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MOUVEMENT DÉMOCRATIQUE DES PATRIOTES

Il faut absolument remplacer l’expression « Rébellions des Patriotes » que l’on retrouve au musée de la Guerre à Ottawa, dans tous les manuels et livres d’histoire et autres expositions. On doit bannir cette expression du langage des historiens et des politiciens pour la simple raison qu’il n’y a pas eu de rébellion au Canada en 1837-1838. Mais il y a eu un mouvement démocratique des Patriotes suivi d’une répression sanglante injustifiée. Cette répression est une honte pour le Canada anglais qui n’en tient pas compte dans ses manuels d’histoire et l’ensemble des Canadiens anglais ignore totalement cet épisode crucial de notre histoire. Par contre, on l’enseigne du côté français et on en célèbre même la fête le 24 mai pendant que le Canada anglais célèbre la fête de la reine Victoria, le seul pays à célébrer cette fête dans le monde anglo-saxon.

Voici des témoignages d’historiens sur la fausse « rébellion des Patriotes ». À remarquer que je vais citer quatre historiens anglophones sur sept ce qui peut ajouter plus de poids à ma démonstration.

D’abord Conway dans son livre  Des comptes à rendre , éditions VLB, en français et « Debts to pay » en anglais, insiste la répression d’une non-insurrection. « Il est bien connu que les Patriotes n’avaient jamais sérieusement planifié un soulèvement. Aucun préparatif militaire de quelque envergure n’avait été effectué. On n’avait mis sur pied aucune milice patriote, bien que quelques activistes du mouvement aient vu à s’assurer un poste au sein des milices officielles. Aucun plan d’action armée n’avait été dressé. Une référence aux armes n’était faite que dans le feu des envolées oratoires; aucune initiative ne s’était jamais ensuivie. Même s’ils caressaient amoureusement l’idée de révolution et étaient naïvement convaincus que les circonstances la justifiaient, les Patriotes n’étaient pas, au sens strict, des révolutionnaires. » p. 63.

Et Conway de poursuivre : « De son côté, le gouvernement interdit la tenue d’assemblées publiques, rappela les troupes et entreprit des préparatifs militaires. Des mandats d’arrestation furent lancés contre les chefs des Patriotes, mais la plupart se cachèrent. On purgea la magistrature et la milice de ceux qu’on soupçonnait de sympathies patriotes. Londres et le gouvernement colonial avaient opté pour une solution finale et militaire, à la fois à la crise immédiate et à l’impasse des décennies antérieures. »  p. 63.

« La guerre civile au Bas-Canada fut d’assez grande envergure et marquée de nombreuses batailles rangées entre des Patriotes mal armés et des forces régulières et volontaires britanniques. Dans la plupart des principaux affrontements, les Patriotes furent mal dirigés. Leur seule victoire survint à Saint-Denis, au tout début du conflit. Très rapidement, cependant, la guerre se transforma en une simple expédition punitive, alors que les troupes britanniques, et notamment les volontaires qui avaient de vieux comptes à régler, entreprenaient une campagne de massacres, de pillages et d’incendies. À Saint-Charles, des Patriotes qui s’étaient rendus furent tués et le village incendié. Saint-Denis fut également détruit par le feu, en représailles de la victoire antérieure des Patriotes. Le docteur Jean-Olivier Chénier, un de leurs chefs, fut tué lors de la défaite de Saint-Eustache. Son corps fut exhibé à l’auberge du village, une rumeur courut qu’on lui avait arraché le cœur, et le village fut incendié. À Saint-Benoît, les Patriotes proposèrent de se rendre, l’ennemi étant supérieur en nombre; leur offre fut rejetée, le village attaqué et complètement incendié. La mise à feu des fermes et des villages se généralisa à un point tel que le commandant des forces britanniques, Sir John Colborne, qui devait devenir gouverneur du Bas-Canada, fut surnommé le Vieux Brûlot, et lorsqu’il reçut plus tard le titre de Lord Seaton, les Québécois prirent coutume de l’appeler Lord « Satan ». pp. 63-64.

