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L’AFFAIRE MICHAUD

Michaud Yves vs Angenot Marc…Grey Casgrain. 9-10 janvier 2002

Chambre civile du Québec. Chambre 13.08. AZ9992

Juge François Michel Gagnon

Da mihi facta, dabo tibi jus.

(Donne-moi le fait, je te donnerai le droit.)

Le fait est simple, clair, net, précis : le 8 février 2001, à
l’émission Les mots pièges », animée par Pierre Maisonneuve sur les ondes
du réseau RDI de Radio-Canada, consacrée en grande partie à ce qu’il est convenu
d’appeler l’Affaire Michaud, l’intimé déclare : « M. Michaud avait le
droit de tenir des propos antisémites, j’ai le droit de les trouver abjects»
.
Que M. Angenot reconnaisse à quiconque le droit de tenir des propos antisémites,
c’est son affaire. Pour ma part, je ne m’accorderai jamais ce droit, ni ne
l’accorderais à personne, car il est la porte grande ouverte au racisme et à la
haine.

En entendant sa déclaration sur les ondes de
Radio-Canada, je me suis senti sali, souillé, couvert de crachats et de
vomissures. Qu’ai-je donc dit pour mériter pareil châtiment et pour être jeté
dans les poubelles de la réprobation publique ? Me découvrirais-je soudainement,
à 71 ans révolus, une vocation à l’antisémitisme et au racisme ? Je suis
parrain d’un garçon enfant juif, David Anselem, ma femme est marraine d’une
fille juive, Caroline Guedj, les deux de familles différentes. J’habite depuis
bientôt quarante ans dans un quartier de Montréal à prédominance juive, en
parfaite harmonie, amitié et convivialité avec mes voisins.. En cherchant bien,
comme profil d’auteur de propos antisémites, on pourrait facilement trouver
mieux !

Dans le contexte de l’opinion publique au Québec et au
Canada, compte tenu de l’universelle réprobation de l’Holocauste nazi, accuser
un citoyen à tort et à travers d’avoir tenu des propos antisémites (par surcroît
sans la moindre preuve à l’appui) c’est le stigmatiser pour le restant de ses
jours, le couvrir d’une indélébile opprobre, le brûler d’un tatouage dont il ne
pourra jamais se défaire. C’est jeter son honneur en pâture à des hyènes
enragées, violer sa réputation, le livrer à des amalgames malsains et des
interprétations friponnes. « PLUS JAMAIS çA ! « Cela est intolérable et
doit cesser car violer l’honneur d’un seul est violer l’honneur de tous. Avec
ses onze millions d’êtres humains exterminés dont des millions de Juifs, la
Shoah est une référence sacrée de la mémoire et de la repentance universelle.
Mais ceux qui se servent de cette immense tragédie comme fonds de commerce à des
fins d’exploitation politique, militaire, mercantile ou revancharde sont des
escrocs de la mémoire au même titre que les vendeurs du temple de la tradition
chrétienne.

Lors de ma prestation devant les états généraux de la langue
française, le 13 décembre 2000, (Pièce R-1) les seuls propos que j’ai
tenus à l’endroit du peuple juif, qui plus est en présence des représentants du
B’nai Brith qui devaient me succéder à la tribune immédiatement après ma
prestation, sont les suivants, en citant Lionel Groulx (page3 .par.7). Ce
dernier incitait les Canadiens-français « à posséder comme les Juifs leur
âpre volonté de survivance, leur invincible esprit de solidarité, leur
orgueilleuse et impérissable armature morale.» L’historien donnait alors
l’exemple du peuple juif comme modèle à suivre pour que les Québécois affirment
pleinement leur propre identité nationale, l’héritage de leur histoire, ajoutant
que l’antisémitisme était une attitude anti-chrétienne et que les Chrétiens
sont, en un sens, spirituellement des sémites. »
Il faut être d’une
malhonnêteté intellectuelle sans bornes pour trouver dans les propos qui
précèdent la moindre poussière d’antisémitisme.

Définissons les termes selon le Grand Robert : Antisémite :
« raciste animé par l’antisémitisme.» Antisémitisme : « doctrine
d’inspiration raciste dirigée contre les juifs.» Racisme : « hostilité
violente contre un groupe social.» Abject : « Qui inspire l’aversion, le
dégoût, la répulsion; qui attire le mépris, l’opprobre. – Abominable, bas,
dégoûtant, ignoble, indigne, infâme, infect, méprisable, odieux, répugnant,
vil.» Conclusion logique : une personne qui tient des propos abjects est un
exemple peu reluisant de l’espèce humaine. Diffamation : « Action de
diffamer. Accusation, attaque, calomnie, médisance ».

BEAUMARCHAIS, le Barbier de
Séville, II, 8.

«La calomnie, monsieur! J’ai vu les plus honnêtes gens près
d’en être accablés. D’abord un bruit léger, rasant le sol comme l’hirondelle
avant l’orage, murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle
bouche le recueille, vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait;
il germe, il rampe, il chemine, et, de bouche en bouche il va le diable; puis
tout à coup, ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler,
grandir à vue d’oeil. Elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe,
arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient un cri général, un crescendo
public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y
résisterait ?
» .

