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HISTOIRE DES DRAPEAUX QUÉBÉCOIS: CARILLON SACRÉ-COEUR

HISTOIRE DES DRAPEAUX QUÉBÉCOIS: DU TRICOLORE CANADIEN AU FLEURDELISÉ QUÉBÉCOIS

Luc Bouvier, professeur au Collège de l’Outaouais
(Tous droits réservés)

III LE CARILLON-SACRÉ-COEUR



III.1 Introduction

Au début du XXe siècle, pendant que la relique de Carillon se mythifie au rythme de ses apparitions annuelles, les Canadiens français arborent toujours le tricolore bleu-blanc-rouge qui, à leurs yeux, représente le mieux leur caractère distinct. Mais le désir de l’Angleterre de consolider son empire a comme corollaire la montée, sous l’impulsion, entre autres, d’un Henri Bourassa, du nationalisme canadien-français qui suscite, chez les francophones, le désir d’un drapeau plus en accord avec leur identité nord-américaine. Plusieurs projets sont soumis à l’approbation publique, tout spécialement durant les années 1901 à 1905. Chacun est scruté à la lumière du parti pris idéologique et de l’option politique du critique.

III.2 Projet I: le drapeau de Frédéric-Alexandre Baillargé

En 1901, l’abbé Frédéric-Alexandre Baillargé propose d’adopter un fleurdelisé azur parsemé de fleurs de lis et frappé au centre des armoiries du Québec surmontées d’une couronne. Les armes sont encadrées de deux branches d’érable dont le point de rencontre est frappé d’un castor sous lequel se trouve, sur un listel, la devise Je me souviens. Pour mousser son projet, en plus d’articles, Baillargé envoie, le 15 juin 1903, une circulaire de trois pages et publie, en 1904, la brochure le Drapeau canadien-français. Azur *** Fleur de lis *** Castor Feuilles d’érable écusson. Nos raisons(48). Il y offre des exemplaires de 6′ sur 4′ de son drapeau au prix de 6 $. La surcharge d’éléments et l’utilisation des armoiries du Québec suscitent la critique. Louis Fréchette, le libéral, qui avait déjà eu maille avec Baillargé lors d’une querelle sur l’éducation en 1893, le ridiculise : «Rien que cela! Toute une batterie de cuisine. De quoi boire et manger à la discrétion des amateurs. Pour un drapeau, voilà ce qui s’appelle un drapeau! Il n’y manque que le portrait de l’inventeur(49)». Jules-Paul Tardivel, l’ultramontain, le rejette lui aussi parce que les armoiries de la province de Québec le rendent inacceptable aux Canadiens français hors Québec. En réponse à cette double critique Baillargé propose en 1911 un projet simplifié qui ne survit pas à son auteur.