« Le Canada anglais s’attache rarement au récit complet de l’insurrection du Bas-Canada. Nous préférons l’oublier ou en minimiser la signification. Toute différente est l’attitude des Québécois. L’histoire des Patriotes est contée et racontée dans tous ses détails, Ils sont présentés comme des héros nationaux et l’on enseigne leur vie dans les écoles. Partout dans la province, on retrouve statues et monuments à leur mémoire. » pp. 64-65.

L’historien Joseph Schull s’applique à nous raconter le déclenchement de la violence par l’armée britannique sans déclaration de guerre et sans aucun avertissement : « Le colonel Gore était venu à la même conclusion. Il avait lancé ses trois cents hommes dans une exténuante marche de nuit dans l’espoir de prendre l’ennemi par surprise. Mais cet espoir s’était évanoui avec les premières lueurs de l’aube. Des francs-tireurs sortis des bois le long du chemin harcelaient ses troupes et détruisaient les ponts devant lui. Tout le long du Richelieu, les clochers avaient sonné le tocsin sur son passage. » Rébellion, le soulèvement patriote de 1837 au Bas-Canada, p. 98.

L’historienne Elinor Senior Kyte insiste également sur l’agression du colonel Gore à la tête de 300 soldats britanniques : « Il ne faut pas longtemps à Gore pour se rendre compte qu’au lieu de pénétrer dans un village assoupi du Richelieu, il se heurte à une zone fortifiée qu’occupent, d’après son estimation, 1 500 hommes déterminés. » Les habits rouges et les Patriotes, éditions VLB, p. 121.

L’historien Allan Greer dans son livre Les habitants et Patriotes  éditions Boréal, souligne la volonté du colonisateur britannique de terroriser la population francophone : « Indubitablement, le gouvernement et les autorités militaires ont l’intention de soumettre la population par la terreur. Les ordres que reçoit le lientenant-colonel George Cathcart, commandant des forces de sa Majesté à Chambly, sont clairs; intimider la population après l’insurrection en menant d’inutiles perquisitions dans les maisons et en usant d’autres techniques de harcèlement. »

Voilà pour les historiens canadiens anglais. Maintenant trois historiens canadiens français.

Normand Lester souligne l’agression britannique : « Il (Colborne) décide de provoquer les hostilités, d’obliger les patriotes à prendre les armes, alors qu’ils n’ont jamais envisagé le recours à la lutte armée. Il fait émettre une série de mandats d’arrestation contre vingt-six personnalités politiques, dont Papineau et Nelson. Ces mandats sont rendus publics le 16 novembre, après une nouvelle épuration chez les juges de paix.

Les patriotes sont condamnés soit à la résistance, soit à la soumission ignoble devant des ennemis qu’ils combattent démocratiquement depuis plus de quarante ans. Les Anglais de Montréal ont obtenu ce qu’ils voulaient depuis des années : le combat politique se transforme enfin en confrontration armée! Car tout constitutionnels qu’ils prétendent être, ils sont les seuls auxquels peut profiter la violence. Ils vont pouvoir enfin « se faire justice », comme le réclament The Montreal Gazette et The Montreal Herald. Manu militari, ils s’apprêtent à écraser ces démocrates canadiens-français qui s’obstinent à vouloir vivre libres.

Il y a plusieurs indications qui laissent croire à un complot à cet effet, ourdi par le général Colborne. Adam Thom et d’autres éléments antidémocratiques. L’historien Gérard Filteau évoque la provocation dans le cas des échauffourées du 6 novembre entre le Doric Club et les Fils de la liberté, prétexte utilisé par Colborne pour justifier l’émission de mandats contre les chefs patriotes; on envoie aussitôt des troupes à leur recherche…C’est le début de ce qu’on appelle aujourd’hui la Rébellion de 1837, qui n’était en réalité qu’une résistance improvisée à un coup de force que les Anglais préparaient depuis longtemps. » Le livre noir du Canada anglais, éditions Les Intouchables, pp. 90-91.

