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GENEVIÈVE DE LA TOUR FONDUE

Geneviève de la Tour Fondue

Fondatrice de l’Alliance française de Montréal, puis de la Fédération des
Alliances Françaises du Canada, Geneviève de la Tour Fondue est décédée à
Outremont le 14 juin 2000. Voici quelques extraits du panégyrique prononcé par
Me émile Colas, Président "en sursis" de l’Alliance Française de
Montréal lors de ses funérailles le 27 juin en présence d’une foule nombreuse
et des membres de sa famille venus de France dont Mme Valéry Giscard d’Estaing.

Ce panégyrique a été lu lors de la première réunion de l’Alliance
Française de Victoria, au déjeuner du 3 octobre dernier par Paul Genuist
qui a bien connu Mme de la Tour Fondue quand il a fondé l’Alliance Française
de Saskatoon en 1981 et pendant les quatre années où il en fut le président.
à sa demande, il alla représenter la Fédération des Alliances Françaises du
Canada à Paris en 1984 lors des célébrations du centenaire des Alliances
Françaises.

[…]Vous tous qui l’avez connue, aimée et soutenue, saurez conserver un
souvenir ému et reconnaissant pour la part de bonheur qu’elle a su partager
avec vous, le bon mot qu’elle vous a adressé, la chaleur de son amitié qu’elle
vous a communiquée.

Son regard émerveillé, son sourire éclatant et sa disponibilité sont
autant de raisons qui nous permettent de la regretter

Geneviève de la Tour Fondue était née à Montréal, le 12 août 1912. Elle
aurait donc eu 88 ans dans un mois. Elle était la fille du vicomte Jean de la
Tour Fondue et de Marie de Coriolis. Son père, répondant à l’appel de la
patrie, rentre en France dès 1914 et prit du service.Il disparut
malheureusement comme des millions d’autres victimes pour assouvir des haines et
des passions de dirigeants irresponsables. Geneviève devint orpheline dès
l’âge de trois ans. Elle ne connut son père que par le récit que lui en a
fait sa mère qui conserva vivant le souvenir du seul homme de sa vie.

Dès la fin de la guerre, Geneviève et sa mère sont parties pour la France
afin de permettre à Geneviève d’acquérir une solide formation littéraire.

Très tôt, elle collabora au journal La Presse de Montréal en
adressant des articles sur la vie culturelle, littéraire et musicale. Mais,
dès le début des hostilités en 1939, la mère et la fille décidèrent de
revenir à Montréal où Geneviève devient correspondante du Jour-écho de
Paris à compter de janvier 1940.

Grâce à son initiative, elle est nommée éditorialiste au journal Le
Canada
, organe du Parti Libéral du Canada et par la suite, rédacteur en
chef de Photo-Journal. Entretemps, elle publie de grands reportages ainsi
que de nombreux articles au journal Le Devoir qui lui a d’ailleurs rendu
un hommage en publiant un article coiffé du titre "Le Devoir est en
deuil" dans son édition de vendredi le 23 juin.[…]

Au moment de son décès, Geneviève était encore membre du Comité des
Publications de la Chambre de Commerce française au Canada et en cette
qualité, elle a publié dans la revue de cette Chambre, au 2e trimestre de
1999, un article fort remarqué sur la Pouvoir gris intitulé "Le pouvoir
des mots n’a pas d’âge". Elle écrivit comme entrée en matière "Ce
n’est pas un hasard si "l’année internationale des personnes âgées
décrétée par l’ONU termine le siècle" et plus loin, elle ajoutait"
les aînés dont le nombre et la durée de vie vont en progressant, sont
paradoxalement, de plus en plus soucieux de créativité et de participation
sociale […]

à un âge respectable, elle avait épousé le Docteur Pierre Smith,
chirurgien attaché à l’hôpital Saint-Luc. Le couple n’eut pas d’enfant.

Fille unique, elle décida de se faire plaisir et prit la grave décision
d’adopter un enfant. C’est en1968 qu’elle adopte cet enfant qui s’appelle
l’Alliance Française de Montréal. Elle en fut présidente et constatant que
cet enfant avait des frères éparpillés sur le vaste territoire du Canada,
elle décida de reconstituer cette famille en une fédération des Alliances
Françaises du Canada qu’elle présida de 1968 à 1992.

Son action, durant cette période, fut déterminante pour assurer le
rayonnement, la solidarité, la coopération et la promotion des activités des
Alliances d’un océan à l’autre. Elle a parcouru le pays de l’est à l’ouest,
du nord au sud, se tissant un puissant réseau de connaissances et d’amitiés.

