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PAS DE “FORTUNEO STADIUM” À RENNES

Il y a une quinzaine de jours, les dirigeants du Stade Rennais Football Club (propriété, depuis 1998, de l’homme d’affaires François Pinault) ont fait savoir que l’accord commercial envisagé avec le groupe Crédit Mutuel-Arkéa, divulgué par la presse au lendemain de la finale de la Coupe de France de Football, était “reporté” (voir mon courriel du 11 mai à ce sujet). Ledit accord prévoyait, notamment, que l’enceinte où évolue depuis des lustres le Stade Rennais, connu dans les milieux sportifs sous la dénomination de “stade de la route de Lorient“, serait baptisée “Fortuneo Stadium” (Fortuneo étant le nom de la banque en ligne et courtier de ce groupement du Crédit Mutuel). Cela ne se fera donc pas. Du moins à court ou moyen terme car, en ces temps de “bougisme” frénétique, “il ne faut jurer de rien” (comme dit le proverbe qui sert de titre à une pièce célèbre d’Alfred de Musset écrite en 1836). Il est hautement probable que ce projet de “naming“, l’un des premiers en France, n’est pas pour rien dans cette annulation. Il a en effet entraîné une levée de boucliers, en particulier, comme il fallait s’y attendre, parmi les supporters (qui n’avaient pas été consultés). L’opposition municipale avait également fait état de son hostilité (selon la presse régionale, la nouvelle municipalité, pourtant du même bord politique que l’ancienne, avait donné son accord tacite à l’opération qui était en négociation depuis plusieurs mois).

Il y a une leçon à retirer de cette affaire. Toutes ces manifestations anglomaniaques sont inspirées par des considérations commerciales, et par elles seules. C’est parce que les milieux d’affaires promoteurs ne rencontrent pas plus de réactions hostiles qu’ils se croient autorisés à chasser impunément, petit à petit, la langue française de son territoire. Mais on voit bien qu’une réaction défavorable, surtout si elle a une dimension populaire, est de nature à les faire reculer. Si les Français en général étaient moins endormis, moins passifs, moins pusillanimes, moins vulnérables à l’intoxication publicitaire et politico-médiatique, le raz-de-marée anglicisant n’aurait pas atteint le niveau qui est déjà le sien. Car, sauf exception, ce n’est pas des “élites” (surtout marchandes), ce n’est pas des classes sociales favorisées qu’il faut attendre un sursaut en la matière. On voit bien qu’elles sont résignées, depuis longtemps déjà, à l’abandon progressif de la langue française parce qu’elles le croient inévitable ou même, le plus souvent semble-t-il, parce qu’elles le jugent souhaitable.

Les élections politiques, c’est, dit-on, la parole donnée au peuple. Constatons, à ce propos, que la question linguistique aura été, une fois de plus, comme de coutume, totalement absente de l’actuel débat relatif aux élections 2009 au Parlement européen (un débat qui, du reste, cette fois encore, semble n’avoir guère intéressé que les milieux politico-médiatiques, au point qu’il n’est pas impossible qu’un nouveau record d’abstention soit battu, en France, dimanche prochain). Un silence d’autant plus stupéfiant, d’autant plus regrettable, que la construction européenne, telle qu’elle est conduite, fait peser, elle aussi (elle n’est certes pas la seule), de lourdes menaces sur l’avenir de la langue française, comme d’ailleurs sur toutes les langues nationales de l’Union européenne autres que l’anglais. Mais de cela, décidément, la classe politique française, dans son immense majorité, ne veut pas entendre parler. Elle n’en a cure. Le sujet est du reste totalement absent des programmes des grandes formations (le PS et l’UMP notamment), les seules à l’évoquer plus ou moins étant le Modem et le mouvement Debout la République (notons, aussi, la présence d’une liste “Europe Démocratie Espéranto” qui préconise l’usage de l’espéranto comme langue commune européenne “pour protéger nos langues“). Il ne fait décidément plus aucun doute que non seulement les nouvelles générations dirigeantes n’ont pas la moindre politique en matière linguistique, mais encore qu’elles n’ont même plus l’idée qu’il faudrait en avoir une.

Jean-Pierre Busnel
jpabusnel@wanadoo.fr

PS Restons dans le domaine du sport, l’un des plus anglicisés qui soient du fait de son cosmopolitisme et de la main-mise des milieux d’affaires sur son secteur professionnel (les deux facteurs étant évidemment très liés). Se déroule en ce moment à Paris le grand tournoi de tennis dit des “Internationaux de France 2009 de Roland-Garros” auquel participe M. Roger Federer, considéré comme l’un des plus grands joueurs de l’histoire et l’un des grands favoris de ce tournoi. Lorsque les commentateurs sportifs français citent son nom, ils s’attachent à prononcer Roger à l’anglaise, alors que M. Federer est suisse, né à Bâle, et qu’il est un parfait francophone. Le mimétisme anglomaniaque a indiscutablement, dorénavant, un côté obsessionnel, proprement délirant !

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