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COURS D’HISTOIRE ÉPURÉS AU SECONDAIRE

Dans un article intitulé Cours d’histoire épurés au secondaire, Le
Devoir nous apprenait le 27 avril 2006, que le nouveau cours d’histoire du
Canada et du Québec, qui doit entrer en vigueur en 2007-2008, fera peu mention
de la Nouvelle-France ou des Patriotes, et passera sous silence des épisodes
comme l’Acte d’Union de 1840, la conscr1ption forcée de 1917 ou le rapatriement
unilatéral de la Constitution en 1982. Le double objectif de ces cours est de
rendre l’histoire moins « conflictuelle », moins « politique » et davantage «
plurielle, notamment en accordant une place plus importante aux autochtones et
aux groupes non francophones, et à remplir la mission centrale dans la réforme,
« d’éduquer à citoyenneté » Selon l’historien Jean-François Cardin, qui a été
consulté lors des phases de préparation du document, « il s’agit de sortir du
cadre habituel d’une histoire structurée autour des conflits entre les
francophones et les anglophones pour en faire une histoire plus rassembleuse »,

L’étude de l’histoire a toujours été fondée sur la véracité des faits, que
ceux-ci aient été glorieux ou non pour le pays en cause. Est-ce que par exemple,
les Français voudraient soustraire de leur histoire, les guerres de religion,
l’édit de Nantes ou encore l’affaire Dreyfus ? Les ouvrages des historiens les
plus crédibles, les plus objectifs et les mieux renseignés sont ceux auxquels
l’état fait généralement appel pour l’enseignement. La nécessité de la vérité la
plus rigoureuse s’impose encore davantage dans le cas de deux peuples habitant
le même pays, d’autant plus que la langue d’usage du peuple fortement
majoritaire est l’anglais, et que cette langue est omniprésente, notamment dans
la région de Montréal. Autre facteur : malgré tous les efforts déployés en ce
sens, et une relative bonne entente entre ces deux groupes ethniques, il n’en
reste pas moins qu’en raison de notre passé et de notre culture, nous demeurons
à plusieurs égards deux solitudes, selon le titre du roman de Hugh Mclennan,
Two Solitudes
, publié en 1945, donc bien avant la Révolution tranquille.

Je me permets de commenter deux qualificatifs de cet article « moins
conflictuelle » et « plus rassembleuse ». La fin du début du 15e siècle marque
les débuts de l’ère des colonisations. Tour à tour, l’Espagne conquiert la
quasi- totalité de l’Amérique du Sud et le Mexique, le Portugal s’approprie le
Brésil, l’Angleterre s’empare de la Nouvelle-France, fief de la France avant la
Conquête, l’Empire britannique et la France occupent de vastes territoires en
Afrique, et même l’Allemagne intervenue tardivement dans ce domaine, possédait
des colonies dans les territoires connus aujourd’hui sous les noms de Tanzanie
et de Rwanda, qu’elle perdit suite à sa défaite en 1918. Or, dans la plupart des
cas, ces anciennes colonies sont devenues des pays à la suite de conflits. Les
pays de l’Amérique latine ont connu successivement des guerres de libération, et
ont mis fin au règne de l’Espagne et du Portugal dans cette partie du globe. Il
en a été de même dans le cas du Mexique et des colonies anglaises en Amérique du
Nord tombées aux mains des Américains. Au Canada, sauf la fin du régime français
en 1763, nous n’avons connu sur notre sol que des guerres limitées, soit
l’invasion de Québec en 1775 et la guerre de 1812, circonscrite à la région de
Lacolle. Parler d’une histoire « moins conflictuelle » m’apparaît une grave
entorse à la vérité, car dans la majeure partie des pays évoqués, il a
inévitablement fallu des conflits pour qu’ils puissent accéder à l’importance.
L’enseignement de l’histoire ne peut être rassembleur; il est fondé sur des
faits historiques et vérifiables. Serait-il sensé de demander à tous les pays
d’évacuer des pans entiers de leur histoire en prétextant que les conflits qui
ont mené à leur indépendance n’ont plus à être pris en compte?

Au Québec, nous parlons français et nous avons une culture distincte,car nos
ancêtres venaient de France. Même une coexistence pacifique avec les anglophones
n’y changera rien. Entre nos deux peuples, il existe des différences
fondamentales que le passage du temps n’a pas réussi à combler.

Autre considération : on a souvent déploré au Québec la méconnaissance de
notre histoire. Ne serait-il pas important au contraire de faire connaître à
tous nos origines et notre héritage? Enfin, est-ce bien à l’état de nous éduquer
à la citoyenneté? Permettez-moi d’en douter, compte tenu du peu de crédibilité
et de confiance qu’accordent les citoyens aux politiciens de tout acabit.

Guy Loublier
yloubier@videotron.ca

(Le 20 mai 2006)

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