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COMBIEN ÇA COÛTE DE SE FAIRE COLONISER?

Objet : Stages "gratuits" d’anglais : combien ça coûte de se faire coloniser ?

Réaction à un article de Le Bien Public :

"Lycée Prieur de la Côte-d’Or
Stage d’anglais intensif : une opportunité pour les élèves"
http://www.bienpublic.com/actu/valsaone/20090227.BPA5913.html

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Stages "gratuits" d’anglais : combien ça coûte de se faire coloniser ?

Complexé par son niveau d’anglais qui, comme celui de Sarkozy (1), amuse certains humoristes, le ministre de l’Éducation nationale se fait complice d’une véritable colonisation de notre pays. Ces stages sont soi-disant gratuits. Certes, mais il y a bien quelqu’un qui, au bout du compte, paie ce gâchis : le contribuable (2). Et ceci pour une seule des 38 variantes reconnues de l’anglais. Combien ça coûte de se faire coloniser ? Il est souhaitable que des journalistes se penchent sur cette question.

Des enseignants anglais viennent en France, mais il n’y a pas réciprocité. Quand exigera-t-on que, pour un enseignant anglais en France ou dans un autre pays de l’UE, il y aura un enseignant de France, ou d’un autre pays de l’UE, en Grande-Bretagne ? Là, il sera enfin possible de parler d’une construction équitable et équilibrée de l’Union européenne. Dans le cas présent, il ne s’agit pas d’une union, mais d’une mainmise, avec des complicités au plus haut niveau, sur l’UE par l’un des États-membres dont la population ne représente qu’environ 12% de celle de l’Union. C’est ça la démocratie, quand un seul des partenaires tire parti à 100% des ressources de la langue privilégiée ? L’académicien, philosophe et historien des sciences Michel Serres a dit en diverses occasions, entre autres dans “Le Nouveau Quotidien” (Lausanne, Suisse, 1.12.1992) : “Actuellement, les savants, les publicistes, les journalistes parlent anglais. On voit sur les murs de Paris beaucoup plus de mots anglais qu’on ne voyait de mots allemands pendant l’Occupation." Il n’y a pas que sur les murs de Paris : dans toutes les écoles. Durant l’Occupation, même les pires collabos n’ont pas poussé à un tel point à l’apprentissage de l’allemand.

Le ministère de l’Éducation nationale n’a pas tenu compte du rapport qu’il avait commandé au professeur François Grin (3), professeur à l’Université de Genève, et qui a été publié en 2005 sous le titre “L’enseignement des langues étrangères comme politique publique“ (4). Ce rapport, qui proposait d’autres voies, est accablant pour la politique du tout-à-l’anglais vers lequel pousse aveuglément le ministre actuel pour qui le mot “langues“, au pluriel, est très singulier : “English only".

Nombreuses sont les annonces d’emploi pour des fonctions de haute responsabilité et de décision, donc influentes, pour lesquelles il est exigé d’être natif anglophone : “English mother tongue only“ (5) c’est-à-dire pour lesquelles un Darcos ne fait pas l’affaire. Respectivement PDG de Renault et de Sanofi-Aventis, Louis Schweitzer et Jean-François Dehecq sont revenus du tout-anglais. Même Emmaüs se livre à cette course à l’à-plat-ventrisme (terme utilisé par l’écrivaine québécoise Denise Bombardier), comme s’il fallait privilégier les privilégiés de la communication (6).

L’anglais est tout aussi désastreux sur le plan propédeutique, c’est-à-dire comme enseignement préparatoire. C’est de l’anti-pédagogie. Contrairement à maintes affirmations, l’accès à un niveau convenable dans cette langue est difficile. Même Claude Hagège le reconnaît. Charles Dickens s’en plaignait. Les locuteurs de l’anglais sont les plus exposés à la dyslexie. En Europe, les petits Anglais sont les derniers à savoir lire. La Simplified Spelling Society (6) préconise sa simplification. Mais le problème d’équité n’en serait pas résolu pour autant.

L’anglais est en premier lieu une langue NATIONALE. Il représente une forme d’apartheid linguistique : la langue est comme la couleur de peau que l’on a dès sa naissance. Souvenons-nous de l’expression méprisante "Speak White !" (8) équivalant à traiter quelqu’un de négro. La discrimination linguistique existe tout autant que la discrimination raciale. Elle est tout aussi condamnable.

Henri Masson

Coauteur de "L’homme qui a défié Babel" (9)

1. http://www.dailymotion.com/video/x1x63e_sarkozy-parle-anglais-enfin-essaye_politics
2. Voir "Le défi des langues — du gâchis au bon sens". Claude Piron. Paris : L’Harmattan.
3. http://www.unige.ch/eti/ecole/organisation/departements/dfr/dfr-corps-enseignant/pages-personnelles/francois-grin.html
4. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/054000678/index.shtml
5. http://www.mef.qc.ca/english_mother_tongue_only.htm
6. http://www.babels.org/forum/viewtopic.php?p=1598
7. http://www.spellingsociety.org/index.php
8. http://fr.wikipedia.org/wiki/Speak_White
9. Paris : éd. L’Harmattan. http://www.esperanto-sat.info/article1010.html

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Ces informations sont librement utilisables, de préférence avec mention de la source.
Henri Masson
http://www.ipernity.com/home/32119
espero.hm(ĉe)wanadoo.fr

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