III.3 Projet II: le drapeau de Jules-Paul Tardivel

En février 1902, dans son journal la Vérité, Jules-Paul Tardivel souhaite l’adoption d’un «drapeau blanc, pour rappeler notre origine, sur lequel on verra l’image du Sacré-Coeur, emblème de notre Foi, entourée d’une guirlande de feuilles d’érable, emblème de notre nationalité(50)». Les ultramontains sont souvent partisans d’un drapeau blanc parce que, en cette période républicaine et anticléricale de l’histoire de France, le blanc représente le parti légitimiste, donc monarchiste et catholique. L’ajout du Sacré-Coeur, se justifie, à leurs yeux, par les révélations faites, en 1689, à Marguerite-Marie Alacoque, une visitadine de Paray-le-Monial et, en 1826, à soeur Marie de Jésus du monastère des Oiseaux de Paris, demandant de consacrer la France et son étendard au Sacré-Coeur. Ils souhaitent que «[n]otre pieux pays [qui] faisait partie de la France lorsque Notre-Seigneur demandait à la bienheureuse Marguerite-Marie de faire mettre l’image du Sacré-Coeur sur le drapeau national français(51)» se rende enfin à ce souhait. En France, dans les années 1890, tout un mouvement ultramontain et légitimiste travaille, avec un certain succès, à l’ajout du Sacré-Coeur sur le bleu-blanc-rouge. Le 25 mai 1899, Léon XIII consacre le genre humain au Sacré-Coeur dans son encyclique Annum Sacrum et conforte donc dans leur opinion les partisans du Sacré-Coeur. Le 15 novembre 1902, l’abbé Huard s’y oppose «à cause de la présence en cette province d’une minorité anglaise et protestante et d’un certain nombre, mal disposés, de nos compatriotes». à l’argument de Tardivel qui lui signalait qu’il ne s’agissait pas d’un drapeau politique à savoir celui du Québec mais du drapeau des Canadiens français, il rétorque : «[I]l n’y a pas […] de distinction réelle entre la race canadienne-française et sa patrie propre la province de Québec». Et l’abbé Huard de conclure malgré tout : «Que les convaincus fassent donc les frais d’établir de ces drapeaux à champ blanc ou azuré, portant l’image du Coeur de Jésus, et les répandent dans tout le pays». Le 22 novembre Tardivel «souscri[t] […] dix dollars pour la vulgarisation de l’idée, d’après le plan du directeur de la Semaine religieuse [l’abbé Huard]. Quand il y aura cent dollars de souscrits, on pourra organiser un comité et se mettre à l’oeuvre(52)». Dans les semaines qui suivent Tardivel reçoit appuis et souscr1ptions qu’il souligne dans la Vérité. Le 7 février 1903, la somme atteint 76,25 $.

III.4 Projet III: le drapeau de Henri Bernard

En 1902, dans sa brochure Foulons le drapeau!? Quel drapeau choisir(53), l’abbé Henri Bernard reconnaît que le tricolore français est le drapeau que privilégient les Canadiens français lorsqu’ils déploient une bannière. Mais à ce tricolore, il suggère d’ajouter, au centre, un Sacré-Coeur qu’il canadianise grâce à deux branches de feuilles d’érable en sautoir sous lesquels se trouve un listel avec la devise du Québec Je me souviens. Malgré le Sacré-Coeur, Jules-Paul Tardivel s’oppose au projet, car, pour lui, le tricolore français «a le grave inconvénient d’être le drapeau politique d’un autre peuple, d’un autre pays. Nous sommes un peuple bien distinct du peuple français d’aujourd’hui, et nous n’avons aucun intérêt à être confondus avec lui, loin de là(54)».

III.5 Projet IV: le drapeau d’Elphège Filiatrault: le fleurdelisé

Le 26 septembre 1902 flotte sur le presbytère de Saint-Jude un fleurdelisé confectionné par le curé, Elphège Filiatrault. En février 1903, sous le pseudonyme Un compatriote, il publie la brochure Aux Canadiens français. Notre drapeau, dans laquelle il récuse l’utilisation du tricolore français, entre autres, pour des raisons politiques: «N’oublions pas que c’est par tolérance que nous pouvons faire flotter le drapeau politique de la France au Canada. Vienne un conflit entre la France et l’Angleterre, que ferons-nous de ce drapeau? Ne vaut-il pas mieux l’abandonner maintenant de notre plein gré, que d’attendre qu’on nous donne l’ordre de le faire disparaître? L’incident Laval-McGill, à Montréal, lors de la délivrance de Ladysmith, doit nous apprendre ce qui pourrait arriver». Il ne croit pas que «l’idée d’adopter le drapeau blanc de la Restauration, non plus que tel drapeau de l’ancienne monarchie française, puisse jamais prévaloir. Nous sommes un peuple nouveau sur la terre d’Amérique; or, à un peuple nouveau, il faut un drapeau nouveau». Pour ce nouveau drapeau, il suggère d’emprunter à la bannière de Carillon son champ azur, sa couleur bleue, et ses quatre fleurs de lis. Les armes royales et la madone seront remplacées par un croix blanche, laquelle renvoie à la France puisque, depuis la guerre de Cent Ans, elle frappe la plupart des bannières, pavillons et drapeaux français. Il se refuse à ajouter le Sacré-Coeur. à ceux qui «regretteront peut-être le castor et la feuille d’érable», il fait «remarquer que ces emblèmes ne sont plus les emblèmes exclusifs des Canadiens français. Ils sont avant tout les emblèmes du Canada(55)». Le 24 juin 1905, jour de la Fête nationale des Canadiens français, le drapeau fleurdelisé du curé Filiatrault est hissé à un mât de plus de 60 pieds au centre de la rue Saint-édouard, à l’angle de la rue Saint-Pierre à Saint-Jude. Ainsi est présenté ce qui deviendra 45 ans plus tard, sauf pour la disposition des fleurs de lis, le drapeau québécois. La première illustration se trouve donc dans la brochure de Filiatrault (entre les pages 16 et 17). Lors de la démolition de l’ancien presbytère de Saint-Jude vers 1954-1955, le sacristain a remis le fleurdelisé original à M. Raymond Girouard qui, en 1993, en a fait don à la Société d’histoire régionale du comté de St-Hyacinthe (Archives du Séminaire de St-Hyacinthe). L’abbé Filiatrault, on aurait fait parvenir deux exemplaires à Québec. Une plaque, marquée à chaque coin d’une fleur de lis pointant vers le centre et installée dans le parc municipal de Saint-Jude par la fabrique de la paroisse, rappelle le créateur du fleurdelisé : «En hommage à Elphège Filiatrault à l’origine de la création du drapeau québécois en 1902 à Saint-Jude (1850-1932)». Ironiquement, Frédéric-Alexandre Baillargé ne croyait pas que ce drapeau puisse devenir drapeau national «parce qu’il ne tient compte que de la domination française(56)».

