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HARCELÉ À L’AÉROPORT

À L’ATTENTION :

* de la Direction des langues officielles d’Air Canada louise.mcevoy@aircanada.ca

* du Commissaire des langues officielles message@ocol-clo.gc.ca

* de la Commission canadienne des droits de la personne info.com@chrc-ccdp.ca

* de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien nada.nasrallah@catsa.gc.ca

Mesdames,
Messieurs,

Le 1er août 2007, un peu avant 14 h 00, je me présentai à la porte 12 de l’aéroport de Halifax pour le vol numéro 689 d’Air Canada, à destination de Montréal. Je ne m’attendais guère à l’extrême harcèlement auquel j’aurais droit pour avoir eu le culot de m’exprimer dans la langue de Molière.

L’agent d’embarquement — dans la cinquantaine, cheveux gris, lunettes couleur argent — faisait ses annonces en anglais seulement. (En passant il faut dire que les annonces du vol 735 de WestJet se firent en anglais seulement aussi.) Je lui demandai poliment (en français) de les faire en français. Il ne parlait pas cette langue, ni n’intervint-il pour chercher de l’aide linguistique. Quand j’ai demandé son nom, toujours en français, une passagère anglophone assise à côté — grosse, cheveux brun pâle, grandes lunettes — cria sur un ton strident « He’s asking for your name, and you don’t have to give it to him » (« Il demande votre nom, mais vous n’êtes pas obligé de le lui indiquer »). Je continuais à m’adresser en français à l’agent. Quand un autre passager proposa en français de me servir d’interprète, je répondis que je comprenais tout à fait l’anglais mais que ce ne fut pas là la question, que je voulais un service en français comme il faut. Sur ce, la passagère, tout fâchée, se leva d’un bond et vint m’agresser, le poing levé, me criant sans cesse, et comme une folle, « Vous parlerez avec monsieur en ANGLAIS ! Si vous parlez anglais, parlez-lui en ANGLAIS ! » J’ai dit : « Madame, ne mêlez-vous pas de mes affaires, s’il vous plaît ». Elle ne cessa de chialer à mon endroit. Elle fit tout une scène en m’ordonnant agressivement en français de speak white avec monsieur l’agent. Elle criait en anglais comme quoi « They’re all like that! I live in Montréal, and they always insist that we speak French » (« Ils sont tous comme ça ! Moi j’habite à Montréal, et ces gens-là insistent toujours que nous y parlions français »). L’agent réponda : « Well, *I* live in Halifax, and I don’t speak French » (« Alors moi j’habite à Halifax et je ne parle pas français »).

L’agent d’embarquement m’a-t-il protégé de cette agression ? Nenni, bien au contraire : il encourageait la passagère ! Au moins un autre passager donnait raison à madame avec une volée d’insultes à l’endroit des francophones. C’est sûr que la foule anglophone se fomente facilement contre un francophone qui ne se plie pas…

J’aurais voulu que l’agent appelât la sécurité ou bien la police afin de me protéger. En fait, il les appela, mais pour se plaindre de moi, pas de madame ! Quand je sortis un crayon pour noter le numéro de sa carte d’identité, il se mit à me menacer en anglais : « Do you want me to call security? Do you want me to call the police? » (« Voulez-vous que j’appelle la sécurité ? Voulez-vous que j’appelle la police ? »). Il cacha sa carte d’identité derrière le dos. Il ne me permettait pas d’embarquer sur l’avion mais se moquait de moi avec son camarade. J’eus droit à une kyrielle d’insultes et d’abus exprimés ouvertement, et devant tous les passagers, dans l’assurance que « We’re free to talk about him, since he doesn’t understand English » (« On peut parler librement de lui, vu qu’il ne comprend pas l’anglais »). (Quelle lâcheté : il ose m’insulter dans une langue qu’« il ne comprend pas » mais cache sa carte d’identité quand je souhaite la lire pour porter plainte !) Par la suite il appela un agent francophone de la sécurité et demanda par voie informatique qu’on retire ma valise de l’avion. Il imprima les instructions d’annulation de mon billet et me montra les feuilles en disant « I’m going to have you kept off the flight » (« Je vais vous faire barrer du vol »). Il justifia cela avec les mots « He’ll cause problems at 25,000 feet » (« À l’altitude de 25 000 pieds il provoquerait des difficultés ») ; son camarade se dit d’accord. Je restai coi en attendant l’arrivée de l’agent de sécurité, une attente de quelque vingt minutes. Entre-temps, il disait à son camarade : « We’ve had this jerk before, haven’t we? » (« Ce n’est pas la première fois qu’on a vu ce saligaud, n’est-ce pas ? ») et « Wasn’t he taking photographs the last time?» (« Ne prenait-il pas des photos la dernière fois ? »). (Ce n’aurait pas été moi avec l’appareil-photo mais je suis bien content qu’au moins une autre personne fait valoir nos droits linguistiques.)

