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APPRENONS LE FRANGLAIS AVEC LE CHAT DU FIGARO

Apprenons le franglais avec le chat du Figaro

Henri Mora
henri.mora@wanadoo.fr

Dans la page Multimédia du Figaro quotidien du 24
janvier dernier, Isabelle Boucq nous explique comment Internet permet à des
anonymes d’échanger des propos débiles grâce au « chat ».
Le chat en question n’a rien à voir avec notre félin familier, mais serait
un « salon de discussion », le terme venant de l’anglais « to
chat
» qui veut dire causer, bavarder. Elle nous explique aussi qu’il
faut prononcer « tchat » ou plutôt « tchatte », le t
final devant se fait entendre. Ainsi dans la suite de l’article on peut
trouver des phrases comme : « à l’époque où je fréquentais
les chats, j’ai fait beaucoup de rencontres…
», « si vous
leur demandez pourquoi ils fréquentent les chats, ils se referment aussitôt
comme des huîtres
», « Untel défend une vision plus noble
du chat
», « voici des adresses de sites francophones qui
proposent des chats
». Dans tout le texte, le mot chat n’est jamais
mis entre guillemets ou en italique. Que doit comprendre le lecteur moyen ?
On fait comme si ce mot avait subitement changé de signification.

Je suis surpris qu’un quotidien aussi honorable que le
Figaro, qui par ailleurs publie une rubrique quotidienne « le bon
français » qui met en garde ses lecteurs contre les anglicismes de
mauvais aloi, se fasse ici le promoteur d’un terme qui est une véritable
agression contre la langue française.

En effet, chat est un mot du français élémentaire comme chat
est un terme du basic english, mais ils n’ont malheureusement pas du
tout le même sens. Pourquoi les spécialistes français ou francophones de la
chose Internet ne cherchent-ils pas un mot nouveau pour désigner cette
pratique, et au besoin n’en forgent-ils pas un, plutôt que de détourner un
mot de la langue courante ? D’ailleurs, je note que ce mot anglais
« chat » n’est pas vraiment adapté vu que dans ces salons
virtuels, on ne cause pas, on n’échange aucune parole, on ne fait que des
échanges écrits par l’intermédiaire du clavier et de l’écran.

En outre la prononciation préconisée est une agression
caractérisée contre la phonétique du français. Il faudrait prononcer le
digramme « ch » comme en anglais, c’est à dire « tch ».
Nous reprochera-t-on après d’avoir une orthographe compliquée, alors qu’on
s’ingénie à introduire des règles nouvelles qui la complique encore
plus ? Si chat doit se prononcer « tchatte », faudra-t-il
écrire « Chad » pour le pays (Tchad) et « Chéquie »
pour la Tchéquie ? et les habitants de ce pays seraient alors les
« Chèques » ? Et si dans un chat on voulait parler de
chats, faudra-t-il écrire « shats » ou bien « cats »
pour se faire comprendre ? Et pourquoi lorsqu’on parle français, par
exemple lorsqu’on lit un article du Figaro, faudrait-il connaître et
pratiquer la prononciation anglaise ?

Je remarque que l’auteur de l’article ignore totalement
les préconisations ou les simples suggestions faites ici ou là pour remplacer chat
dans le lexique français par des termes comme « causette »,
« bavardage », voire « tchatche » emprunté au
pataouète, l’ancien parler de Bab-el-Oued. Sans doute cette personne
appartient-elle à cette confrérie qui considère que ce qui est français est
franchouillard et pour tout dire ringard, mais qui a un respect religieux de l’anglais,
prononciation et orthographe incluses ?

On me rétorquera qu’il est trop tard, que l’usage est
répandu et tout le monde comprend. J’observe pourtant que selon un sondage
récent les 2/3 des Français n’ont jamais vu un écran d’Internet et que
50 % d’entre eux ne veulent même pas s’y intéresser. Ils n’ont
peut-être pas tort à voir le langage souvent hermétique qui s’y pratique.

Et puis si cet usage se répand, c’est que les médias,
dont votre journal, y contribuent fortement. Il me semble que le Figaro pourrait
inciter ses rédacteurs à mieux s’exprimer en français (la rubrique Multimédia
n’est pas la seule concernée, les anglicismes inutiles pullulent aussi dans
les pages Sport, Mode, économie entre autres) et si
nécessaire les renvoyer à l’école maternelle pour leur apprendre à appeler
un chat un chat.

On n’a nul besoin de l’anglais pour s’exprimer en
français.

Référence de l’article :

Titre : On vous demande au salon
http://www.lefigaro.fr/cgi-bin/gx.cgi/AppLogic+FTContentServer?pagename=FutureTense/Apps/Xcelerate/View&c=figArticle&cid=FIG2JXISAIC&live=true&Site=true&gCurChannel=ZZZJTGN6J7C&gCurRubrique=ZZZM5WM6J7C&gCurSubRubrique=


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