaille de M. Pelletier : un Conseil de la fédération de 10 provinces
égales. Imaginez ! D’un soi-disant Pacte de la Confédération entre 2 peuples
cofondateurs sur une base d’égalité, on tombe à un « Conseil de la fédération »
où la nation québécoise est reléguée au rang de simple province : un peuple en
domine un autre !

Donc M. Pelletier a un double langage : celui du professeur et celui du
politicien. Celui du politicien est soumis à " la logique de la minorisation ",
très bien décrite par Robert Laplante : " La logique de la minorisation :
" vaut mieux ne pas « provoquer » le Canada, qui restera de la sorte « le plus
meilleur pays du monde », qui permettra à ses francophones de quêter une
reconnaissance folklorique et au Canada lui-même de se vanter devant les
manifestations de cette reconnaissance, de sa très grande tolérance…. "

Le Québec et les Francophones hors Québec (FHQ)

On le sait: le peuple "Canadien français" est mort et enterré gracieuseté de
la Loi sur les langues officielles(1969) et de celle du Multiculturalisme
(1971). Fini le rêve " d’égalité entre 2 peuples cofondateurs ! ". Fini le rêve
du BICULTURALISME !

Le Québec n’est toujours qu’une simple province soumise à une constitution
qu’il ne reconnaît pas. Et, dans ce contexte, les liens possibles entre le
Québec et les FHQ se limiteront à ceux reliés à des communautés
socioculturelles. On ne peut être contre la vertu : un "centre de la
francophonie", je veux bien, mais ça ne donne pas une université francophone en
Ontario ni des services de santé et des services sociaux en français. Pendant
que le taux d’assimilation des Franco-Ontariens, de 5 ans en 5 ans, augmente de
façon dramatique en raison notamment du manque d’institutions, parler d’un
"centre de la francophonie", quant à moi, c’est de parler de littérature à
quelqu’un qui est affamé. Ou encore c’est de la poudre aux yeux pour la parade
hors Québec alors qu’on sait que le français est de plus en plus une langue
locale et marginale hors Québec, que le bilinguisme, d’évidence, est une fiction
étrangère au fonctionnement du Canada.

Si M. Pelletier a de l’influence, il a 2 choses à faire : 1- Ou bien il signe
la constitution de 1982 ou bien il dénonce cet état de fait et propose une
solution acceptable au Québec-nation (ce qu’il sera impuissant à faire comme le
disait le prof Pelletier en 1998). 2- Dénoncer l’injustice criante faite aux
Franco-Ontariens par le Canada en ce qui touche leurs droits collectifs…..et
cela passe bien avant un « centre de la francophonie ». Rappeler au Canada les
services mur à mur offerts aux Anglo-Québécois.

Pendant que de l’autre côté de la rivière des Outaouais, suite à une fusion
forcée (tiens regarde donc cela!), il y a une nouvelle ville d’Ottawa-Carleton
qui refuse le bilinguisme aux Franco-Ontariens, M. Pelletier assiste impuissant
au défusionnement de plusieurs arrondissements anglophones de Montréal
lesquels ont déjà les services dans leur langue.

Le président de la FCFA trouve cela « encourageant ». Franchement ! Le Québec
aidant les FHQ, dans le contexte actuel, c’est un peu un borgne aidant un
aveugle. Avant de jeter de la poudre aux yeux d’un « centre de la francophonie
», il y a des actions fondamentales à poser : 1-Régler la question du Québec
dans ou hors Canada, 2-Faire des pressions fortes auprès du Canada anglais pour
rendre justice aux droits des Francophones hors Québec. Malheureusement on a la
perception que la FCFA est plutôt un organisme timide aux mains liées dans le
cercle vicieux des subventions du fédéral. Entre le dynamisme de revendication
d’Alliance Québec et celui de la FCFA, la marge est immense !

Le Québec est actuellement en position d’occupation. Environ 58% de nos
impôts sont envoyés au fédéral pendant que ce dernier envahit les champs de
compétence du Québec comme un bulldozer. Le Québec, coincé financièrement,
venant de réduire le budget de la culture de 3%, ne pourra jamais aider
considérablement les FHQ. Et ce ne sera que dans les limites de son pouvoir
provincial de plus en plus limité.

La seule façon d’aider de façon profitable la Francophonie hors Québec c’est
avec un Québec souverain. La souveraineté ne peut que leur être profitable. Non
pas parce que le Québec interviendrait dans les affaires du Canada, mais parce
qu’en tant qu’Etat indépendant, il aurait les moyens, et la volonté, de cultiver
les bases d’une nouvelle solidarité. A un problème politique, il faut une
solution politique….. pas socioculturelle !

La montagne accouche d’une souris

Le ministre Pelletier se comporte en ministre d’un simple gouvernement
provincial et non en tant que ministre d’une nation majoritairement francophone.
Il se contente de symboles et de la poudre aux yeux. Par la fuite en avant, il
évite d’apporter une solution à la question nationale du Québec et d’aborder de
front la question des droits collectifs des FHQ. Ce que Bernanos traduit
admirablement par le « Pacte des temps de peste : Y penser le moins possible et
n’en jamais parler ». Contrairement au Président Arès de la FCFA, je trouve cela
très inquiétant parce que M. Pelletier par son manque d’audace et son double
langage entretient « la logique de la minorisation »! A un problème politique,
il faut une solution politique!

Je partage l’opinion de Michel Venne : « Dans le contexte moderne, la seule
voie de sortie pour les groupes minoritaires est de se doter d’une existence de
nature politique, protégée par des institutions qu’ils contrôlent. »

Quand le ou la ministre de la culture québécoise est le (la) ministre du
Patrimoine fédéral, il y a un problème là !

Pierre Grandchamp
Notre-Dame-des-Prairies
piergrd@videotron.ca

(Le 2 juillet 2003)


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