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LES PROCHAINES ÉLECTIONS QUÉBÉCOISES

LES PROCHAINES éLECTIONS QUéBéCOISES

Les indépendantistes pourront-ils voter ?

Les élections s’en viennent. Les députés sont omniprésents.
Les ministres le sont tout autant avec leurs poches pleines de présents :
asphalte, tuyaux dégoûts, systèmes dépuration des eaux, réfections d’églises,
ponts, prolongements de ceci, redressements de cela : tout y passe. La
silhouette de Duplessis se profile à l’horizon. Son ombre plane plus que jamais
comme dans le Québec d’antan. Ceux qui croyaient cette époque révolue se
trompent bien : l’ère bleue est bien de retour. Il ne manque que le slogan des
années 40 «le ciel est bleu, l’enfer est rouge» pour que le tableau soit
complet.

Les indépendantistes avaient vu autre chose dans le paysage
politique québécois que cette nostalgie de l’ère bleutée, celle du «chef» qu’on
adule et qui décide tout, y compris les «clips» sur l’information à donner au
peuple.. Ils avaient rêvé d’un pays bien réel, avec des hommes et des femmes
prêts à tout sacrifier, y compris leur carrière personnelle, pour les y
conduire. Le pouvoir a gangrené les dirigeants de cette cause grande et noble de
l’indépendance et le porte-monnaie l’a emporté sur le pays à faire, le pays à
nommer. Quelques-uns des dirigeants ou ex-dirigeants accusent maintenant le bon
peuple de s’être endormi, en oubliant que ce sont eux qui, volontairement, l’ont
chloroformé par leur silence calculateur, leur imprécision et leurs chicanes
internes, leur manque de courage et de lucidité. Orphelins d’un parti qui n’est
plus que l’ombre de celui dans lequel ils ont milité, orphelins d’une cause et
d’un idéal dans lesquels ils ont tant investi, ils se demandent, bien
lucidement, à la veille du prochain scrutin, pour qui voter?

Le Québec a maintenant trois partis fédéralistes et aucun
n’est authentiquement indépendantiste. Le Parti libéral, dirigé par Jean
Charest, est d’un vide à faire mourir tout électeur qui veut se rendre aux
urnes. A part le «guelage» de son chef, d’une politique traditionnelle à la
petite semaine, ce parti est sans vision, ne présente aucune action stimulante
pour quelqu’un qui croit à un avenir meilleur pour sa nation.

L’Action démocratique du Québec fait encore davantage pitié.
Mario Dumont n’a pas su livrer une vision claire d’un Québec moderne. Il
pratique lui aussi la politique du «ça n’a pas de bon sens de faire ce qui se
fait
présentement», mais ne propose rien de bien concret comme
solution de rechange. Sa position constitutionnelle n’est pas très lumineuse et
son programme économique et social ne l’est pas davantage. Qui peut dire, en
quelques paragraphes, ce que ce parti propose comme avenir pour l’ensemble de
l’électorat? Bien des gens s’apprêtent à l’appuyer en disant que ça ne peut pas
être pire que ce qui est là! Les Québécois n’ont pas d’idées : ils n’ont que des
sentiments.

Le Parti québécois, voué à l’indépendance du Québec, est bel
et bien mort. Jean Bernard Landry est devenu confédéraliste, a repris,
sans trop le dire à tout le monde, exactement le programme de l’Action
démocratique, version originale. Ceux qui le croyaient pur et dur doivent bien
admettre maintenant qu’il est mou, plus mou que ce qu’on pouvait imaginer.
Michel Vastel ne craint pas de dire dans sa biographie du premier ministre
Landry (p.428) que l’union confédérale qu’il propose n’est qu’un autre modèle de
fédéralisme renouvelé. Ce qui veut dire que voter pour le Parti québécois, à la
prochaine élection, c’est voter pour rester dans le Canada. C’est voter
fédéraliste!

Tout est maintenant bien clair : les trois partis politiques
québécois sont maintenant fédéralistes. Ils le sont tous, plus ou moins. Le
Parti libéral l’est sans doute plus que son vis-à-vis. L’Action démocratique
l’est encore moins qu’il ne l’était et certains matins, je me demande, si ce
n’était du maudit orgueil, pourquoi Mario Dumont ne retourne pas paître dans les
champs qui l’ont vu naître. Le Québec redeviendrait bipartite : le parti des
bleus de Jean Bernard, vision moderne de l’ancienne Union nationale et le parti
des rouges de Jean le conservateur, coloré en rouge, venu d’Ottawa, pour nous
mettre à genoux devant le grand-frère qui le téléguide.

Les indépendantistes peuvent-ils honnêtement aller voter la
prochaine fois? Logiquement, non! Un indépendantiste qui vote fédéraliste n’a
aucun sens. Et pourtant, c’est ce que des milliers de Québécois, inconscients,
avalés par une machine qui demandera encore de «faire confiance comme en
1998»,
s’apprêtent à faire. Les indépendantistes sont orphelins d’un idéal.
Ils sont orphelins même d’un leader qui aurait une vision claire à présenter. Il
ne faudra pas se surprendre d’en voir plusieurs rester à la maison lors de la
prochaine élection. Comme en 1985. Il y a des limites à se faire berner d’une
élection à l’autre, à manipuler la confiance de l’électeur. Le moment venu, les
Québécois se cimenteront autour du pays qu’ils ont dans le coeur. Ils le feront
naître parce qu’ils l’aimeront tel qu’ils le sentent et non tel que les
politiciens l’inventent.

Nestor Turcotte
Matane

aristote@ma.cgocable.ca

(Le 28 mars 2002)


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