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RÉSISTANCE AU PROTOCOLE DE LONDRES

Une attaque en règle contre la langue française et contre le pluralisme linguistique vient d’être lancée par plusieurs de nos ministres, qui prônent la ratification du protocole de Londres sur les brevets européens.

Nous vous demandons d’adresser ou de transmettre les documents joints aux personnalités (député, sénateur, maire, chef d’entreprise, écrivain, journaliste) et aux rédactions des médias que vous connaissez.

Si un article est publié, merci d’en adresser copie à Alain Patry, membre de DLF, qui a organisé ce comité de soutien, présidé par Claude Hagège : www.comite-contre-protocole-londres.eu

Nous ajoutons à cet envoi, l’article paru ce jour dans Le Monde sous la signature de M. Jacques Myard, député des Yvelines, et M. Christian Derambure, Président de la Compagnie nationale des Conseils en propriété industrielle.

Marceau Déchamps
vice-président
Défense de la langue française
http://www.langue-francaise.org


Edition du 25 juillet 2007

Politique des brevets ou marché de dupes, par Jacques Myard et Christian Derambure

A propos de la politique européenne des brevets, la ministre de l’enseignement et de la recherche et le secrétaire d’Etat aux affaires européennes se sont exprimés récemment en faveur de la ratification du protocole de Londres (Le Monde du 12 juillet). Leur argument principal : cette ratification, par les économies qu’elle permettrait, ne pourrait que relancer l’innovation des PME. Argument de bon sens, nous disent les partisans du protocole : toute économie devrait être bonne à prendre. Pourtant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que cet accord est loin d’être aussi favorable qu’on pourrait le penser.

En premier lieu, on ne peut qu’être étonné d’une relance de ce dossier vieux de plus de sept ans au moment même où la convention sur le brevet européen est refondue en profondeur – le brevet européen existe depuis 1978. Cette refonte entrera en vigueur le 13 décembre 2007 et transforme radicalement la portée juridique du protocole de Londres.

En effet, pour la première fois, le propriétaire d’un brevet européen délivré pourra modifier à tout moment et pendant toute la vie de son brevet l’étendue de sa protection – définie par les revendications – à partir de ce qui figure dans la description, et cela sans aucun contrôle de fond par l’Office européen des brevets (OEB). Jamais donc, dans l’histoire des brevets, la description – qui ne serait plus traduite en application du protocole de Londres – n’aura joué un rôle aussi fondamental. Il devient, en conséquence, indispensable que les brevets délivrés en anglais ou en allemand soient traduits en français dans leur intégralité (description comprise), sous peine d’une insécurité juridique qui se révélerait à terme dramatique pour les entreprises françaises. Les conséquences du protocole de Londres sont dangereuses pour nos entreprises. Certains ne s’y sont pas trompés, comme l’Irlande, l’Italie ou encore l’Espagne, qui ont pris la décision de ne pas adhérer au protocole de Londres.

En second lieu, les économies potentielles resteront faibles. A peine quelques pour cent du coût d’un brevet européen. Les entreprises françaises devront quoi qu’il en soit faire traduire leurs brevets en anglais, ne serait-ce que pour se protéger aux Etats-Unis. Elles devront également continuer à produire des traductions pour les pays d’Europe ayant pris la décision de ne pas adhérer. Des pays comme la Suède ou le Danemark ont indiqué qu’ils exigeront une traduction des revendications dans leur langue nationale, la description devant quant à elle être disponible en anglais. Enfin, au-delà des traductions, les entreprises continueront à s’acquitter des taxes officielles ponctionnées par l’OEB et qui représentent l’essentiel des coûts. Pour un brevet moyen protégeant six pays sur vingt ans, le coût des traductions représente tout au plus 10 %, sur un total de l’ordre de 70 000 euros, dont près de 75 % correspondent aux seules annuités de maintien en vigueur.

Il est en outre faux de penser que le fait d’abaisser les coûts permettra de relancer les dépôts d’origine française. Le coût d’un brevet français est déjà deux fois inférieur à celui des brevets des autres grands pays. Cela n’a à l’évidence pas permis de multiplier les premiers dépôts en France, alors que les protections d’origine étrangère sur le territoire français ne faisaient quant à elles qu’augmenter. En réalité, n’en déplaise au Medef, les causes principales du déficit sont parfaitement connues. Elles résident d’abord dans une recherche et développement française (R & D) privée notoirement insuffisante. D’autres causes aussi sont probablement à rechercher dans un manque de confiance dans le système judiciaire réprimant la contrefaçon, ou dans l’absence de moyens humains dédiés à la diffusion de la "culture brevets", ou, encore plus grave, dans un enseignement de la propriété industrielle largement insuffisant, contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis.

Le protocole de Londres n’améliorera en rien la situation en France. Pire, il introduit de nouveaux déséquilibres, puisqu’il transfère le coût de la traduction du titulaire du droit à ceux auxquels ce droit est opposé. Inéquitable et choquant ! Le protocole de Londres est une aubaine extraordinaire pour les non-Européens qui mènent des stratégies de dépôts massifs comme les Américains, les Japonais et demain sans nul doute les Chinois et les Indiens. On est loin de la réciprocité pourtant si chère à notre nouveau président : aucun des pays dont sont originaires les grands acteurs précités ne prévoit évidemment que des brevets en une langue étrangère aient force de loi sur son territoire.

Les entreprises françaises qui voudront rester à armes égales avec leurs concurrents n’auront pas d’autres choix que de déposer elles aussi directement leurs textes de brevets en anglais auprès de l’OEB. Un recul énorme pour la place du français dans le monde à l’heure où Google a mis en ligne, gratuitement, tous les brevets américains, et annonce qu’il continuera avec les autres brevets, notamment européens.

D’un point de vue économique, il ne faut pas se leurrer : le basculement au tout anglais vers lequel nous irions constituerait un handicap supplémentaire. Nous le savons, les Français sont loin de posséder une parfaite maîtrise de la langue de Shakespeare, surtout quand il s’agit d’allier expression technique et finesse juridique.

Les thuriféraires du protocole de Londres croient naïvement que la France s’attirera les bonnes grâces de ses partenaires. Quelle illusion ! Cet accord est un marché de dupes.


Jacques Myard est député (UMP) des Yvelines.

Christian Derambure est président de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle.


Documents joints

Appel – Alain Patry
Comité de soutien contre le protocole de Londres

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