III.6 Projet V: le Carillon-Sacré-Coeur

Fin janvier 1903, un Comité du drapeau est formé à Québec. Dès février 1903, le Messager canadien du Coeur de Jésus souhaite que le «drapeau azuré aux fleurs de lis, avec le Sacré-Coeur au centre entouré de feuilles d’érable portant au bas la devise «Je me souviens»» devienne le drapeau national. «Il nous faut un drapeau que le peuple adopte peu à peu, qui prenne place sur nos édifices publics, qui se substitue sans bruit au tricolore(57)». Le 18 mars 1903, lors d’une séance scientifique et littéraire au Collège de St-Boniface offerte à Mgr Langevin, le jeune Henri Manseau chante «Mon drapeau» et déploie un drapeau qui «laiss[e] voir, dans ses plis de soie azurée que constell[…]ent douze fleurs de lis d’or, la grande croix blanche et, au centre, le Sacré-Coeur de Jésus entouré d’une guirlande de feuilles d’érable».

Le 24 mars 1903, le Comité adopte à l’unanimité «pour projet de drapeau national pour les Canadiens français, les quatre fleurs de lys blanches de la précieuse relique nationale, qu’on appelle le drapeau de Carillon, sur champ d’azur, traversé d’une croix blanche, portant au centre l’emblème du Sacré-Coeur(58)». Marie de l’Eucharistie des Soeurs de la Charité de Québec [Elmina Lefebvre] est chargée d’en disposer les éléments. Dans une lettre adressée à Gérard Morisset, alors au Musée du Louvre, le 9 septembre 1932, elle en rappelle les circonstances :

Vers 1904, on s’occupait beaucoup à Québec du drapeau des Canadiens français. Les révérends Pères Jésuites avec un comité laïque, furent chargés d’en faire compos[er] le plan. Il y eut concours, et j’eus le grand bonheur [de voir] mon idée adoptée : le «Carillon Sacré-Coeur» était né. En voici la descr1ption; Sur fond d’azur se détache une croix blanche, portant au centre l’emblème du Sacré-Coeur rayonnant, ceint d’une couronne d’épines et surmonté d’une croix; harmonieusement cerné d’une guirlande de feuilles d’érable: aux quatre angles, une large fleur de lys blanche. — Le fond d’azur rappelle l’ancien drapeau de Carillon; la croix parle de notre foi catholique. Le Sacré-Coeur est la réponse aux désirs exprimés par le Sacré-Coeur lui-même à sainte Marguerite-Marie. Les feuilles d’érable détachées de notre arbre national, parlent de jeunesse et d’espoir; enfin les fleurs de lys évoquent le souvenir de la vieille France.