Lors de l’interrogatoire après contestation le 30 août 2001,
(R-4)
je lui demande à M. Angenot s’il a dit : « Monsieur Michaud avait
le droit de tenir des propos antisémites ; j’ai le droit de les trouver
abjects »,
l’intimé répond ( p-5-.80) : « C’est exact, j’ai dit quelque
chose en tout cas comme ça à un mot près… »
«Quelque chose en tout cas
comme ça à un mot près »…
Une réponse pour le moins étonnante ! Ma requête en
réclamant de dommages et intérêts pour diffamation lui a été signifiée le 21
mars 2001. Six mois se sont écoulés avant que je l’interroge. Il a certainement
visionné pendant cette longue période, l’enregistrement de l’émission et les
mots qu’il a prononcés. Sa réponse en guise de défense, est cousue de fil blanc,
comme s’il voulait a posteriori, atténuer, gommer, amoindrir, rendre anodin,
léger ou inoffensif le libelle, grave, diffamatoire et calomniateur de dire de
quelqu’un qu’il « avait tenu des propos antisémites et qu’il avait le
droit de les trouver abjects ».
Il est faux de prétendre qu’une telle
calomnie constitue un « commentaire loyal » au sens de la loi. Au Québec comme
ailleurs, la niaise et destructrice « rectitude politique » fait ravage et
corrompt le débat public. La rectitude politique est un virus malsain et putride
qui empeste la sphère politique. Au seul prononcé du mot « juif », les premiers
ministres ont peur, les ministres ont peur, les députés ont peur, les gens de
robe ont peur, le commun des mortels a peur. Par les temps qui courent, la
moindre allusion, la moindre remarque, fut-elle élogieuse, devient suspecte,
voire prétexte à des accusations d’antisémitisme ou à des allusions vicieuses
« rattachées » à de l’antisémitisme.

Les exemples foisonnent de ce type d’amalgame dans la
déposition de M, Angenot suite à l’Interrogatoire après contestation du 30 août
2001 :

  • (Page 30-ligne 712) : Dans l’interrogatoire de M.Angenot,
    son procureur déclare et je cite : « Dire que les Juifs ont leur état en
    Israël, ça peut être de l’antisémitisme ? »
    Je lui demande s’il partage
    cette opinion ? Réponse : « Oui, je le pense. Je pense que ça peut l’être.
    ça peut l’être» .
    Je reste pantois devant une telle énormité. à ce compte,
    tout est antisémite !

  • (Page 35-ligne 857) Après que j’eus dit :
    (page-34-ligne 833) : « Le peuple juif n’est pas le seul au monde à avoir
    souffert dans l’histoire de l’humanité »,
    l’intimé répond : « Le propos
    « vous n’êtes pas le seul à voir souffert » permet des interférences
    extrêmement fâcheuses parce qu’il entre dans une certaine connivence avec les
    propos révisionnistes et négationnistes qui empuantissent l’atmosphère… »

  • (page-35-ligne 866) : « Jean Daniel, de confession juive,
    directeur du Nouvel observateur, déclare et je cite : « Ce n’est pas parce
    que l’on est obsédé par l’effroyable Shoah que l’on peut négliger les autres
    génocides et permettre à un peuple d’en opprimer un autre.»
    Est-ce que
    vous êtes choqué par cette affirmation ? Réponse : Je ne suis pas
    nécessairement choqué par cette affirmation.
    Mais vous l’avez été dans le
    cas de la mienne ? Réponse : « Je l’ai été dans le cas de la vôtre. Il n’y
    a aucun doute. Cette affirmation, néanmoins, consiste à un potentiel, si vous
    le voulez, de dérapage qui justifierait d’être légèrement
    (sic)
    suspicieux à son égard… »

  • (page 36- ligne 888) : Le Halifax Daily News du jeudi
    quinze (15) octobre 1992 rapporte les propos suivants de Lucien Bouchard : « Like
    Jews, Quebecers have been confined to a ghetto and excluded from international
    life because they don’t have their own country « ,
    Bouchard said in an
    adress in French and English to about 50 Jewish community leaders »
    .
    Question: Est-ce que vous estimez ces propos antisémites, est-ce qu’ils
    seraient en légère suspicion de connivence avec les propos négationnistes et
    révisionnistes ? Réponse : « Exactement M. Michaud, j’ai le droit à mes
    certitudes et à mes convictions politiques, certains propos peuvent me
    paraître déplaisants et les propos que vous me rapportez de M.Bouchard
    entrent dans cette catégorie».
    On notera que pour avoir dit
    substantiellement la même chose , M. Angenot trouve les propos de M. Bouchard
    « déplaisants », et les miens antisémites !!!

  • (page 43-ligne 1085) : à la suite d’une entrevue qui vous a
    été faite par Jonathan Key du National Post le 14 avril 2001, vous avez
    déclaré et je cite : « Parmi les remarques impliquées de Monsieur Michaud,
    all of them had bizarre things to say about Jews and, as far as I am
    concerned, all the obsessional remarks have « antisémitic overtones.

    Traduction littérale : («sous-entendus » antisémites») . « Choses bizarres
    à propos des Juifs, remarques obsessionnelles, sous-entendus antisémites ?
    ,
    où sont les preuves de pareilles iniquités ? L’intimé ne peut en apporter
    aucune.


