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FLIQUÉ À L’AÉROPORT POUR SON ACCENT

À : message@ocol-clo.gc.ca; info.com@chrc-ccdp.ca;

À L’ATTENTION :

* du Commissaire des langues officielles
* de la Commission canadienne des droits de la personne
* de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien

Mesdames,
Messieurs,

Le 31 juillet 2007, à 14 h 00, je me présentai au poste numéro 4 du contrôle de pré-embarquement à l’aéroport de Montréal. « Harold », 170 cm, rondelet, dans la cinquantaine, cheveux gris, lunettes couleur argent, voulait contrôler mon ordinateur. Ayant demandé ma carte d’embarquement il lit le nom à vive voix puis passa à l’anglais :

– Patrick Horne … Do you prefer to speak English? [Préférez-vous parler anglais ?] – Plaît-il ?

Étonné, il réponda :

– Do you speak English better than French? [Parlez-vous l’anglais mieux que le français ?] – Mon français est-il si mauvais ?

Sur ce, me regardant d’un œil désapprobateur (comme si j’étais très naïf), répondit-il :

– You *do* have an accent. [Mais vous avez certainement un accent.]

Puis il continua en anglais pour me demander de lui montrer le clavier de l’ordinateur. J’interrompis pour demander :

– Est-ce que je n’ai pas le droit de parler français ?

Il répondit en riant :

– Oui, oui, vous avez tout à fait droit à parler français.

Et il termina rapidement son contrôle, m’abandonnant sans rien dire.

Je restai au comptoir pour écrire quelques notes afin de porter plainte, parce que le Commissaire des langues officielles m’a souvent demandé les détails des personnes qui sont contrevenus à la loi en me privant d’un service en français. Pour ne pas oublier ces détails, je sortis un bloc-notes pour écrire rapidement une description de M. Harold, des lieux et de l’heure. Deux ou trois minutes suffirent pour noter ces précisions.

En quittant le poste de contrôle je fus intercepté par « Caroll », de petite taille, cheveux brun pâle frisés, suivi de près d’un agent de la sécurité qui resta coi pendant notre discussion :

– Excusez, monsieur, je voudrais lire les notes que vous écriviez tout à l’heure.
– Mes notes ?
– Oui, montrez-les-moi, s’il vous plaît.
– Pourquoi ?
– Je voudrais savoir qui vous êtes.
– Je suis un passager qui vient de passer au contrôle et qui se croyait libre à chercher la porte de son vol. Est-ce qu’il y a autre chose ?
– Non, c’est juste pour savoir pourquoi vous écriviez des notes.
– C’est mes notes personnelles et je ne suis par certain d’être obligé de vous les montrer.
– Non, je voulais juste savoir si je pouvais vous aider. Je suis superviseure ici.
– En fait, en tant que superviseure vouz pouvez m’aider peut-être. Je veux porter plainte à l’endroit de M. Harold au poste numéro 4 qui s’obstinait grossièrement à me parler en anglais, même quand j’ai exprimé ma préférence de parler en français.

Dit Mme Caroll, bien étonnée :

– Il vous parlait en anglais ?… Pourtant c’est un Français !

(Je présume qu’elle voulait dire Québécois francophone.)

Je racontai l’incident. Je dis également qu’en tant qu’immigrant je percevais cela comme une gifle, une insulte, un rejet et un geste d’exclusion, que j’ai fait un grand effort pour apprendre la langue de la collectivité québécoise et que je ne croyais pas du tout que mon niveau de français fût inadéquat pour les fins d’un simple contrôle de sécurité.

Répondit Mme Caroll :

– En fait vous parlez mieux que bien des gens !

Je pris l’occasion pour dire que j’ai été demi-finaliste quatre fois sur quatre à la Dictée des Amériques et que je me serais même qualifié pour la grande finale internationale il y a deux ans dans la catégorie de seniors professionnels de la langue française. Il est clair et net que j’ai un accent (que certains croient pourtant belge, suisse ou bien français), mais cet accent ne posait pas de difficultés de communication jusqu’à ce que M. Harold a lu sur ma carte d’embarquement Patrick Scott Horne et non pas Jean Tremblay, ce qui, sembla-t-il, se traduisit chez lui par un refus de me parler en français.

De plus, j’exprimai mon avis que le contrôle de pré-embarquement n’est pas une occasion de contrôler la correction du langage ni de vilipender les passagers pour leurs aptitudes linguistiques. Pour terminer, je dis que dans un aéroport désigné bilingue français-anglais c’est le client qui décide la langue de service et que l’agent n’a pas de quoi remettre en question cette préférence, d’autant plus quand il parle ladite langue.

