Anna Maria Campogrande |
Bruxelles, 11 novembre 2005 |
Chapelle Van Maerlant
Rue Van Maerlant, 22-24
1040 Bruxelles
Monsieur le Président,
Depuis plus dun an je nai reçu aucune information quant aux activités de la
Chapelle, ses réunions, ses conférences, ses cérémonies religieuses. Il est vrai
que lorsque jai eu loccasion de participer à lune ou à lautre de ces
activités jai toujours manifesté ma déception quant à lusage des langues, à la
trop importante place faite à langlais et à linattention envers litalien qui
est la langue de lEglise catholique romaine et dune très importante communauté
au sein des institutions européennes, mais je suis surprise quant au fait que
mes remarques puissent avoir eu une telle suite.
En fait, si une utilisation prononcée du français peut se justifier compte
tenu quil est langue officielle de la Belgique et langue véhiculaire de
Bruxelles, celle de langlais ne se justifie nullement et porte en soi le goût
amer de la colonisation. Jai déjà eu loccasion de vous le dire il y a quelque
temps et je me permets dinsister quant au fait que, à mon sens, au cas où on
devait sécarter de lusage du français, qui peut se justifier à différents
titres, il nest pas admissible de donner un rôle prépondérant à langlais mais
il faudrait plutôt accorder une part égale à toutes le langues ou, encore mieux,
revenir au latin et à son universalité.
Vous savez que, dès le début du projet de restauration de la Chapelle, jen
ai été enthousiaste et jy ai contribué, modestement mais avec conviction,
persuadée de limportance et de la nécessité davoir, au coeur des institutions
européennes, un symbole de la spiritualité de lEurope et un centre de réflexion
sur son existence et son devenir au plan des valeurs de la chrétienté.
Aujourdhui, compte tenu des orientations linguistiques de la Chapelle, de
lespace accordé à des théories tendancieuses telles que celles exposées
notamment par Philippe Van Parijs, je ne crois plus en son rôle douverture et
de réconciliation. Je ne peux, surtout, pas accepter de contribuer, par le biais
de mon soutien à une institution de lEglise catholique, à lépanouissement de
langlais qui est une langue de prédateurs qui ont mis à feu et à sang tout le
Moyen Orient et constituent un véritable danger pour la paix dans le monde et
pour le développement humain.
Je ne suis pas de ceux qui suivent le mouvement sans se poser des questions
et la réponse aux questions que je me pose consiste à dire quil est grand temps
de mettre un terme à la colonisation anglo-américaine qui répand dans le monde
entier une culture matérialiste et mercantile, centrée sur lagression et le
profit au détriment de lêtre humain, tel quil est considéré au sein de la
civilisation chrétienne et européenne, de sa dimension spirituelle et de ses
valeurs.
Il est du devoir de tous et de chaquun de se poser des questions et de
refuser le laisser aller, dans un esprit de défense civile permanente. Bien des
catastrophes auraient pu être évitées dans le passé, même récent, si les
citoyens avaient joué le rôle que la démocratie accorde au peuple souverain et
engagé leur responsabilité face à des situations inacceptables et à des choix
politiques odieux. Il en va de même, aujourdhui, pour langlais qui nest pas
cette langue universelle que les Anglo-américains veulent nous vendre mais
linstrument sournois de pénétration de nos sociétés et de la conscience des
individus, à des fin de domination, dont le succès nest dû quà nous mêmes, à
notre impardonnable conformisme, à notre lâcheté.
Le rôle de lEglise catholique na jamais été celui daller avec le courant,
en plus, la responsabilité pastorale de la Chapelle est confiée à la
prestigieuse mission jésuite européenne, or sil ny a même plus les Jésuites à
avoir une approche critique des réalités du monde, auxquelles nous sommes
cruellement confrontés, lEglise catholique du XXIème siècle est vraiment dans
une impasse.
En annexe, je me permets de vous adresser quatre pages, tirées du livre de
Dag Tessore, sur la pensée de Benoît XVI quant à lusage des langues et au rôle
du latin dans la liturgie, notamment dans les milieux internationaux. Jespère
que le fait quelles soient en italien ne constitue pas un problème
insurmontable pour vous.
Je ne doute pas quant au fait que ma lettre sera reçue avec un sourire
dindulgence envers une personne qui nest pas « à la page » mais,
personnellement, face à ma propre conscience, jai lintime conviction davoir
accompli un devoir.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, lexpression de ma très grande
considération,
Anna Maria Campogrande
anna-maria.campogrande@skynet.be
Copie : Foyer Catholique Européen, Fondation Roi Baudouin
(Le 22 décembre 2005)