DOSSIER
« L’avenir mieux équilibré »
que promet le CRTC aux francophones
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Les francophones hors Québec En réponse à une directive du Pas surprenant ! Les |
Gamme télévisuelle
accessible aux anglophones du Québec et aux francophones hors Québec
Tableau de comparaison
Nombre de stations dans la langue |
||||||
Entreprise | Gamme totale* | % de la pop de langue minoritaire officielle |
positions analogiques | positions numériques * | total | |
Québec et Edmonton |
||||||
Québec | Vidéotron | 112 | 2,2 | 34 | 36 | 70 |
Edmonton | Shaw | 97 | 2,5 | 4 | 1 | 5 |
Hearst et Campbell’s Bay** |
||||||
Hearst (Ont) | Regional | 60 | 16,9 | 50 | S/O | 50 |
Campbell’s Bay (Qué) | Regional | 35 | 41,1 | 7 | S/O | 7 |
* Les canaux listés à
la fois sur les positions analogiques et numériques sont déduits du nombre de
stations numériques.
** Hearst est francophone à 85% ; l’anglais y est donc la langue minoritaire.
De son côté, Campbell’s Bay est majoritairement anglophone à 58%.
Cette iniquité dans le service
télévisuel entre les populations francophones et anglophones vivant « dans le
meilleur pays au monde » ne fait qu’empirer depuis le début des années 90. Et
le CRTC mérite qu’on le blâme pour ces inégalités. D’abord, il a émis
beaucoup des licences pour des stations spécialisées et a permis la diffusion
de plusieurs stations américaines. Alors que le nombre de stations dépasse les
limites de la capacité analogique, la réglementation du CRTC oblige la
diffusion de chaînes spécialisées dans la langue majoritaire. Résultats :
pas de place pour les chaînes de langue française.
Dans le rapport du CRTC, il ne
faut pas se surprendre qu’il y ait des bonnes nouvelles et des mauvaises
nouvelles. Commençons par les bonnes.
D’abord, ce ne sera plus un
privilège d’avoir accès à des services télévisuels en français dans si le
câblodistributeur utilise la bonne technologie; en fait, ce sera même un
droit. En reconnaissant le principe de dualité linguistique, le CRTC impose les
conditions suivantes dans les marchés anglophones à partir de septembre :
Les câblodistributeurs
qui desservent plus de 2 000 abonnés avec une technologie numérique à
bande large (750 MHz ou plus) devront diffuser toutes les stations de
langue française, soit sur l’étalage analogique ou numérique. Ceci
veut dire que toutes les chaînes spécialisées en français seront
disponibles à Vancouver.Tous les systèmes dont
la capacité numérique est inférieure à 750 MHz devront diffuser une
station en français pour dix en anglais. Cette exigence vise tous les
câblodistributeurs, même les plus petits.La SRC sera obligatoire
partout, sans exception.Le CRTC « encourage »
la diffusion plus étendue de RDI, de TfO de TV5 et de la future
Télé des Arts.