  • Les propos de l’intimé procèdent d’un maccarthysme à l’état
    pur : il n’y a pas de différence entre « Vous êtes un communiste !
    des années cinquante, ou de nos jours, « Vous tenez des propos
    antisémites ! »
    laissant perfidement entendre que vous êtes insensible à
    l’une des plus grandes barbaries de l’histoire de l’humanité. Dans les
    deux cas, ce genre d’anathèmes a vu des vies brisées, des suicides, de vieilles
    amitiés rompues, la personne visée tomber en disgrâce, ses proches, femme,
    enfants, petits-enfants, en proie à l’inquiétude et au chagrin. « Ma femme m’a
    accompagné pendant plus de cinquante ans au cours d’une vie consacrée la plupart
    du temps, j’ose l’espérer non sans une certaine dignité, au service public et à
    la patrie, si j’ose encore employer un mot presque tombé en désuétude et suspect
    de « racisme » dans les milieux de la « bien-pensance » et de la rectitude
    politique. Ma femme se relève de dix longs mois d’un mal de l’âme, à la
    périphérie d’une dépression nerveuse dont on connaît encore mal les séquelles
    qui s’ensuivront. Je me rends bien compte que sa douleur, le chagrin de mes
    proches, objets de remarques désobligeantes, de même que mon honneur entaché
    sont bien peu de choses si on les compare aux souffrances des hommes, des
    femmes, des enfants, des peuples et des nations ou avec le souvenir lancinant
    des actes de barbaries dont eux-mêmes ou leurs ascendants ont été victimes. Pour
    tout dire, je me sens un peu égoïste, dans le malheur des temps qui accable
    l’humanité et le vacarme du monde en ce début de siècle, de saisir la justice du
    fait que mon honneur a été violé. Mais il est la chose la plus précieuse que je
    possède, exception faite de l’amour des miens et de rares amitiés qui n’ont
    jamais été trahies. Après tant d’années durant lesquelles je crois avoir
    consacré mes énergies au bénéfice des mes concitoyens, je veux mon honneur sans
    tache, propre, immaculé, intouchable, dans l’état qu’il était le 14 février 2000
    alors qu’en présence de plusieurs centaines d’invités, dont le premier ministre
    Lucien Bouchard, le vice-premier ministre Bernard Landry, plusieurs ministres du
    cabinet et députés, l’on me rendit un témoignage émouvant en reconnaissance de
    ce que les organisateurs de la manifestation qualifiaient de « cinquante
    années de ma contribution exceptionnelle à la vie publique québécoise.»

    (Pièce R-7)
    . Dans la célèbre trilogie de Marcel Pagnol, César dit à son
    fils Marius : « Petit, l’honneur c’est comme les allumettes, ça ne sert
    qu’une fois.»
    J’aurais, à la limite, passé la calomnie de l’intimé à profits
    et pertes s’il avait accepté de retirer ou corriger ses propos outrageants ainsi
    que demande lui fut faite, mais il n’en eut cure (Pièce R-2). M. Robert
    Libman, directeur régional (sic) au Québec du B’Nai Brith, (organisme qui n’a
    pas la prétention de représenter la totalité de la communauté juive), avec
    lequel je suis en délicatesse depuis que son organisme a demandé à la mairie de
    Montréal de débaptiser la station de métro Lionel Groulx et sommé M. Bouchard de
    barrer la route à ma candidature appréhendée dans Mercier en me qualifiant de
    «dinosaure», a eu au moins l’élémentaire décence de remettre les pendules à
    l’heure dans l’hebdomadaire VOIR du 7 mars 2001 (Pièce R-8). Que l’on ne
    s’y trompe pas. Il y a un abîme de différence entre sionisme et antisémitisme.
    Le sionisme est un « mouvement politique et religieux visant à
    l’établissement d’un état juif (la Nouvelle Sion) en Palestine».
    (Grand
    Robert) . Le débat se poursuit autour de cette question depuis plus d’un siècle
    au sein même de la diaspora juive. L’antisémitisme, pour sa part, est « une
    doctrine d’inspiration raciste dirigée contre les Juifs »
    (Grand
    Robert). En toute logique, lorsqu’une personne tient des propos antisémites,
    elle est de facto raciste ou présumée l’être. Les propos de M. Angenot
    m’inscrivent dans cette catégorie de personnes qui se nourrissent de haine et de
    préjugés. Ce type de propos d’une extrême gravité est dénoncé éloquemment par
    nul autre que le président du B’Nai Brith au Canada, M. Stephen Scheinberg, qui
    déclarait à The Gazette, (19 septembre 1997, page A-12) : « Calling your
    opponents undemocratic is bad enough but the charge or racism not only escalates
    the rhetoric but creates a potentially dangerous social and political
    atmosphère.
    Scheinberg said that they have reserved the use of the word (
    racism) for real extremists like Zundel and Raymond Villeneuve because it is
    the nuclear weapon in the vocabulary of the
    1990s".

    D’où la gênante nécessité dans laquelle je me retrouve
    aujourd’hui de vous prier, monsieur le juge, que justice me soit rendue et que
    mon honneur soit, de manière irréfragable, lavé de tout soupçon. Si cela ne
    devait pas être, je serais condamné à écouler le restant de mes jours avec mes
    vieilles peines et le souvenir écorché d’une injustice qui aura assombri les
    derniers moments de mon existence. Tout cuirassé et blindé que je sois face à la
    cruauté et à la méchanceté des acteurs et commentateurs de la vie politique,
    dont l’intimé est une figure de proue, il n’est pas une journée sans que ses
    propos du 8 février 2001 affadissent mes jours : « Il avait le droit de tenir
    des propos antisémites et j’ai le droit de les trouver abjects »
    ,
    c’est-à-dire, je le répète, qui inspirent l’aversion, le dégoût, la répulsion,
    qui attirent le mépris, l’opprobre, abominables, bas, dégoûtants, ignobles,
    indignes, infâmes, infects, méprisables, odieux, répugnants, vils.» Moins sans
    doute que M. Angenot, trois décennies de pratique du métier de journaliste, de
    sujétion à une grande monarque, Sa Majesté la langue française qui ne rend pas
    la justice mais la justesse, m’ont quelque peu familiarisé avec la valeur et la
    signification des mots.

