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L’ANGLAIS. UNE SORTE D’ESPÉRANTO ?

Il peut être démontré que la quasi totalité des personnes — intellectuels, journalistes, enseignants, hommes politiques, décideurs  — qui utilisent le mot “espéranto” dans un contexte semblable à “L’anglais devient vite une sorte d’espéranto“, n’en connaissent à peine plus que le nom (voir “L’anglo-américain, devenu l’espéranto de notre siècle…” en section documents de <www.esperanto-sat.info>).

Si l’espéranto n’a pas connu “trop de succès pratique“, selon M. Gilles Bousquet, il conviendrait de dire, au contraire, au vu de la présentation qui en a trop souvent été faite, que c’est extraordinaire qu’une telle langue ait survécu, connaisse un tel champ d’applications et un tel essor, alors tout a été mis en oeuvre pour que le public croit aveuglément qu’il n’est point de salut en dehors de l’anglais, que l’espéranto n’est qu’une utopie, que c’est inutile, que ça ne sert à rien, que ça n’a pas marché, etc.. Qu’est-ce qu’on a pu lui casser sur les reins ! Si les régimes totalitaires ont une lourde part de responsabilité dans cette situation, il faut ajouter que la bêtise épaisse et l’absence d’esprit critique ont largement contribué aussi à cet état de fait.

Sur le plan linguistique, la précision d’une langue n’est pas liée à sa complexité grammaticale. En quoi la complexité de la conjugaison et les verbes irréguliers (près de 300 en anglais), la prononciation variable d’une lettre, l’accent d’intensité indéfinissable, impossible à déterminer de façon logique, l’identification confuse de la fonction grammaticale, les homonymes et les tournures idiomatiques innombrables, les polysémies (21 120 significations pour les 850 mots du vocabulaire de base de l’anglais !) ou le genre pour les objets (en français), et autres règles incohérentes et impossibles à expliquer simplement et clairement, apportent-ils plus de précision ? La connaissance requise pour comprendre un texte ordinaire à 99%, c’est-à-dire nécessitant la consultation d’un dictionnaire pour un mot inconnu sur cent, est de 7000 mots en anglais contre 2000 en espéranto (y compris ses affixes). Des recherches ont démontré que l’anglais, de par ses aspects linguistiques, offre le terrain le plus propice qui soit à la dyslexie. Et c’est une telle langue qui est imposée d’emblée aux enfants, de plus en plus jeunes, comme première langue étrangère !  Comme “langue mondiale pour faciliter les échanges de tous ordres“, il existe beaucoup plus adéquat que l’anglais, mais le poids des préjugés et de l’ignorance est tel que presque tout le monde croit encore qu’il faut se maintenir dans les ornières de la routine. En raisonnant selon le même principe, il aurait fallu renoncer au traitement informatique des données, ou au téléphone du fait qu’au départ il n’avait que trop peu d’usagers. Certains entravent la progression de l’espéranto comme d’autres ont retardé l’usage des chiffres arabes ou refusent encore le système métrique.

L’espéranto est une langue très riche, nuancée, et il n’y a pas lieu de le comparer avec cet anglais souvent qualifié à tort de “langue de Shakespeare”, appauvri, limité, abâtardi et massacré, ce “Broken English” ou “Bad English”  dans lequel tous les verbes restent à l’infinitif, à la façon de  “moi parler anglais mais moi pas comprendre toi si toi parler trop vite”. Pitié pour Sakespeare !

L’espéranto a été conçu pour la communication entre peuples de langues différentes, pour être aisé à apprendre par n’importe lequel d’entre eux, indépendamment de sa langue maternelle, pour permettre un maximum de fidélité dans la transmission des valeurs culturelles sans les entacher.  Ce n’est pas le cas de l’anglais dont l’expansion est essentiellement liée à un passé colonialiste, puis impérialiste, à une volonté expansionniste et dominatrice, et non à une supériorité linguistique. “Il faut être un vaurien pour réussir dans l’armée“, avait dit le maréchal Montgomery qui, soit dit en passant, a fort bien réussi !  C’est au libre choix de gens mieux éduqués et plus cultivés que la moyenne que l’espéranto doit ses conquêtes, sans recours aux armes et à des corps expéditionnaires, sans pillage ni oppression, sans semer la terreur, la dévastation et la mort. Le Québec n’est-il pas l’une des portions de notre planète où l’on devrait justement être capable d’y réfléchir avec plus de profondeur ?

En  apparence, pour les natifs anglophones, la langue de leur pays, donc leur langue nationale,  est le meilleur  choix imaginable de langue internationale. Chose curieuse : personne ne relève le fait qu’aucune langue nationale, apparemment idéale pour une entité, ne l’est pour l’ensemble des autres, à plus forte raison quand ces “autres” représentent 92% de l’humanité ! Il n’est cependant pas pour autant la langue idéale pour eux, puisque l’encyclopédie Encarta en recense 38 variantes.  De plus, ceux d’entre eux qui maîtrisent l’espéranto lui préfèrent celui-ci dans les relations internationales : voir sur <http://www.phon.ucl.ac.uk/home/wells/> un exemple éminent en la personne du professeur John C. Wells, l’un des plus brillants spécialistes au monde de la phonétique de l’anglais.

