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MAIS OUI, LA TERRE EST RONDE !

Mais oui, la Terre est ronde !

Par Louis Bernard, le 01 novembre 2006

Ne trouvez-vous pas révélatrice toute cette controverse actuelle, chez les
fédéralistes, sur l’opportunité de reconnaître ou non la nation québécoise ?
Personnellement, ça me fait penser à cet ancien débat où certains disaient que
la Terre était ronde et tournait autour du Soleil alors que d’autres affirmaient
le contraire, parce que le Grand manitou avait dit que c’était ainsi, tandis que
d’autres, tout en admettant que, oui, elle était ronde, intimaient qu’il ne
fallait surtout pas le dire ouvertement car cela pourrait favoriser les tenants
de la science, voire même mettre en danger la foi du peuple…

N’est-ce pas ce qui se passe actuellement quand certains libéraux affirment
que la nation québécoise n’existe pas (parce que Pierre Elliott Trudeau l’a dit
et que le Canada anglais en est convaincu), alors que d’autres, au Québec
surtout, ne pouvant s’empêcher de reconnaître qu’elle existe, ne savent pas trop
comment on pourrait faire admettre la chose au reste du Canada ?

Rendons justice à ceux qui ont décidé de jouer franc jeu et de forcer tout le
monde à mettre cartes sur table. Le Canada est-il prêt, oui ou non, à
reconnaître que le Québec existait bien avant lui et qu’il constitue et a
toujours constitué une nation dans tous les sens du terme ? Et, sur la base de
cette reconnaissance, est-il prêt à se mettre à la table pour négocier de bonne
foi une nouvelle relation avec la nation québécoise ? Car c’est cela, au fond,
que soulève le débat actuel et qui lui donne un sens.

Par ailleurs, soulignons l’hypocrisie de tous ces fédéralistes qui,
continuellement, font valoir aux Québécois la possibilité d’un renouvellement du
fédéralisme canadien alors qu’ils sont convaincus que le reste du Canada ne veut
absolument pas en entendre parler. En réalité, ce qui terrifie un grand nombre
de nos fédéralistes québécois parmi les plus influents, c’est que la question du
Québec revienne sur le tapis. « Cachez ce sein que je ne saurais voir » disait
Tartuffe. On peut toujours en discuter entre nous, mais il ne faudrait surtout
pas soulever la question auprès du Canada anglais, puisqu’il est presque assuré
que celui-ci va tout simplement nous envoyer paître. Catastrophe, qui détruirait
d’un coup toute leur argumentation. Car ce que ces chantres du fédéralisme
canadien prêchent aux Québécois, c’est de faire confiance au renouvellement de
la fédération. Soyez patients, nous disent-ils, et ça va changer… un air bien
connu depuis que Pierre Elliott Trudeau a mis sa tête sur le billot en faveur du
changement lors du premier référendum et que Jean Chrétien s’est engagé à
promouvoir le caractère distinct du Québec lors du deuxième.

Déjà, il y a au moins deux enseignements qu’on peut tirer de ce débat, même
s’il n’est pas encore terminé. Le premier, c’est qu’il révèle à quel point le
reste du Canada reste présentement fermé aux aspirations du Québec. Pour ceux
qui se rappellent l’échec des Accords du Lac Meech, il n’y a rien là de
surprenant, mais quelques éternels optimistes pouvaient peut-être encore croire
que les résultats du référendum de 1995 auraient pu provoquer une quelconque
ouverture. N’y avait-il pas eu le grand « love-in » de la veille du référendum ?
En réalité, tous les commentateurs sont unanimes à dire que la situation
constitutionnelle est plus bloquée que jamais et que le reste du Canada éprouve
à cet égard le même ras-le-bol que Jean Chrétien, ce qui n’est pas peu dire.

Le deuxième enseignement, c’est que la question du Québec, loin de
s’estomper, comme plusieurs l’auraient souhaité, reste au centre même de la vie
publique canadienne. Non seulement, on ne peut pas éviter d’y faire face, mais
il devient de plus en plus évident qu’il ne pourra y avoir, si on veut la
résoudre, que deux solutions possibles : soit une réforme en profondeur de la
constitution canadienne pour répondre aux aspirations du Québec, soit la
souveraineté québécoise telle que préconisée depuis quarante ans par le Parti
Québécois. Car, si on veut pouvoir aller de l’avant, il faudra bien reconnaître
un jour que la Terre est ronde et qu’elle tourne autour du Soleil.

Comme c’est embêtant ! Il serait tellement plus simple de continuer de croire
que la Terre est plate. Pourquoi s’embarrasser de la réalité ?

Texte paru dans Le Devoir du 1er novembre 2006.

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