Bien que l’Alliance Française de Paris décidât unilatéralement de
dissoudre la fédération des Alliances Françaises du Canada, afin de permettre
à son délégué à Ottawa de détenir un droit de vie et de mort sur les
enfants de cette grande famille, elle refusa d’accepter en silence cette
destruction et continua de présider l’Alliance Française de Montréal qu’elle
soutint par la force de ses moyens et malgré son âge.

Qui ne se rappelle parmi nous son action, ses activités, son dynamisme, pour
nous permettre de nous retrouver régulièrement et de vivre ensemble des
moments agréables pour la promotion de la langue et de la culture françaises
dans notre milieu. Mais son enfant adoptif, malgré l’exemple de Geneviève,
malgré les qualités d’honneur, de dignité, de respect qu’elle lui avait
inculquées, l’enfant l’a payée d’ingratitude. Il lui a même retiré son
label, son appui et son soutien, refusant même de dialoguer avec elle pour
trouver une solution honorable. Cet enfant ingrat l’a traitée de façon
regrettable et Geneviève en a été meurtrie au plus profond d’elle-même.
Jusqu’à la dernière minute de sa vie, elle a combattu pour que l’enfant se
souvienne, mais il est resté sourd à ses appels et lui a préféré de
nouveaux parents adoptifs. En parodiant Vauvenargues dans ses Réflexions et
maximes,
il est possible de dire que"l’ingratitude la plus odieuse,
mais la plus commune et la plus ancienne est celle des enfants envers leurs
mères".

Sachez qu’à partir de ce moment Geneviève a été psychiquement et
physiquement malade. Elle qui avait joui d’une excellente santé commença à se
plaindre de son coeur défaillant et aussi récemment que jeudi le 8, elle me
faisait part qu’elle avait tenté de rejoindre son médecin. Ceneviève de la
Tour Fondue est morte de chagrin. Elle est morte seule, sans la présence de
quiconque. Elle a, sans doute, abandonné tout espoir de survie mais elle l’a
fait dans la dignité, ce mot, selon Claudel, "qui n’a pas de
pluriel"; l’honneur comme l’a écrit Alfred de Vigny dans Journal d’un
poète
"l’honneur,c’est la poésie du devoir", et le respect.

Ces vertus, elle les avait héritées de ses ancêtres tant paternels que
maternels. Les de la Tour Fondue sont issus d’Auvergne et comptent parmi leurs
ancêtres directs le comte Jean-Baptiste d’Estaing qui passa en 1759 dans la
marine. Il prit part à la guerre de l’indépendance des états-Unis et alors
qu’il mouillait devant le Rhode Island, lança un appel imprimé aux Canadiens
pour les inviter à se soulever contre l’Angleterre(1778).[…] Malgré son
républicanisme, pendant la Révolution française, il fut arrêté et
guillottiné à Paris en 1794.

Par sa mère, Marie de Coriolis, elle compte parmi ses ancêtres Gaspard de
Coriolis, mathématicien et ingénieur en chef au corps des Ponts et Chaussées.
C’est à lui qu’on doit le Théorème de Coriolis qui a permis des applications
pratiques aussi bien en hydrologie qu’en astronomie.

Son grand-père,Gustave de Coriolis, ingénieur réputé, est venu au Canada
au début du siècle dernier à la demande de Sir Wilfrid Laurier pour diriger
des ouvrages d’envergure.

[…]Ce n’est pas en vain que j’ai évoqué son attachement à son enfant
adoptif car par son testament de 1989, elle a partagé ses biens à parts
égales entre un représentant de la famille Giscard d’Estaing, une
représentante de la famille de Coriolis et le dernier tiers à l’Alliance
Française pour créer un fonds qui portera le nom de Geneviève de la Tour
Fondue. C’est pourquo il a été suggéré de souscrire à cette future
fondation pour en assurer la stabilité, le financement et le rayonnement et
ainsi rappeler aux générations futures qu’une femme de coeur a voulu
perpétuer son action au service de la langue et de la culture françaises au
Canada.

[…]

Me émile Colas,c.r., LL.D,

Avocat-Conseil

(Ce texte nous a été communiqué par notre correspondante de la
Colombie-Britannique Mme Chantal Lefebvre lemoustique@home.com,rédactrice
du mensuel Le Moustique)

(Le 6 octobre 2001)



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