    Qui plus est, ma femme et moi avons vu, de nos yeux vus en
    1959,dans son état originel, le camp de concentration de Dachau dans la banlieue
    de Munich, transformé depuis en mémorial aseptique, difficilement évocateur de
    la réalité de ce lieu infernal. Les dizaines de personnes à qui nous avons
    demandé la direction du camp ne savaient pas, comme par hasard, où il était
    situé ! C’est grâce à un soldat américain au volant d’une jeep, interpellé sur
    la route, qui nous fûmes conduits sur les lieux par une journée de ciel chagrin,
    plus réaliste encore que le film d’Alain Resnais, Nuit et brouillard.
    Nous avons vu de nos yeux vus, les chambres à gaz dont les murs et les plafonds
    à hauteur d’homme étaient striés par les ongles des condamnés, les fours
    crématoires dans lesquels reposaient les restes des cendres des suppliciés, les
    civières de fortune servant à sortir les cadavres, les fils barbelés et les
    miradors installés par les SS. Encore aujourd’hui, comme si c’était hier, plus
    de quarante ans après cette visite macabre, il me revient l’odeur étrange, âcre,
    indéfinissable, qui enveloppait cet indescriptible lieu de massacre conçu par
    des êtres humains pour programmer l’extermination de millions d’autres êtres
    humains. Après avoir vu cela et en garder le souvenir impérissable, personne, et
    celui qui vous parle plus que quiconque, ne peut être antisémite ou prononcer
    des propos antisémites

    L’intimé n’est pas un ignorantin, sûrement pas un plaisantin
    qui laisserait échapper des mots ou des expressions qui dépasseraient sa pensée
    ou formulés à la légère dans le feu d’une discussion échevelée. M. Angenot
    connaît mieux que quiconque au Québec, voire au Canada, le poids des mots et
    leur signification. C’est un éminent chirurgien de la langue et du discours
    ainsi qu’en témoigne à l’envi les 10 pages de son curriculum vitae : il occupe
    la Chaire James McGill de lettres françaises à l’Université McGill de Montréal ;
    il dirige avec Régine Robin le Réseau d’analyse des idéologies et cultures
    contemporaines ; détenteur d’un doctorat de sémiotique (Théorie générale des
    signes et des processus signifiants du langage) de l’UQAM ; ancien président de
    l’Association canadienne de sémiotique, auteur de nombreux ouvrages ou articles
    sur le discours politique ou social, expert invité à ce titre à témoigner devant
    les tribunaux, bref, tout ce qui est discours, parole, mot et assemblage de mots
    ne lui sont étrangers. Dans sa bouche, chaque phrase est pesée sur une balance
    d’apothicaire au milligramme près.

    A la question que je lui pose ( page.7-ligne 115), «
    Vous dites ignorer que j’ai tenu des propos antisémites ? », il répond (page
    7- lignes 118 à 127) : « Je pense que quand je me suis exprimé, le 8 février,
    il
    était de notoriété publique que les propos que vous avez tenus au
    cours du mois de décembre avaient été associés à de l’antisémitisme par
    une demi-douzaine de vos amis politiques, membres du Cabinet, notamment et une
    autre demi-douzaine, de journalistes et de chroniqueurs. Il ne m’appartenait
    pas, personnellement, le 8 février, de révéler soudainement quelque chose qui
    n’aurait pas été dit, c’était
    absolument notoire. » Les
    grands mots sont lâchés, habillés d’élégance académique. Il était «absolument
    notoire» en 1894 qu’Alfred Dreyfus était coupable. Tous l’avaient condamné : la
    hiérarchie militaire du temps : les généraux Mercier, Billot, Boisdeffre,
    Gonse, le commandant Ravary, le colonel Du Paty de Clam, ces noms sont familiers
    à l’intimé; par leur silence coupable les quelque 500 députés de l’Assemblée
    nationale française étaient, eux-aussi unanimes à condamner Dreyfus, jusqu`à ce
    que tardivement, la grande et magnifique voix de Jaurès claironne le grand mot
    de justice dans l’hémicycle de la liberté. Chorus aussi de la presse française,
    folliculaires et lanceurs de boue de la presse de droite et mutisme gêné de la
    presse de gauche, pour condamner le mort-vivant qui croupissait depuis quatre
    ans à l’Ile du Diable, jusqu’à ce que la coquine unanimité et l’ingrate
    « notoriété publique » fussent brisées par ce qui est devenu l’un des plus
    grands moments de l’histoire de la conscience humaine, le 12 janvier 1898 :
    J’ACCUSE !, de émile Zola., publié dans l’AURORE de Georges Clémenceau.

    « C’était absolument notoire ! » Cette
    référence tient lieu de défense de l’intimé qui y revient à plusieurs reprises
    dans sa déposition. Comme si l’addition de cent neuf (109) erreurs pouvait faire
    une vérité, comme si l’égarement de législateurs qui ont confondu tribune et
    tribunal, Justice et justice d’exception, droits de l’état et état de droit,
    étaient parole d’évangile ; comme si un chapelet de calomnies pouvait autoriser
    quiconque à les répéter devant cent mille auditeurs et auditrices sur les ondes
    hertziennes de la télévision d’état. Qu’un grand universitaire appelle la rumeur
    de la rue à sa rescousse, qu’il invoque la «notoriété publique», cette gueuse
    toujours prête à se faire la complice des dénis de justice, des colportages
    mensongers et de la raison d’état, voilà qui passe l’entendement.