Sur les plans de l’équité, de l’efficacité, des délais et des coûts d’acquisition, l’espéranto est imbattable, et même incontournable. Certains opposent le “succès” de l’anglais à “l’échec” de l’espéranto. Mais parler de “succès” quand il n’y a qu’une minorité dérisoire de ceux qui ont appris l’anglais à grands frais et avec beaucoup de peine qui peuvent débattre d’égal à égal avec un natif anglophone montre un certain degré de naïveté, d’inconscience, d’ignorance, voire de conditionnement : puisque tout le monde le dit, tout mouton de Panurge qui se respecte se doit de suivre cette voie !

Cette situation d’inégalité des chances, d’inéquité, s’observe dans les négociations et les débats importants qui engagent le sort de centaines de millions  d’hommes ou même de l’humanité tout entière : institutions européennes, sommets de Rio ou de Kyoto, etc.. Les intervenants natifs anglophones tiennent le haut de la tribune et il n’y a à peu près qu’un intervenant sur quatre non natif qui ose s’exprimer en anglais, même si son niveau de compétence du sujet traité est plus élevé que la moyenne ! La maîtrise de l’anglais a ainsi plus de poids que la compétence dans telle ou telle spécialité. Même le président Chirac, qui a séjourné aux États-Unis pour se perfectionner, a affirmé publiquement qu’il n’utilise jamais l’anglais pour des négociations importantes. Alors, que dire de centaines de millions de gens qui n’ont pas eu et n’auront jamais la possibilité de séjours linguistiques de longue durée en pays anglophones ?  Et ceci sans parler du handicap financier de tous les pays qui dépensent des sommes astronomiques pour gaver leurs citoyens, et surtout leurs enfants, à l’anglais au détriment de bon nombre d’urgences budgétaires ! Et ceci, mieux encore, au profit des pays dominants de l’anglophonie, ce qui avait amené un directeur du British Council à déclarer  que “le véritable or noir de la Grande-Bretagne n’est pas le pétrole mais la langue anglaise” !

Dans l’Union européenne, l’anglais permet à la Grande-Bretagne d’imposer ses choix avec une grande facilité puisque, par exemple, le traitement, l’examen, la compréhension des dossiers et les décisions qui en découlent sont retardés par la nécessité de traduire. Où que ce soit, au niveau mondial aussi, la contrainte de s’exprimer en anglais permet aux pays anglophones dominants d’avoir toujours plusieurs longueurs d’avance.  Pendant que les autres attendent les traductions, ils disposent toujours d’un délai supplémentaire pour étudier leur stratégie, pour fomenter leurs coups bas.  Il n’est pas rare que des représentants de pays non anglophones soient ainsi amenés à signer des contrats ou des traités insuffisamment étudiés, ou qu’ils ont plus ou moins bien compris du fait des contraintes de temps.

Et certains osent parler de “réussite” !

La réussite incontestable est du côté de ceux qui veulent, par l’anglais, imposer un ordre dans lequel tout va et ira toujours très bien pour eux mais dans lequel tout va et ira de travers pour l’humanité.

L’espéranto a donc plus que jamais sa raison d’être.
A quand un dossier sur ces questions dans LE DEVOIR?
Leur examen, avec plus de profondeur, avec moins de superficialité, n’est-elle pas un DEVOIR prioritaire ?

Bien cordialement.

Henri Masson

Coauteur, avec René Centassi,

ancien rédacteur en chef de l’AFP,

de “L’homme qui a défié Babel”,

paru simultanément en seconde édition

avec la traduction en espéranto chez L’Harmattan, Paris, 2001. Traduction en cours en espagnol.

<espero.hm@club-internet.fr>

Tel & Fax : + 33 02 51 31 48 50

http://www.esperanto-sat.info

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Le Devoir (Abonnement) – Montréal,Québec,Canada…. On le sait, c’est l’anglais qui a réussi où l’espéranto a échoué
: une langue mondiale pour faciliter les échanges de tous ordres. … <http://www.ledevoir.com/2004/06/15/56971.html>

Lettres : L’anglais devient vite une sorte d’espéranto

Gilles Bousquet

Juin 2004

Édition du mardi 15 juin 2004

Pour réduire les problèmes causés par les nombreuses langues parlées sur terre, M. Zamenhof a créé une langue qu’il voulait universelle vers 1887 sans trop de succès pratique.

La preuve en est qu’il y a encore plusieurs langues de grande diffusion utilisées comme langue de travail à l’ONU : l’anglais, le français, l’espagnol, le russe, le chinois, l’arabe, le portugais, l’allemand, les langues turques, l’hindi-ourdou;, les langues austronésiennes et le japonais. Il faut y ajouter plusieurs autres langues et dialectes, ce qui représente une belle tour de Babel terrestre.

À cause des nombreuses conquêtes anglaises et des succès de nos voisins états-uniens, une seule langue se distingue maintenant des autres par son utilisation mondiale dans les communications, la finance et le commerce. On le sait, c’est l’anglais qui a réussi où l’espéranto a échoué : une langue mondiale pour faciliter les échanges de tous ordres.

Les autres langues vont demeurer encore longtemps, au moins, pour les affaires culturelles, mais il sera de plus en plus difficile de fonctionner sans la langue anglaise qui a pris la première place mondiale et qui n’est pas près de la lâcher. Cette constatation nous force à conclure qu’on doit, tout en améliorant notre français qui en a bien besoin, apprendre l’anglais très tôt dans la vie.

On ne peut pas, malheureusement, ne pas tenir compte d’un tel courant plus longtemps. Ne pas tenir compte d’un fait ne le fait pas disparaître pour autant.

(Le 13 juillet 2004)

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