Mme Caroll m’invita à écrire une plainte sur-le-champ, s’avouant prête à m’aider. Je dis que je le ferais avec plaisir sauf qu’il n’y avait pas assez de temps avant le départ de mon vol. Je demandai si je pourrais lui faire parvenir les précisions par la suite et elle dit oui. Elle dit de surcroît qu’elle en parlerait avec M. Harold et qu’elle trouvait son comportement inacceptable, que la qualité de mon français n’est pas en question lors d’un contrôle de la sécurité à l’aéroport. Je la remerciai de son aide.

Cette expérience m’a beaucoup choqué. Même trois jours plus tard je n’en reviens pas. Primo, un agent m’impose l’anglais à l’encontre de ma préférence clairement exprimée à plusieurs reprises et m’insulte pour la qualité de mon français. Deuzio, le contrôle terminé, deux autres agents m’arrêtent pour lire mes notes personnelles.

S’il est nécessaire de compromettre son intimité pour des fins de la sécurité des vols, il ne l’est pas du tout pour des questions strictement personnelles liées à ses origines. Au contrôle de pré-embarquement je suis prêt à ouvrir ma valise mais pas ma vie entière. Les agents qui sont obligés, dans le cadre de leur travail, à compromettre l’intimité de la personne devraient le faire de façon respectueuse afin de garder au minimum leurs interventions ; il ne sont pas autorisés à fureter à volonté. Je ne crois pas non plus que les agents de sécurité à l’aéroport aient le droit de lire mes documents sans mandat de perquisition.

Un jour plus tard, soit le 1er août 2007, je revins à Montréal vers 15 h 00.
Pour des raisons que j’expliquerai dans une prochaine lettre, ma valise avait été retirée à dessein de l’avion par un employé anti-français d’Air Canada à Halifax. Quand les bagages de mon vol furent tous sortis et que j’attendais ma valise encore, « Maréchal » vint me diriger, en anglais, vers le comptoir de plaintes pour les bagages perdus. Je lui demandai :

– Ne parlez-vous pas français ?
– Si, je le parle !
– Pourquoi donc m’aborder en anglais ?

M. Maréchal se mit à rire mais ne dit rien. Je continuai :

– Je croyais être arrivé à Montréal. Suis-je arrivé par erreur à Londres ? à Manchester ? à Salt Lake City, peut-être ? à Brisbane, en Australie ?

Il se rit de moi mais ne répondit pas.

Je trouve très insultant sa présomption qu’une personne à l’aéroport de Montréal parle l’anglais et non le français. M. Maréchal ne savait rien de mes compétenes linguistiques, donc il aurait dû m’aborder dans la langue de la société, à savoir le français, qui d’ailleurs semblait être sa langue maternelle. Cette habitude de parler d’abord, voire exclusivement, en anglais favorise l’anglicisation du Québec et abaisse le fait français. Pour une question de courtoisie ou de ses responsabilités selon les règlements, l’aéroport peut bien offrir un service supplémentaire en anglais ou dans d’autres langues estimées importantes pour la clientèle qu’il dessert.
D’après la Charte de la langue française, par contre, c’est la langue de Molière qui devrait prévaloir, et les employés, du moins ceux qui communiquent avec le grand public, devraient parler français, tant avec le public qu’avec les autres employés.

Par les présentes je porte officiellement plainte contre M. Harold, pour son comportement insultant et son refus illégal de me servir dans la langue officielle de ma préférence (qui d’ailleurs est aussi sa langue maternelle) ; contre Mme Caroll, pour m’avoir intimidé avec une demande probablement illégale sans m’expliquer son autorité ni mes droits de refuser sa demande ; contre M. Maréchal, pour m’avoir abordé en anglais ; et contre l’ensemble du service de sécurité à l’aéroport de Montréal, pour son refus de faire du français la langue de travail. Je m’estime aussi victime de la discrimination à cause de mon origine nationale et ethnique et la langue que je parlais, de même que du harcèlement pour avoir surveillé le service de contrôle aérien et écrit des notes à son égard. Je demande également de connaître les mesures concrètes que prendront les divers organismes impliqués pour corriger cette situation affreuse et protéger les droits des personnes désirant parler français à l’aéroport de Montréal. Je souhaite recevoir les excuses formelles des parties responsables ainsi qu’un redressement adéquat pour l’humiliation, les insultes, la discrimination, l’intimidation et le harcèlement que j’ai dû souffrir lors d’un simple contrôle de la sécurité.

Dans l’attente de vos interventions favorables, je vous prie de recevoir, Mesdames, Messieurs, l’expression de ma très haute considération.

Scott Horne
Montréal
shorne@hornetranslations.com

c. c. :
* Impératif français
* le Mouvement estrien pour le français
* d’autres personnes intéressées

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