    Ce n’est pas le lieu ici de traiter d’une affaire dont tous
    les tenants et aboutissants sont expliqués avec force détails dans ma lettre du
    31 décembre 2000 au premier ministre d’alors, M. Lucien Bouchard (Pièce R-9).
    Affaire qui connaîtra son dénouement, ou à l’Assemblée nationale saisie en tant
    que telle le 13 décembre 2001, de ma pétition (Pièce R-10) pour
    redressement de grief en vertu de l’article 21 de la Charte des droits et
    libertés de la personne du Québec, ou à défaut de redressement de sa part, une
    autre Cour de justice sera appelée à se prononcer sur la légalité et la
    constitutionnalité de la motion de blâme qu’elle a votée le 14 décembre 2000 à
    l’égard d’un citoyen. Il s’agit, soit dit en passant, d’un cas unique et sans
    précédent dans l’histoire du parlementarisme des démocraties modernes, tel que
    confirmé par le leader du gouvernement à une réunion de la Commission de
    l’Assemblée nationale le 30 août 2001.*

    L’intimé admet donc ouvertement que sa déclaration du 8
    février ne repose sur aucun texte précis, aucune formulation exacte du
    plaignant,
    mais sur des oui-dire, des « oui-entendus », des commentaires de
    journaux, des déclarations malfaisantes de politiciens ou autres imprécations de
    même farine. La Cour appréciera le bien-fondé d’une défense aussi poreuse que
    fragile. Je suis à la recherche, pour ma part, de la nature exacte et précise
    des propos qui ont été à l’origine de la motion de blâme du 14 décembre 2000.
    J’ai écrit le mercredi 14 mars 2001** à chacun des cent neuf (109)
    députés qui ont voté la motion en leur demandant la teneur exacte des
    propos incriminés, soi-disant condamnables. Je n’ai reçu à ce jour, omerta
    parlementaire sévissant, pas une seule réponse de la part des destinataires de
    mon message.

    A l’intimé lui-même, j’ai posé la même question : ( page-10-
    ligne191) : « Lorsque vous avez affirmé à l’émission que, et je cite, « J’avais
    le droit de tenir des propos antisémites
    . Pouvez-vous me citer la
    teneur exacte de ces propos ?
    Réponse : ( Page 10-lignes 198 à 217) : « J’ai
    dit que vous aviez le droit de le faire et j’ai dit que j’avais le droit de les
    qualifier. J’ai lu comme tout le monde dans les journaux au mois de décembre et
    de janvier un très grand nombre de « transcriptions » de propos que vous auriez
    tenus dans leur émission de radio».

    Q- Et leur teneur exacte ? demandai-je une fois
    plus .

    Me Julius Grey :

    Q « Vous ne pouvez demander à quelqu’un de connaître vos
    remarques par coeur ».

    Réponse de M. Angenot : « Mais si le Tribunal me
    demande de faire une analyse,
    avec, si possible les textes sous les yeux des
    propos de monsieur Michaud tels qu’ils ont été rassemblés et en quelque sorte
    résumés, notamment par les journaux, dans le cours du mois de décembre et de
    janvier, c’est une chose que je ferai volontiers mais je ne peux le faire ici,
    je ne les ai pas les textes »
    .

    La réalité dépasse la fiction. L’intimé attend un ordre de la
    Cour pour dire en quoi mes propos étaient antisémites. Plus de huit mois après
    le déclenchement de la ténébreuse Affaire qui porte mon nom , malgré tout ce qui
    a été publié et rapporté, malgré la requête qui lui a été signifiée des mois
    avant sa déposition du 30 août 2001, l’intimé affirme qu’il n’a pas les
    textes.
    Il prendra connaissance des textes si le Tribunal lui demande
    d’en faire une analyse !
    M. Angenot confond les genres : tout spécialiste du
    discours qu’il prétend être, il n’est pas devant cette Cour en qualité d’expert
    mais mis en cause et intimé dans une requête en réclamation de dommages
    et intérêts pour diffamation. Il ajoute avec superbe ( page-11, ligne 233)
    en m’interpellant comme si mon intelligence était diminuée : « Je crois que
    vous ne comprenez pas ce que j’ai dit et je ne tiens pas à vous favoriser le
    détournement de procédure( sic), la procédure extravagante que vous faites
    contre moi. »
    M. Angenot qualifie de « détournement de procédure et
    extravagante »,
    le droit inaliénable d’un citoyen dont l’honneur et la
    réputation ont été souillés par des propos jugés par lui diffamants, d’obtenir
    réparation. La Cour appréciera ce genre de faux-fuyant et d’esquive dont
    l’intimé n’est pas avare en réponse aux questions précises que je lui ai posées
    et aux réponses floues qu’il apporte : à titre d’exemple ( page 12- ligne 253)
    l’intimé déclare que j’ai tenus des propos « rattachés » à de
    l’antisémitisme. Tiens, tiens ! ce ne sont plus des propos antisémites que j’ai
    prononcés mais des propos « rattachés ». Où, quand, comment, par qui, par
    quelle preuve, mystère et boule de gomme ! On ne le saura jamais à moins que la
    Cour l’instruise de préciser sa pensée. Le reste est à l’avenant. La déposition
    de M.Angenot fourmille d’affirmations vagues à souhait, floues, imprécises, de
    cabrioles linguistiques; il se réfugie dans un monde imaginaire, virtuel, dans
    lequel les mots ne sont que des hypothèses, des ersatz de la réalité, du droit
    et des faits. Je ne lui ai pas demandé de rédiger une thèse de doctorat. Je lui
    ai simplement demandé la nature précise et exacte des propos que j’aurais tenus
    pour justifier qu’ils étaient « antisémites » et à partir desquels il s’arroge
    le droit de les trouver «abjects.» Un point, c’est tout. «Ce qui se conçoit
    bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément»
    ,
    écrivait le célèbre fabuliste dans son Art poétique.

    (Page13-ligne 286) : « Je me donne le droit quand vous
    tenez des propos qui choquent l’unanimité ou presque
    (sic) des
    citoyens de cette province, je me donne le droit de les qualifier. »

    (Page-14- ligne 316) – Question du plaignant : « Vous avez
    parlé d’unanimité des citoyens de cette province… »

    Me Julius Grey : « Je pense, monsieur Michaud, il faut
    faire attention il avait dit quasi-unanimité.

    (Page15-ligne 321) R- Oui, j’ai dit quasi- unanimité.