Enfin l’agent de sécurité, M. Alex Shaw, numéro d’identification 82904, arriva. L’agent d’embarquement lui dit de moi que « He refuses to converse with me in English » (« Il refuse de converser avec moi en anglais ») et lui demanda d’annuler mon billet parce qu’il croyait que certains passagers ne seraient pas contents de ma présence. M. Shaw m’aborda dans un excellent français : « Monsieur, comment allez-vous ? ». Je lui dis que je n’allais pas bien du tout à cause du harcèlement par l’agent d’Air Canada, que je voulais un service en français mais que l’agent refusait de l’offrir, qu’il n’avait pas non plus cherché de l’aide linguistique, qu’il avait permis à une passagère de m’agresser, qu’il a refusé de me donner son nom et a même caché sa carte d’identité derrière le dos (comme M. Shaw pouvait toujours le constater) et qu’il m’insultait et me menaçait sans cesse. M. Shaw semblait me donner raison et s’apercevoir que l’histoire comme quoi la personne on ne peut plus polie devant lui posait un danger avait été inventée de toutes pièces. Il prit le microphone pour faire lui-même l’annonce d’embarquement en français, bien que tous les autres passagers fussent déjà sur l’avion, et demanda aux deux agents de me faire embarquer sur-le-champ. Je remerciai M. Shaw de son intervention.

Mais ma valise n’arriva pas — l’agent d’embarquement l’avait fait retirer sans la faire remettre — et je ne l’ai pas reçue pendant deux jours au complet (bien qu’on m’ait appelé le jour même vers 22 h 00 pour dire qu’elle avait été remise à un chauffeur de taxi qui me l’apporterait directement). En fait je dus attendre à la maison le lendemain pendant toute la journée et toute la soirée pour la recevoir enfin à 23 h 45. (D’ailleurs on ne l’eut pas embarquée non plus la veille lors de mon vol à Charlottetown et donc pendant trois jours je n’ai pas eu mes vêtements, ma brosse à dents, mon rasoir ni mes autres choses. Air Canada n’a proposé aucune rémunération pour cet extrême retard.)

Comme tout autre aéroport qui reçoit plus de un million de passagers par année, celui de Halifax est obligé par la loi à offrir ses services tant en français qu’en anglais. Ainsi Air Canada contrevint à mes droits linguistiques en me harcelant, m’humiliant, m’agressant et m’incommodant avec des inconvénients tout à fait indus. Je communiquerai bientôt avec Air Canada afin de négocier une rémunération adéquate pour toute l’humiliation et tous les inconvénients que j’ai essuyés, ainsi que d’autres conditions pour corriger cet incident. J’ose espérer que le CLO mettra en priorité la situation de non-respect, voire de harcèlement, des francophones par Air Canada, situation qui perdure depuis trop longtemps. J’invite à me rejoindre toute personne intéressée par ces questions.

À noter également que je serai de nouveau à Halifax d’ici quelques semaines et que je n’accepterai point que la situation se reproduise.

Daignez recevoir, Mesdames, Messieurs, l’expression de ma haute considération.

Scott Horne
Montréal

c. c. :

* Impératif français
* le Mouvement estrien pour le français
* d’autres personnes intéressées

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