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Netflix, Kellog’s et Mélanie Joly

J’interpelle par la présente Madame Mélanie Joly qui n’est plus ministre du Patrimoine, mais qui a maintenant une responsabilité en tant que ministre de la Francophonie. Elle doit œuvrer à ce que ce titre ne soit pas qu’honorifique. Si elle n’a pas pu agir en matière de taxation, elle pourrait se racheter pour le contenu en français.

Netflix est un nom qui apparaît souvent dans les articles de journaux, dans les reportages et dans les conversations. Les commentateurs culturels ne cessent d’inviter leurs lecteurs ou auditeurs à regarder certaines productions qui, selon leurs dires, sont tout à fait remarquables.

Mélanie Joly

Cependant, ce qui est le plus navrant, c’est que ces commentateurs omettent de dire que la très vaste majorité de ces productions ne sont accessibles qu’en anglais. Comme si cela allait de soi que le contenu canadien soit entièrement en anglais et qu’une très petite partie du contenu le soit en français. Personne n’en parle, personne ne le déplore. L’écart est abyssal entre ce qui est offert en anglais par rapport à ce qui est offert en français. On prend donc pour acquis que les francophones du Canada sont bilingues et que s’ils veulent être au goût du jour, ils doivent faire l’impasse sur leur langue maternelle. Une langue à laquelle on se dit attaché, une langue pour laquelle on dit être prêt à se battre, une langue qui a survécu courageusement durant des siècles alors qu’elle a été maintes fois assaillie. Il y a ce discours d’un côté pour la survie de la langue française et l’autre discours qui dit que la culture télévisuelle est meilleure en anglais. Cela vaut aussi pour les autres magnifiques productions faites par d’autres diffuseurs tels Amazon, HBO ou Showtime. Notre production locale ne peut pas évidemment rivaliser.

Aussi sur Netflix, on ajoute l’insulte à l’injure, en diffusant une bande-annonce d’une série en français, mais quand on veut accéder à cette série, la version française n’est pas disponible. (Exemple : « Sécurité » tiré du roman de Harlan Coben). En procédant ainsi, Netflix fait la preuve que la version française ou la version française sous-titrée existe. Hey! Il faut que quelqu’un avise les responsables de la programmation que quand une version française ou sous-titrée en français existe et qu’on veut la diffuser au Canada, que ce charmant pays est officiellement un pays bilingue, anglais et français.

Si la compagnie Kellog’s vend des céréales à travers le Canada dans des boîtes sur lesquelles on décrit le contenu dans les deux langues officielles, c’est que quelqu’un quelque part a veillé à la défense du fait français au Canada. Personne cependant ne dénonce Netflix là-dessus.

J’ai déjà parlé avec le service à la clientèle de Netflix pour leur demander pourquoi la série The Crown n’était accessible qu’en anglais alors que la version française existait. Réponse : Les droits de diffusion au Canada n’ont été achetés que pour la version anglaise.

Comment cela serait-il perçu au Canada anglais que seules seraient diffusées les émissions dont les contenus sont accessibles dans les deux langues officielles? Cela ne prendrait pas beaucoup de temps avant que les anglophones abjurent avec raison leur cher Netflix parce qu’on viendrait de les priver de 90% de leurs séries ou films.

Poussons le raisonnement plus loin. Comment réagiraient les Japonais, les Allemands, les Brésiliens si le contenu de Netflix dans ces pays était diffusé à 90% en Anglais et 10% dans la langue du pays. À ce compte-là, Netflix serait vertement dénoncé et conspué. Pourquoi agit-on différemment au Canada?

Imaginons les débuts de la télévision si le contenu n’avait été qu’en anglais. Cet outil de divertissement était tellement populaire que la langue française en aurait souffert au point de risquer de disparaître. Heureusement dès le début, il y a eu du contenu diffusé en français.

Dans un autre registre de même nature, on a dû passer une loi pour que les salles de cinéma ne puissent présenter la version anglaise avant que la version française ne soit aussi disponible. Pour éviter que les fans de Star Wars ou Indiana Jones se précipitent sur la version anglaise pour être parmi les premiers à vivre la nouvelle saveur du jour. Si on ne veut pas diriger les amateurs de séries télévisées vers l’anglais, il ne serait pas méchant d’envisager une loi comme celle votée pour le cinéma.

Dans un environnement où la langue anglaise est omniprésente, les noms, les mots, les expressions de cette langue nous deviennent familiers et il est relativement facile de se convertir au bilinguisme surtout les jeunes qui baignent dans cette culture depuis leur naissance. Comme Netflix offre un contenu plus intéressant que les autres diffuseurs (selon nos chroniqueurs), je pourrais être tenté de commencer à les écouter en anglais. Même ma conjointe dont la connaissance de l’anglais est moins développée que la mienne pourrait finir par comprendre. La plupart des Québécois finiraient bien par y arriver. La langue d’écoute en anglais deviendrait naturelle. Il est convenu parmi les bons bilingues que les versions ou les traductions dénaturent tellement le contenu au point où le film ou la série perd beaucoup de sa saveur quand il est diffusé en français. Que cela en devient presque imbuvable.

Petit hic cependant. Les séries ne sont pas toutes produites en anglais. Une série comme Babylon Berlin est produite en allemand et traduite en anglais et diffusée au Canada en anglais. Mais puisque la bande-annonce fait la promotion de cette série en français, il existe donc une version française. Encore une fois on n’a pas cru bon d’acquérir la version française. L’anglais marque un point de plus pour détrôner le français.

C’est pourquoi, devant le peu de considération de Netflix à servir les francophones du Canada, je demande :
– soit de faire une offre égale dans les deux langues officielles en espérant que l’offre française soit bonifiée plutôt que l’inverse,
– soit de fixer le prix de l’abonnement au prorata de l’offre d’une langue par rapport à l’autre.

En ne dénonçant pas cette iniquité, nous nuisons à tous ceux et celles qui se font les défenseurs de la survivance du français en Amérique du Nord. Plus la langue anglaise se glisse dans tous les interstices qu’elle peut trouver, plus le français est menacé. Retenez bien ceci : l’assimilation n’est jamais loin et Netflix pourrait y contribuer grandement.

J’interpelle par la présente Madame Mélanie Joly qui n’est plus ministre du Patrimoine mais qui a maintenant une responsabilité en tant que ministre de la Francophonie. Elle doit œuvrer à ce que ce titre ne soit pas qu’honorifique. Si elle n’a pas pu agir en matière de taxation, elle pourrait se racheter pour le contenu en français.

Yves Lebel
Magog

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