    (Page 16-ligne 350) : « Néanmoins, je maintiendrais l’idée
    quasi- unanimité mais c’est une idée un peu vague qui a lieu à la manière dont
    je déchiffre l’opinion publique au Québec.
    » Drôle d’unanimité faite d’une
    brochette de chroniqueurs, de politiciens rendus aphones par la discipline de
    parti, en comparaison des quelque cinq mille citoyens et citoyennes qui ont
    signé une pétition*** me pressant d’exiger réparation de l’Assemblée
    nationale, d’un manifeste de plus de trente intellectuels publié dans Le Devoir
    et appuyé par des centaines de signataires, des représentants d’associations et
    d’une centrale syndicale parlant au nom de plus d’un quart de million de
    Québécois et de Québécoises. (Pièce R-11) .

    Me Julius Grey

    (Page16-lignes 360 à 366): « Je m’objecte, monsieur
    Michaud. Monsieur Angenot vous a dit, il n’a pas nécessairement trouvé vos
    propos abjects
    . Il s’est donné le droit de les trouver abjects, il y a
    une différence
    . Ce sur quoi il a insisté, c’est votre droit de tenir des
    propos très forts et son droit de les trouver abjects. Il n’a pas
    nécessairement voulu dire : « Je l’ai fait ».
    à la lumière des
    remarques du procureur de l’intimé, toute personne qui a une connaissance
    minimale de la langue française aura compris que M.Angenot ne l’a pas fait,
    c’est-à-dire qu’il n’a pas trouvé mes propos abjects. Si c’est le cas, qu’il le
    dise clairement. Décidément, une chatte ne retrouve pas ses petits dans cet
    embrouillamini de déclarations confuses et incompréhensibles. Comprenne qui
    pourra dans ce tissu de contradictions. à la page (12 –ligne 256), l’intimé
    contredit son procureur en me disant : « Vous semblez choqué par l’adjectif
    abject. Je l’avais pris dans une intention tout à fait pédagogique
    (sic).»
    Donc, aveu on ne peut plus clair qu’il a qualité mes propos d’abjects, « dans
    une intention pédagogique
    (sic)». Au reste, que diable ! vient faire
    la pédagogie dans cette affaire ? à quelle définition du mot pédagogue veut-il
    se référer : « Personne qui se mêle de critiquer ou de régenter la vie privée
    d’autrui »
    (Littré) ; « Personne qui fait étalage de son érudition »
    (Littré) ; «Qui a pour fonction d’éduquer, d’instruire un enfant » (Grand
    Robert).

    L’aveu est encore plus explicite à la réponse qu’il donne à
    une question que je lui pose ( page18- lignes 412 à 421) : « Est-ce que vous
    avez déjà par la parole ou par l’écrit accusé quelqu’un, exception faite du
    requérant que je suis, de tenir des propos antisémites ou d’avoir le droit de
    ternir des propos antisémites et de les avoir trouvé abjects ? Réponse : « Pas
    des vivants, à ma connaissance.»
    Question : Donc, je suis unique, je
    suis le seul…Réponse : « En tant qu’être vivant, oui, c’et certain… »

    Alors que le Congrès juif du Canada recense chaque année la
    moindre publication, parole, acte ou déclaration antisémite ou qu’il juge
    soupçonnée de l’être, qu’il condamne avec raison toute forme réelle de
    révisionnisme ou de négation de l’Holocauste, l’intimé ne dit mot à l’endroit
    des personnes vivantes mises en cause.. Alors que dans le monde, des leaders
    politiques d’extrême droite ou des philosophes et écrivains de même exécrable
    engeance considèrent, comme le leader du Front national en France, (toujours de
    ce monde, candidat à la prochaine élection présidentielle française) que les
    chambre à gaz sont un «détail » de la seconde guerre mondiale ; alors que
    d’autres vont jusqu’à nier l’existence des fours crématoires, l’intimé n’élève
    toujours pas la voix à l’égard de ces personnes vivantes, bien que sa
    connaissance du dossier de l’antisémitisme en France est profonde, comme il le
    déclare ( page 52- lignes 1333 à 1337) : « J’ai travaillé sur l’histoire de
    l’antisémitisme en France et je connais assez bien les ouvrages qui portent sur
    l’histoire de l’antisémitisme au Québec et au Canada français en général et au
    Canada anglais aussi bien
    … » Fort de cette connaissance encyclopédique,
    l’intimé affirme que je suis le seul être vivant à voir été l’objet de
    ses foudres et de sa réprobation pour des propos dont il ne peut par ailleurs
    citer la teneur exacte. J’ai longtemps cherché une explication logique à ce
    traitement aussi singulier qu’exceptionnel et je crois l’avoir trouvée dans une
    entrevue qu’il accordait au journal Le Devoir des samedis 20 et dimanche 30
    septembre 2001 et dans laquelle il déclarait : « Je ressens une hostilité
    de nature
    , et espérons de raison, aux pensées communautaires et identitaires
    dans tout son éventail, de Charles Taylor à Yves Michaud inclusivement ».