Dès que le choix fut fixé Mgr Th. G. Rouleau fit exécuter un drapeau de douze pieds pour son école normale Laval dont il était principal: ce fut le premier qui flotta sur la ville de Québec.

Ces heures de foi patriotique sont pour moi des souvenirs inoubliables. je fis aussi le dessin de ce même drapeau dont les directeurs du Messager canadien de Montréal tirèrent de petites vignettes pour papier correspondance, enveloppes et cartes postales(59).

Le 28 mars 1903, un comité du drapeau, récemment formé à Montréal, appuie la résolution de Québec et décide, sous le nom de l’Oeuvre du drapeau national, dont le siège social était situé au 23 Ste-Famille, de diffuser le Carillon-Sacré-Coeur. Le 9 juin 1903, c’est au tour du comité du drapeau de St-Boniface d’appuyer la proposition québécoise. S’ouvre alors une campagne en faveur du Carillon-Sacré-Coeur. Le Comité du drapeau fait paraître un volume de promotion(60). Jules-Paul Tardivel, membre du comité mais auquel la maladie a empêché de participer, en souligne le travail et conclut : «Et, maintenant, compatriotes, à l’oeuvre! Répandons partout le livre du comité, et arborons hardiment le beau drapeau national des Canadiens français!(61)». Le 4 mars 1905, la Vérité signale qu’il s’est vendu depuis 2 ans 8 500 brochures sur le Carillon-Sacré-Coeur, 15 000 cartes postales, 60 000 écussons, 20 000 gravures, 150 000 boutons et insignes et 76 500 drapeaux de diverses dimensions.

Le 1er mai 1904, Olivar Asselin commente dans son journal le Nationaliste la brochure que vient de publier le Comité du drapeau. Le Carillon-Sacré-Coeur ne l’enchante guère: «le nouveau drapeau, en dehors des cercles religieux, provoque peu d’enthousiasme(62)». L’ultramontain Tardivel se demande si «par hasard, tout le mal ne serait pas, aux yeux du Nationaliste, dans le caractère religieux du drapeau Carillon-Sacré-Coeur(63)». Devant la campagne menée par les promoteurs du Carillon-Sacré-Coeur, l’abbé Elphège Filiatrault fait paraître en février 1905 une autre brochure, intitulée Nos couleurs nationales. Il y affirme que «vouloir fondre deux emblèmes différents, l’un de la religion comme le Sacré-Coeur, l’autre de la patrie comme les couleurs de Carillon, en un seul et même emblème, c’est les affaiblir l’un et l’autre» et souhaite «faire la distinction qui s’impose entre l’emblème de la patrie et l’emblème de la religion, lesquels peuvent fort bien s’unir, mais ne doivent pas se confondre(64).

III.7 Projet VII: le drapeau de Louis Fréchette

Malgré les gains du Carillon-Sacré-Coeur, les partisans du tricolore français, tels Louis Fréchette, ne jettent pas la serviette: «Pour proclamer que nous sommes des fils de la France, il nous faut arborer les couleurs françaises; et pour indiquer que nous sommes Canadiens, nous pourrons y marier notre emblème national, la feuille d’érable, qui, elle, dira à tous que si notre race est française, notre patrie, c’est le Canada(65)». édouard Fortin dans Carillon! Carillon! Le drapeau national des Canadiens français s’oppose au tricolore, même avec feuille d’érable au centre : «Il me semble que ces feuilles et ce drapeau ne diraient pas assez ce que nous sommes, d’autant plus que le tricolore resterait toujours le tricolore, malgré cette légère transformation». Il appuie le Carillon-Sacré-Coeur et voit deux catégories d’opposants : «les libres-penseurs, relativement peu nombreux, et les timorés, au nombre desquels je classe ceux de mes compatriotes qui veulent absolument que le drapeau de la puissance soit celui des Canadiens français(66)». Louis Fréchette s’insurge contre la tentative de détrôner le tricolore français au profit du Carillon-Sacré-Coeur. Mais, surtout, ce que souligne Fréchette, c’est le caractère idéologique que sous-tend cette préférence du Carillon-Sacré-Coeur. «On n’aime pas la République dans certains quartiers, c’est connu. Malgré la volonté, clairement et maintes fois exprimée, du sage Léon XIII, plusieurs la conspuent et la dénoncent. On en a le droit — et trop souvent l’occasion, malheureusement. Mais après? Le tricolore n’est pas le drapeau de M. Combes [responsable des lois anticléricales], c’est le drapeau de la France. Le jeu des factions et les fautes d’un gouvernement n’empêcheront pas que la France ne soit notre mère(67)». Le 20 juin 1903, dans la Patrie, Lisette, Un disciple d’Esculape et Un vrai catholique souhaitent que perdure le tricolore. Lisette propose en outre de «dépos[er], sur la blancheur immaculée de son second pli, les armes de notre province avec leur devise si bien pensée : Je me souviens!(68)».