L’historien Gérard Filteau souligne lui aussi l’agression de Gore sans avertissement : « Il était environ neuf heures du matin lorsque la brigade de Gore toucha aux abords du village (Saint-Denis). À quelque distance, l’avant-garde avisa un jeune Patriote qui avait l’imprudence de se montrer à découvert dans un champ. Jugeant son attitude provocante, les soldats se hâtèrent de le coucher en joue. Dès qu’il fut tombé, quelques-uns de ces braves, saisirent son corps et le jetèrent à la rivière. Un second Patriote eut presque aussitôt le même sort. Ce furent là, de l’aveu de Christie et de Lysons, les premiers coups de feu tirés, et ce, sans aucun avertissement, sans aucune sommation. » Histoires des Patriotes, Éditions de l’Aurore, p. 328.

Je me permets de citer mon propre livre L’histoire criminelle des Anglo-Saxons, éditions Louise Courteau, qui est le fruit de recherches poussées sur les crimes commis par les Anglo-Saxons sur une période de quinze siècles partout sur la planète. « En 1837, Colborne fait arrêter deux patriotes par la Royal Montreal Cavalry. Bonaventure Viger va les libérer. Cette libération ne peut être invoquée comme un acte de rébellion.

Quant à l’émeute entre les Fils de la liberté et le Doric Club sur le Champ-de-Mars, elle ne pouvait être interprétée comme une insurrection appréhendée. Pourtant les Britanniques vont passer à l’attaque sans plus de justifications.

Le 23 novembre 1837, le colonel Gore de l’armée britannique, à la tête de 300 soldats, déclenche les hostilités en attaquant le village de Saint-Denis. Il faut bien souligner que cette attaque se fait sans avertissement ni déclaration de guerre. Pourtant 700 Patriotes mal préparés et mal armés les repoussent. Ce sera la seule victoire des Patriotes. » pp. 99-100.

J’ajoute ici un commentaire de mon cru. Si on jugeait la répression britannique de 1837, on pourrait accuser l’Angleterre de crimes de guerre.

Quelques autres commentaires en conclusion. À remarquer que même les historiens qui reconnaissent l’agression britannique contre les Patriotes continuent à utiliser les mots rébellion, soulèvement et insurrection alors qu’ils démontrent dans leurs textes qu’il n’y a pas eu de rébellion, tellement le vocabulaire du colonisateur vainqueur s’est imposé pour culpabiliser les colonisés. L’Église, violemment opposée aux Patriotes, s’est faite complice du colonisateur en publiant des manuels d’histoire qui utilisent ces mots mal choisis. Tous les colonisateurs de l’histoire ont fait bien sûr la même chose pour justifier leurs répressions, mais les crimes des uns ne justifient pas les crimes des autres. Il faut donc bannir ces mots de rébellion, de soulèvement, d’insurrection et les remplacer par le Mouvement démocratique des Patriotes.

Autre commentaire. Les Patriotes auraient pu remporter cet affrontement « à la vietnamienne » s’ils avaient réellement planifié une rébellion. Ils n’avaient qu’à utiliser comme les Indiens des flèches silencieuses et plus rapides que des fusils et surtout à pratiquer la guérilla ou guerre à l’indienne. En étant peu armés, mal préparés, les Patriotes faisaient la preuve qu’ils n’avaient aucune intention de se soulever contre le colonisateur.

Dernier commentaire. Il n’y aurait pas eu de honte si les Patriotes avaient été responsables d’une véritable rébellion ou insurrection. Au contraire, ce soulèvement aurait été tout à leur honneur. À l’exemple des Irlandais qui ont déclenché plusieurs rébellions contre l’occupant britannique, on pourrait dire que nos ancêtres n’étaient pas des soumis, qu’ils avaient du courage et de la fierté. Mais heureusement ou malheureusement, on ne sait, il n’y a pas eu de rébellion, il faut bien s’en tenir à la vérité historique, mais il y a eu très clairement une répression sanglante, punitive, féroce et non justifiée.

En terminant, ce document ne s’attache qu’à démontrer qu’il n’y a pas eu de rébellion, mais une agression britannique. Il ne prétend pas exposer tous les éléments historiques du Mouvement démocratique des Patriotes.

La prétendue Rébellion des Patriotes, qu’elle soit omise, mal nommée ou mal racontée, reste une falsification de l’histoire.

Normand Rousseau
Auteur de L’histoire criminelle des Anglo-Saxons
Éditions Louise Courteau

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