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VIGOUREUX COUP DE GUEULE

United DerbyPour une fois qu’un membre de la classe politique française dénonce l’anglomanie vivement, publiquement, on aurait bien mauvaise grâce à ne pas le citer volontiers. Il s’agit de M. Alain Juppé, ancien Premier ministre (de 1995 à 1997), maire de Bordeaux de 1995 à 2004 et, de nouveau, depuis 2006. Ce n’est pas un ministre en exercice qui ferait cela ! Mais il est vrai que M. Juppé est plus ou moins en retrait de la sphère politique désormais, qu’il est agrégé de lettres classiques et qu’il appartient à une génération où l’attachement à la langue française est encore généralement vivace. Toujours est-il qu’il vient de publier sur son “blog-notes” un vigoureux “coup de gueule” à ce propos, intitulé “Confusion intellectuelle” ( http://www.al1jup.com/?p=777 ). En voici un extrait :

American Car Wash“… La véritable explication de l’actuelle épidémie de “franglais”, c’est, selon moi, le snobisme : comme nous parlons mal l’anglais (cf. supra), il est plus facile, pour donner le change, d’émailler notre conversation de mots anglais qui font chic. Mainstream… Autre exemple : cette publicité d’une grande marque automobile qui vante les mérites de son véhicule… “energy saving”, comme si, pauvres couillons de consommateurs français, nous ne savions pas ce qu’économiser l’énergie veut dire.  Grotesque ! La mondialisation, ce n’est pas l’américanisation universelle. C’est la diversité. Y compris la diversité linguistique …“.

Le fait de “truffer notre français de mots empruntés à l’anglais” est bel et bien, comme le dit l’auteur, parfaitement “ridicule“. Dans l’immense majorité des cas cela ne correspond, en effet, strictement à aucune utilité, à aucune nécessité, à aucune rationalité. Pour la bonne raison que les mots anglais mêlés en vrac aux mots français dans une sorte d’ébauche de bilinguisme de bazar, utilisés à profusion sur le territoire français par les milieux commerciaux essentiellement mais pas seulement par eux car le mimétisme anglomaniaque (notons que M. Juppé parle d'”épidémie“) n’épargne plus grand monde désormais, ne sont nullement destinés à des anglophones qui ne comprendraient pas un mot de français, mais à des … francophones (et peu importe que ces derniers ne les comprennent pas – ce qui est souvent le cas -, on ne se donnera surtout pas la peine de les traduire en français). Le but visé est tout simplement d’essayer de développer les chiffres d’affaires et de valoriser les images. Et pour cela, disent, unanimes, les “créatifs” de la publicité et de la communication, il importe, autant que faire se peut, de cacher les mots français, qui on fait leur temps, qui sont suspects, à l’heure de la globalisation, d’exprimer un penchant rétrograde pour le “repli identitaire“, tandis que, à l’inverse,  en faisant généreusement étalage d’un vocabulaire riche de quelques … dizaines de mots anglais, on serait bien de son temps, invariablement à la mode, à l’avant-garde du mouvement de la société, “branché“, ouvert aux autres et “moderne”.

VolleyBauleLes trois clichés ci-joints, choisis parmi une foule d’autres, en témoignent sans ambiguité aucune. Les deux premiers ont été pris à la Baule cet été (comme dans tous les territoires à vocation touristique, l’anglomanie y atteint depuis longtemps déjà des sommets). J’ai beaucoup circulé dans cette région au mois de juillet. J’ai constaté que les touristes anglophones y étaient, cette année encore, fort peu nombreux. Le troisième cliché (“American car wash“) représente une publicité récente pour une entreprise de lavage de voitures installée en périphérie de la ville de Rennes. La raison sociale n’est pourtant pas vraiment celle d’une multinationale ayant vocation à s’implanter dans le monde entier ! Mais peut-être espère-t-on séduire les automobilistes rennais sensibles au “rêve américain” en leur donnant à bon compte l’illusion qu’ils vont faire laver leur voiture non loin de Wall Street (qui continue, on se demande bien pourquoi, d’en fasciner plus d’un), dans une station de Brooklyn par exemple (l’une des cinq circonscriptions de la ville de New-York, comme chacun sait, dont la devise est d’ailleurs écrite en … néerlandais, ce qui est sans doute beaucoup moins connu, y compris des anglomaniaques les plus déterminés).

Jean-Pierre Busnel

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