III.8 Défense du Carillon-Sacré-Coeur

La querelle entre les partisans du tricolore français et ceux du Carillon-Sacré-Coeur se poursuit bon an mal an jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi en 1910, lors du XXIe Congrès eucharistique international, sur l’Hôtel de ville de Montréal flottent, par ordre de préséance, le drapeau britannique, le drapeau papal, le drapeau irlandais et le drapeau américain. Devant les représentations de Canadiens français, le Carillon-Sacré-Coeur est hissé(69). Le maire Guerin, Irlandais, interdit par la force que le bleu-blanc-rouge soit hissé à la place du drapeau irlandais comme le demandait le comité de réception du Congrès. Le 29 septembre 1910, Laurent-Olivier David entreprend de défendre le tricolore français. Plusieurs raisons militent en faveur du drapeau français. En réponse à l’argument, très souvent implicite, des ultramontains selon lequel le bleu-blanc-rouge est avant tout un drapeau républicain, franc-maçonnique et anticlérical, surtout en ce début du XXe où le gouvernement français s’attaque aux communautés religieuses, David soutient que le «drapeau tricolore n’est pas le drapeau d’une dynastie, d’un parti ou d’un gouvernement, c’est le drapeau de la France». David, chaud partisan du lauriérisme, ajoute: «Est-il sage, convenable et délicat d’adopter dans un pays dont la majorité est anglaise et protestante, un drapeau [le Carillon-Sacré-Coeur] dont le nom et la vue sont de nature à éveiller chez elle des souvenirs humiliants, des sentiments d’antipathie?(70)».

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le bleu-blanc-rouge et le Carillon-Sacré-Coeur luttent et se côtoient, le premier marchant vers son déclin; le second, vers son apogée. D’un côté, Georges Vattier note en 1928: «Le Français qui voyage à travers la province de Québec éprouve une joie bien compréhensible en voyant flotter un peu partout nos trois couleurs, non seulement sur des maisons privées, des villas d’été, mais aussi sur des édifices officiels et les bâtiments publics(71)»; de l’autre, le Carillon-Sacré-Coeur devient le 11 novembre 1926 drapeau officiel de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (Statuts du Québec, 16 Geo. V, chap. 106).

Mais, en juin 1935, Arthur Laurendeau jette un pavé dans la mare quand, dans l’Action nationale, il suggère de gommer le Sacré-Coeur et de ne garder comme marque distinctive que le Carillon avec les feuilles d’érable. La réplique vient de haut. Le 23 juin 1937, le Cardinal Rodrigue Villeneuve «invite […] ardemment tous les diocésains de Québec à continuer d’arborer le Carillon-Sacré-Coeur, comme ils l’ont fait depuis trente ans. [Il] compte qu’ils le feront surtout à l’occasion du Congrès de la Langue française [qui se tiendra à Québec du 27 juin au 1er juillet]. Ils affirment ainsi hautement le caractère chrétien de toutes nos traditions sociales(72)». En juin et en août 1937, le Messager canadien de Montréal se porte à la défense du Carillon-Sacré-Coeur : «Ceux qui arboraient déjà ce drapeau […] n’ont ni à le rejeter ni à le modifier. Bien au contraire! Qu’ils le fassent flotter fièrement à la brise, heureux de proclamer du même coup leur nationalité et leur fidélité au Christ(73)». Finalement, le 10 juin 1939, C.-J. Magnan donne au poste CHRC sous les auspices de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec une conférence à la défense du Carillon-Sacré-Coeur. Pendant que le monde bascule dans la terrible épreuve de la Seconde Guerre mondiale, au Québec, les couleurs françaises disparaissent au profit du Carillon-Sacré-Coeur.