    ROBERT définit l’hostilité par « haine, malveillance, disposition
    sourde entre deux personnes.
    Le synonyme est « viscérale », du latin
    visceralis
    (profond) dont le même dictionnaire donne la définition
    suivante : profond, intime, inconscient, (opposé à réfléchi, raisonné.
    éprouver une répulsion, une haine viscérale pour qq. »
    Cela ressemble fort,
    où j’y perds mon français, à la définition de la « malveillance » définie par la
    Cour suprême du Canada dans la cause Hill c. église de scientologie de Toronto
    1995 2. R.C.S. ( page 37-145) : « Ordinairement, la malveillance s’entend dans
    le sens populaire de la rancune ou de l’animosité. Toutefois, elle comprend
    également, comme le juge Dickson ( plus tard Juge en chef) l’a souligné en
    dissidence dans Cherneskey, précité, à la p. 1099, « tout motif indirect
    ou caché » qui entre en conflit avec le sens du devoir ou de l’intérêt mutuel
    que l’occasion a créé. Voir également Taylor c. Despard, (1956) O.R .963
    (C.A.). « On établira également la malveillance en démontrant que le défendeur a
    parlé avec malhonnêteté, ou au mépris délibéré ou indifférent de la vérité. Voir
    McLoughlin, précité, aux pp.323 et 324, et Netupsky c. Craig,
    (1973. R.C.S. 55, aux pp.61 et 62 ». « S’il est vrai, lit-on dans l’arrêt
    ( p.42- 170), que l’intention véritable de diffamer n’est pas nécessaire pour
    déclarer le défendeur responsable, la publication de la déclaration diffamatoire
    permet néanmoins de déduire l’existence de cette intention. Cela donne naissance
    à la présomption de malveillance…
    « La liberté de parole,
    affirme la Cour suprême, (p.36- 138), comme toute autre liberté, est
    assujettie à la loi et doit être mesurée ne regard de la nécessité essentielle
    pour les individus de protéger leur réputation. Les termes du juge Diplock dans
    Silkin c. Beaverbrook Newspapaers Ltd., (1958) 1 W.L.R. 743, aux pp. 745 et 746
    méritent d’être répétés :
    (Traduction) Comme toute autre liberté
    fondamentale, la liberté de parole s’exerce en vertu du droit; au fil des ans,
    le droit a maintenu un équilibre entre, d’une part, le droit de la personne (…),
    qu’elle mène une vie publique ou non, à une réputation intacte… »
    L’on
    revient à la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, décrétée par
    l’Assemblée nationale (française) dans les séances des 20,21,23,24 et 26 aoûst
    (sic) 1789, acceptés par le Roi » : X1 : «La libre communication des pensées
    et des opinions est l’un des plus précieux de l’homme; tout citoyen peut donc
    parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette
    liberté dans les cas prévus par la loi
    » .
    Il y a eu, à l’évidence, abus
    grave de cette liberté de la part de l’intimé, comme je l’espère l’avoir
    amplement et abondamment démontré devant cette Cour.

    Pour toutes les raisons que je viens de citer, l’heure
    n’est-elle pas venue de la réparation ? Et j’espère qu’elle ne viendra pas à
    titre posthume ! Je ne suis pas excessif, loin de là, dans ma réclamation de
    dommages moraux et exemplaires à l’encontre de l’accusation fausse et diffamante
    de l’intimé portant atteinte à ma réputation.


  • Dans la cause Parizeau c. Lafferty, Harwood & Parners
    Ltd
    ( C.S. Montréal, 500-05-002501-938), C.A.M. 500-09-009510-009
    le
    juge Luc Lefebvre condamne les défendeurs à payer à MM. Jacques Parizeau et
    Lucien Bouchard 10,000 $ chacun à titre de dommages non pécuniaires pour
    atteinte à leur réputation et 10,000$ chacun à titre de dommages exemplaires.
    En janvier 1993, dans une circulaire envoyée à leurs 275 clients les
    défendeurs avaient fait un rapprochement entre l’action politique de MM.
    Parizeau et Bouchard et celle de Hitler. Le premier était alors chef de
    l’Opposition à l’Assemblée nationale du Québec et le deuxième, chef du Bloc
    québécois à la Chambre des communes du Canada. « Les propos tenus par le
    défendeur sont mensongers et diffamatoires,
    écrit le juge Lefebvre. Il
    n’a pu fournir d’exemple concret permettant de justifier ses comparaisons et
    ne citer aucun fait établissant que les demandeurs défendaient des principes
    antidémocratiques ou racistes, Le défendeur a tort de prétendre qu’il n’a pas
    comparé les hommes, seulement leurs politiques. Les défendeurs ne peuvent se
    soustraire à leurs responsabilités en invoquant la défense de commentaire
    loyal. »
    Dans la cause en référence MM. Parizeau et Bouchard remplissaient
    des mandats publics que leur avait confiés le suffrage universel. Au moment où
    je fus l’objet des propos diffamants du défendeur, je suis et est encore
    simple citoyen, retraité, investi d’aucune charge publique, ce que paraît
    contester le défendeur, comme si la notoriété conférait la qualité d’homme
    public. Et quand cela serait, ce qui n’est pas, il faut prendre connaissance
    de ce qu’écrit le juge René Hurtubise dans son jugement de l’affaire
    Centre de psychologie préventive et de développement humain

    G.S.M, inc c. Imprimerie populaire
    ( Cour supérieure de Montréal
    500-05-014125-940 ) :
    « Si les personnages publics peuvent s’attendre à
    être plus souvent attaqués que d’autres et si la mesure de tolérance à
    l’injure doit, dans leur cas, être plus large, cette mesure n’est toutefois
    pas sans limite. En ce qui concerne les dommages, la réputation du demandeur
    était bien établie et c’était un homme connu et respecté tant au Québec qu’à
    l’étranger. L’article a été publié dans un journal tiré à 26,000 exemplaires.
    Le demandeur a été ébranlé, il s’est senti trahi et humilié, tant
    personnellement que professionnellement, recevant un message raciste. Le
    demandeur a droit à 25,000 $ de dommages moraux.»

  • L’éditorialiste du journal Le Soleil, J.Jacques Samson,
    abondait dans le même sens, lundi de cette semaine, le 7 janvier 2002 : « Avant
    d’être des personnalités publiques, les hommes politiques sont des citoyens,
    avec les mêmes droits que tous à l’honneur et à la réputation. L’opinion
    publique ne tolère plus que les parlementaires utilisent l’institution où ils
    siègent pour régler leurs comptes. Le blâme adressé à M. Yves Michaud par un
    vote aveugle des députés l’a bien montré ».
    à fortiori, lorsque
    l’honneur et la réputation d’un simple citoyen qui n’occupe aucune charge
    publique sont mis en cause, que ce soit par des parlementaires ou d’autres
    citoyens.

