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VOUS POUVEZ LE DIRE EN FRANÇAIS

Rennes AirshowLa Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), rattachée au ministère de la Culture et de la Communication, mène actuellement une campagne de promotion dans certains médias sur le thème “Vous pouvez le dire en français“.  Elle dispose d’un site http://franceterme.culture.fr/FranceTerme/ qui fut inauguré en mars 2008 par la ministre de la Culture de l’époque, Mme Christine Albanel.  Qu’on se le dise !

La DGLFLF a notamment pour mission de coordonner l’action des différents acteurs qui concourent à l’élaboration des néologisme (telles la Commission générale de terminologie et de néologie, l’Académie française et les commissions techniques spécialisées) et de les faire connaître du public. C’est ainsi qu’en matière informatique ont été forgés, parmi d’autres, les concepts de courrriel, de navigateur ou de pirate.

En ces temps d’anglomanie, elle se heurte évidemment à des difficultés considérables pour faire accepter et utiliser ces néologismes, d’autant plus qu’elle dispose à l’évidence de moyens budgétaires fort modestes, certainement dérisoires par rapport à ceux des adversaires de la langue française. Les milieux d’affaires en général, leurs services de communication et de publicité en particulier, se moquent éperdument de savoir qu’ils “peuvent le dire en français“, comme le leur suggère la DGLFLF. Ils n’envisagent nullement de consulter le site “FranceTerme” dont, sauf exception, ils ignorent d’ailleurs l’existence plus de deux ans après sa création. Ce qu’ils veulent, désormais, c’est le dire en anglais, le plus souvent possible, car ils pensent que cela ne peut que servir leur promotion et leurs intérêts. La prochaine manifestation aérienne, qui se tient traditionnellement à Rennes en septembre, en apporte une nouvelle démonstration parmi tant d’autres. Ce n’est d’ailleurs plus, depuis quelque temps, un “meeting aérien“, comme autrefois (un mot français c’est encore trop), mais un “airshow” qui évoquera cette année l’épopée glorieuse non pas de la Bataille d’Angleterre, mais de la “Battle of Britain“, comme on peut le voir actuellement dans les rues de Rennes (on ne saurait imaginer affiches plus anglicisées pour une manifestation se déroulant dans la capitale de la Bretagne que celle reproduite en pièce jointe). Notons, à ce propos, qu’il n’en est plus guère, grande ou petite, qui ne se dote plus ou moins généreusement d’une dimension internationale. Un bon prétexte pour angliciser le logos commercial.

Mais l’action en la matière du ministère de la Culture et de la Communication n’est pas seulement entravée par les milieux économiques. Ceux-ci inspirent désormais largement l’action politique et il est des ministres qui déclarent ouvertement vouloir toujours plus d’anglais en France, sinon même faire de la France un pays bilingue. Tel est le cas de Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce qui lui a valu le prix de la Carpette anglaise 2008 “pour avoir déclaré que le français était une langue en déclin et qu’il fallait briser le tabou de l’anglais dans les institutions européennes, ainsi que dans les universités françaises, en rendant obligatoire l’enseignement intensif de cette langue au détriment de toutes les autres”. La ministre a réaffirmé sa fascination pour le modèle néolibéral américain (et sans doute aussi pour Wall Street) en déclarant tout récemment  (Le Journal du Dimanche du 18 septembre, http://www.lejdd.fr/Societe/Education/Actualite/Pecresse-Ne-plus-etre-a-la-traine-dans-les-classements-mondiaux-221057/ ) que son ambition pour les universités françaises était de les voir “rivaliser avec Harvard” ! Ce qui sous-entend, notamment, que cette dame souhaite que l’enseignement s’y fasse désormais en anglais. Singulière déclaration, en tous les cas, venant d’un ministre des universités qui situe ipso facto tous leurs diplômés en situation d’infériorité par rapport à ceux de Harvard, et pourquoi pas, aussi, de ceux de Yale, de Princeton, de Cornell, de Columbia, etc … (les universités qui viennent d’être citées appartiennent toutes à ce que les Américains appellent la Ivy League qui regroupe huit universités privées du nord-est des Etats-Unis parmi les plus anciennes et les plus prestigieuses).

On remarquera que Mme Valérie Pécresse compare les universités françaises, qui sont publiques, à celle de Harvard qui est privée (elle a été créée en 1636 à Cambridge, Massachusetts, et est considérée comme la plus ancienne institution d’enseignement supérieur des Etats-Unis). Une façon typiquement néolibérale d’affirmer implicitement la supériorité, dans le domaine de l’enseignement aussi, de la gestion par des capitaux privés. Il ne faut pas s’en étonner. Car tel est bien le discours entendu d’abondance ces dernières années dans lequel bon nombre de ministres (et aussi de hauts fonctionnaires) ne sont pas les derniers à expliquer qu’il y a trop d’Etat et que les privatisations sont une bénédiction (le credo néolibéral s’est évidemment fait beaucoup plus discret depuis deux ou trois ans sur le thème des privatisations et se focalise plutôt, actuellement, sur “la guerre déclarée aux déficits publics“).

Jean-PIerre Busnel
jpabusnel@wanadoo.fr

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