TABLE DES MATIÈRES
I. LES TRICOLORES
II. LE DRAPEAU DE CARILLON
III. LE CARILLON-SACRÉ-COEUR
IV. VERS LE FLEURDELISÉ
V. LE FLEURDELISÉ

 

 


48. Montréal, Chez l’auteur et Chez Granger, 1904, 47 p. Pour la circulaire, voir Réjean Olivier, Biographie de l’abbé Frédéric-Alexandre Baillargé (1854-1928), Joliette, édition privée, 1980, 4 feuilles insérées entre les pages 93-94..

49. Fréchette, Louis, Satires et polémiques II, Montréal, PUM, 1993, coll. BNM, p. 814.

50. «Questions et réponses», la Vérité, 15 février 1902, p. 6.

51. «Petite revue», la Vérité, 29 novembre 1902, p. 7.

52. J.-P. Tardivel, «Réponse à la Semaine religieuse», la Vérité, 22 novembre 1902, p. 6-7.

53. Côte-des-Neiges-Ouest, 1902, 39 p.

54. [Jules-Paul Tardivel], «La question du drapeau», la Vérité, 8 novembre 1902, p.2.

55. Un compatriote [Elphège Filiatrault], Aux Canadiens-Français. Notre drapeau, p. 8, 16, 22.

56. F.-A. Baillargé, «Le drapeau national», la Patrie, 7 juin 1903.

57. «Un drapeau national», le Messager canadien du Sacré-Coeur de Jésus, février 1903, p. 82-83.

58. «Le Sacré-Coeur et le drapeau national», le Messager canadien du Sacré-Coeur de Jésus, mai 1903, p. 228.

59. Extrait communiqué par Emma Gastonguay, archiviste des Soeurs de la Charité de Québec.

60. Le Comité de Québec, Le Drapeau national des Canadiens français : un choix légitime et populaire, 1904, 308 p.

61. [Jules-Paul Tardivel], «Un nouveau livre Le Drapeau national des Canadiens français», la Vérité, 1er mai 1904, p. 4-5.

62. Olivar Asselin, «échos» , le Nationaliste, vol. 1, n 9, 1er mai 1904, p. 1.

63. [Jules-Paul Tardivel], «Le Nationaliste et le drapeau national», la Vérité, 15 mai 1904, p.4. Réplique d’Asselin «M. Tardivel et nous» , le Nationaliste, 22 mai 1904, p. 4.

64. Elphège Filiatrault, Nos couleurs nationales, Saint-Jude, février 1905, p. 7-8, 12. Voir aussi Elphège Filiatrault, «Notre drapeau national» , la Patrie, 14 avril 1904, p. 10. Repris de la Revue ecclésiastique.

65. Fréchette, Louis, op. cit., p. 1259.

66. Québec, [1903}, p. 47, note 1, p.39.

67. Fréchette, Louis, op. cit., p. 1259.

68. Lisette, «Le drapeau», la Patrie, 20 juin 1903, p. 27.

69. Voir H. B., «Il a raison», le Devoir, 20 septembre 1910; «La Question des drapeaux», le Devoir, 23 septembre 1910.

70. L[aurent]–O[livier] David, La Question des drapeaux suivi de Noblesse oblige […], Montréal, Librairie Beauchemin, 1926, p. 11-18; 14. Paru dans le Canada, 29 septembre 1910, p. 4, 15.

71. Essai sur la mentalité canadienne-française, 1928, p. 255

72. Cité par C.-J. Magnan, Le Carillon-Sacré-Coeur, drapeau national des Canadiens français, Québec, l’Action catholique 1939, p. 31.

73. Cité par C.-J. Magnan, op. cit., p. 31.

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