  • Dans Le Devoir inc. C. Centre de psychologie préventive
    et de développement humain G.S.M. Inc. ( 1999)
    R.R.A 17, à la p.25,
    La Cour « s’appuie entre autres sur l’extrait suivant de l’ouvrage des auteurs
    Jean-Louis Beaudoin et Patrice Deslauriers (La responsabilité civile) 5e
    ed., Cowansville, Yvon Blais 1998, traitant de la nature du recours en
    diffamation( pp.3010302) : 476(-Nécessité d’une faute). Pour que la
    diffamation donne ouverture à une action en dommages-intérêts, son auteur doit
    avoir commis une faute. Cette faute peut résulter de deux genres de situation.
    La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec
    intention de nuire, s’attaque à la réputation de la victime et cherche à le
    ridiculiser, à l’humilier, à l’exposer à la haine ou au mépris du public ou
    d’un groupe. La seconde résulte d’un comportement dont la volonté de nuire est
    absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation
    de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie,
    Les deux constituent une faute civile, donnant droit à réparation, sans qu’il
    existe de différence entre elles sur le plan du droit. En d’autres termes, il
    convient de se référer aux règles ordinaires de la responsabilité civile et
    d’abandonner résolument l’idée fausse que la diffamation est, seulement le
    fruit d’un acte de mauvaise foi emportant intention de nuire.

  • Dans la cause Hill c. église de scientologie de Toronto,
    pourvoi à l’encontre d’un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario ayant
    confirmé un jugement ayant condamné les appelants à verser des
    dommages-intérêts pour libelle diffamatoire. Rejeté, La Cour suprême du
    Canada ( Ont) 24216, Juges La Forest, L’Heureux-Dubé, Gonthier, Cory,
    McLachlin, Iaccobuci et Major, (1995) 2 RéC.S.1130, J.E. 95-145,
    a défini
    les grands principes en matière de droits et libertés, de diffamation, de
    common law, de conformité avec la Charte canadienne des droits et liberté, de
    dommages exemplaires et punitifs :

    « La réputation est un aspect intégral et fondamentalement important de tout
    individu ; la protection de la réputation est d’importance vitale . Bien
    qu’elle ne soit pas expressément mentionnée dans la charte, la bonne
    réputation de l’individu représente et reflète sa dignité inhérente, concept
    que sous-tend tous les droits garantis par la charte. En outre, la réputation
    est étroitement liée au droit à la vie privée, qui jouit d’une protection
    constitutionnelle. Le droit de la diffamation n’est pas indûment restrictif ou
    inhibitif. La liberté de parole, comme toute autre liberté, est assujettie à
    la loi et doit être mesurée en regard de la nécessité essentielle pour les
    individus de protéger leur réputation. Dans les affaires de diffamation, la
    publication même d’une fausse déclaration crée la présomption qu’il y a lieu
    normalement à des dommages-intérêts généraux. On ne devrait pas imposer de
    maximum aux dommages-intérêts généraux accordés en matière de diffamation»
    .




  • En conclusion, je suis las, fatigué excédé, que M.Angenot
    m’ait accusé d’avoir tenu des propos antisémites, à la suite des perroquets qui
    répètent cette insanité dont la source principale pourrait se retrouver
    dans une douteuse manoeuvre politicienne. Je réclame justice et réparation des
    atteintes portées à mon honneur et à ma réputation par les propos de l’intimé,
    prononcés devant une centaine de milliers d’auditeurs. N’ayant pas de fortune,
    je ne la cherche pas, comme vous pouvez le constater au vu du très modeste
    quantum des dommages réclamés. Aussi, vous ne m’entendrez pas chipoter sur la
    somme qu’il vous plaira ou non d’évaluer en guise de dommages pécuniaires,
    moraux ou exemplaires.

    Au versant de la colline où je suis, je verrai moins
    d’aurores se lever. Il y a moins de lendemains qui m’attendent. Je souhaiterais
    que ceux qui me restent à vivre soient lavés de tout opprobre, que je retrouve
    mon honneur intact et ma réputation blanchie. Oserais-je le dire, monsieur le
    juge, je souhaite que votre verdict fasse école, certes pour moi et les miens,
    mais aussi pour éviter à l’avenir que des concitoyens et des concitoyennes se
    retrouvent dans la situation pénible que je vis. Le monde, à tout le moins
    occidental, se sent coupable de la Shoah et l’on comprend ceux et celles, dont
    je suis, qui réclament que plus jamais pareille tragédie se reproduise. Aussi,
    le fait d’être associé sans preuve, de près ou de loin à ce terrible carnage,
    sous le couvert d’avoir tenu des propos antisémites est la pire des infamies, le
    plus abject des déshonneurs. Quel que soit le sort que vous ferez à ma requête,
    que vous la receviez en tout ou en partie, que vous ordonniez la publication
    dans les principaux journaux du Québec de votre jugement ou un texte d’excuses
    de l’intimé dont vous aurez approuvé la teneur, l’un ou l’autre à ses frais, la
    réparation ne sera jamais totale : il y en aura toujours pour dire, suite à la
    diffamation de l’intimé, qu’il n’y a pas de fumée sans feu, qu’il doit bien
    avoir un fond de vérité, qu’en tout homme il y a un antisémite qui sommeille ou
    toute autre suspicion et fadaise de même nature. Le mal est fait. La blessure se
    guérira peut-être mais il restera toujours une cicatrice. à tout le moins,
    j’espère que vous ferez en sorte qu’elle sera la moins visible possible.



    Yves Michaud

    9-10 janvier 2002


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