Plusieurs francophones se sont
réjouis « avec réserve » en lisant les recommandations de ce rapport. Cette
prudence est de mise puisqu’il reste plusieurs questions à résoudre :
D’abord, il n’y a pas de
changement au service de base conventionnel. Si on veut des services
télévisuels en français à l’extérieur du Québec, on devra fouiller
dans son porte-monnaie. ça, le CRTC ne le dit pas trop fort !Le CRTC nous dit qu’en
septembre 2001 la technologie numérique sera disponible dans 6,2
million des 8,8 millions d’abonnés au Canada. Le hic, c’est que peu de
câblobranchés se prémunissent du service numérique. L’Association
canadienne de la télévision par câble (ACTC) prévoit que 770 000
abonnés* paieront pour la technologie numérique en septembre cette
année, ce qui ne représente que 8,8% des abonnés du câble. Selon les
prévisions les plus optimistes de l’ACTC, environ 2,5 million d’abonnés
du câble (30%) paieront pour des blocs numériques en septembre 2005.Jusqu’ici, peu de
câblodistributeurs utilisent une technologie numérique à grande
capacité. En d’autres mots, des régions rurales fortement francophones
sont laissées pour compte si le câblodistributeur local utilise une
capacité numérique de petite capacité ou aucune technologie
numérique.Le CRTC ne dit rien sur
un inconvénient inhérent de la technologie numérique : il faut
un décodeur pour chaque appareil-récepteur. Pire encore, l’abonné
veut enregistrer un film sur le Canal D ou Superécran pour ne pas
manquer le hockey sur RDS ? Pas possible… à moins, bien sûr d’avoir
acheté un autre décodeur (230,00 $) ou loué une boîte
supplémentaire (à 9,00 $ par mois) pour son magnétoscope. ça fait
beaucoup de branchements et du filage derrière le télévisuer. Donc,
pour se prévaloir de leurs droits, les francophones de l’extérieur du
Québec devront débourser des frais supplémentaires et se démêler
dans leurs fils.Le CRTC n’a pas l’intention
de toucher à sa définition asymétrique des majorités francophone et
anglophone. Si 49,5% de la population d’une région donnée est de
langue maternelle française contre 40 % de langue anglaise, la région
est considérée unilingue anglophone ! Pourquoi? Parce que le
régulateur fédéral annexe les allophones aux anglophones pour
déterminer la langue de la majorité. D’ailleurs, après les résultats
du prochain recensement, l’île de Montréal et la ville de Bathurst au
N.B. pourraient être désignées zones anglophones par le CRTC selon sa
règle discriminatoire ! C’est une situation gênante pour un
gouvernement central qui se flatte de traiter les deux langues
officielles de façon équitable. Situation tellement gênante que le
CRTC aime mieux ne pas en parler !Trop souvent, les
services francophones, à l’exception de la SRC, sont placés en haut de
la case 61. Dans le Canada anglais, les chaînes étasuniennes sont
mieux positionnées sur la grille que les chaînes canadiennes de langue
française. Le CRTC, dont le mandat est de protéger la programmation
canadienne n’a toujours pas offert de solutions là-dessus.Le bouquet et l’insulte ultime,
c’est la suggestion par le CRTC que l’Internet est une solution de
rechange pour les francophones qui veulent avoir accès à plus de choix
télévisuels. Quiconque a déjà essayé de regarder une image vidéo
sur l’Internet – même l’Internet à haute vitesse — vous dira que
cette expérience est très frustrante. Le service y est peu fiable
lorsque les serveurs Internet ne peuvent fournir à la demande. Et il
faut débourser les frais d’abonnement à Internet !
Le CRTC a eu le courage de
promulguer des droits à la télévision en français à l’extérieur du
Québec, mais ce service est hors de portée de bien des gens. Malgré la
référence au principe de la dualité linguistique, l’équilibre entre l’accès
à des chaînes de télévision en anglais et en français n’est qu’une utopie,
du moins pour les 10 ou 20 prochaines années. Les coûts et l’implantation
progressive de nouvelles technologies ralentissent l’atteinte de cet équilibre.
Le problème, c’est que le CRTC
a agi trop tard pour reconnaître le principe de la dualité linguistique. Il
aurait dû modifier sa réglementation en 1993 avant de permettre l’arrivée de
centaines de stations spécialisées. Pendant ce temps, la culture américaine
continue de faire ses ravages, en particulier chez les jeunes. Et pourquoi pas?
Le Premier ministre Chrétien nous dit que l’assimilation est un « phénomène
normal ».
* Ce chiffre est la moyenne
entre les projections optimiste et pessimiste de l’ACTC.
Jean-Paul Perreault
Président
Impératif français
Nota :
En 1999, à l’aube de l’Année de la francophonie, Impératif français a
décerné un Prix Citron au CRTC.