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LE STATU QUO LIBÉRAL

LE STATU QUO LIBéRAL
Québec – Perpétuer l’Empire britannique en Amérique du nord.

Réplique à Patrice Garant
par
René-Marcel Sauvé

Le Devoir du 23 juillet 2003 publiait un long article de Patrice Garant sur
le « fédéralisme asymétrique », planche de salut du fédéralisme canadien, selon
l’auteur, qui se déclare partisan et prédicateur de cette idéologie depuis
trente ans.

En juriste, il voit le débat d’action du Parti libéral de Jean Charest et
Benoît Pelletier comme la « relance du débat constitutionnel dans deux
directions opposées, mais visant à redonner aux Québécois un certain goût du
Canada ». Il reconnaît que le Parti libéral a « laissé tomber une offensive
constitutionnelle constructive(sic) proposée dans le livre beige de M. Ryan. En
1991, il « lâche le rapport Allaire, un effort louable quoique un peu maladroit
». Il admet que le gouvernement libéral n’a pas réussi à mener à terme l’accord
du lac Meech et plus tard, celui de Charlottetown en 1992. Lors de l’épisode
Bélanger-Campeau, écrit Patrice Garant, il(le Parti libéral), a plus ou moins
bien manoeuvré…mais il a au moins sauvé les meubles(sic).

Ce que Patrice Garant et le Parti libéral ignorent ou feignent d’ignorer,
c’est que la politique est affaire d’intérêts, de rapports de forces et
d’effectivité. Les faits accomplis d’abord, les formes idéologiques, juridiques
et constitutionnelles ensuite. Tout état véritable existe dans les faits, à la
suite d’un processus sui generis parfois très long, pouvant varier entre quatre
et douze siècles, les exceptions confirmant la règle. Avant d’adopter des formes
juridiques, un état, naturel s’entend, est ontologique et architectonique. Il
est un principe de contradiction, envers lui-même et envers les autres avec qui
il doit évoluer. Il est à la fois un territoire, une histoire, une conscience et
un savoir, un pouvoir et un vouloir collectifs, qui se sont constitués peu à
peu, dans les difficultés, les sueurs et les larmes, dans l’incertitude,
toujours confronté au jeu impitoyable des nécessités qui n’ont pas de loi, des
pouvoirs qui cherchent à étendre leur puissance et à la vulnérabilité du peuple
qui lui donne forme.

Peu à peu, un peuple en train de créer son propre état naturel apprend à
connaître et mettre en pratique les principes universels(non pas absolus mais
universels) de l’agir humain collectif : Appréciation rigoureuse et correcte des
contextes et situations qui se présentent; détermination et maintien d’objectifs
praticables et réalisables en termes de temps et d’espace; maintien du moral;
concentration et économie de l’effort; simplicité et souplesse; sécurité contre
l’adversité; coordination; coopération; administration et logistique.

Toutes choses qui se tiennent comme les doigts de la main et qui s’apprennent
en principe et en pratique à l’intérieur du territoire pris en possession du
moins de facto, d’une histoire spécifique et unique, de prises de conscience
successives, avec l’acquisition du savoir nécessaire à la conduite de l’état,
grâce à une langue collective à la fois littéraire, technique, formelle,
philosophique, scientifique et poétique, une langue d’état comme le français,
facteur majeur de cohésion et d’effectivité et d’efficacité collectives.

C’est à l’intérieur de ce cadre naturel et formel que se forge la volonté
collective de vivre en tant que peuple, nation et état reconnu de droit comme de
fait. Au Québec, une telle volonté est obnubilée depuis les débuts du régime
anglais et loyaliste, par la création d’un pouvoir centralisateur et unitaire.

Le Parti libéral de messieurs Charest et Pelletier n’offre rien qui
s’approche de ces principes et lois naturelles. Il n’offre que le statu quo,
avec régression possible vers le statu quo ante, sous forme d’une formule
idéologique abstraite et sujette à toutes les interprétations qui donnent bonne
conscience à rabais et n’obligent personne à agir effectivement pour changer un
ordre de choses.

Patrice Garant applaudit à des initiatives qui n’ont rien de nouveau dans le
cadre de la vie politique constituée selon la volonté des United Empire
Loyalists, fondateurs du pouvoir central, centralisateur, arbitraire et unitaire
d’Ottawa. Ce pouvoir est maintenu en place par un monopole quasi absolu sur les
communications et une propagande continuelle à coups de centaines de millions
par année, par la fiscalité centralisée envers et contre l’esprit et la lettre
d’une authentique confédération, qui est une union d’états souverains. Ni Jean
Charest, Benoît Pelletier et le juriste Patrice Garant n’expliquent comment
leurs demi-mesures vont faire reculer cet état créé artificiellement pour
perpétuer l’Empire britannique en Amérique du nord.

Un état naturel se maintient par la continuité des conditions géographiques
qui ont favorisé sa genèse et sa croissance, confirmée par l’histoire et
renforcée par une langue et une mentalité communes. Un état arbitraire se
maintient par l’imposition artificielle de la loi du nombre, ou loi de la
pesanteur. La propagande se charge de détourner l’attention des autres facteurs
qui entrent en ligne de compte dans le développement d’un état naturel comme
celui du Québec, en particulier la concentration du nombre dans l’espace et dans
le temps et la dynamique des sociétés inféodées de gré ou de force.

Dans le cas du Québec, son inféodation au pouvoir unitaire et arbitraire des
United Empire Loyalists fait suite aux mesures analogues décrétées en Grande
Bretagne pour fossiliser l’Irlande, l’écosse celtique et le Pays de Galles,
provoquant des haines et des guerres civiles interminables. Dans l’Amérique
Britannique du Nord, la géographie offrait aux Québécois descendants des colons
de Nouvelle France un immense espace naturellement protégé, aussi étendu que
toute la Scandinavie, un espace périphérique et relativement isolé dans ce coin
nord-est des Amériques. La construction des canaux du Saint Laurent, des chemins
de fer et l’aménagement aux états Unis des transports fluviaux et ferroviaires
pour relier New York aux Grands Lacs par la vallée de la Mohawk, ont occasionné
de vastes déplacements vers l’Ontario méridional et l’Ouest des Loyalistes
résidant au Québec.

Ces migrations naturelles ont permis au Québec de renforcer sa position sur
son territoire et créer les assises de propre état. Le centralisme unitaire des
Loyalistes avait et a encore pour mission de s’y opposer par tous les moyens.

« à l’échelle planétaire, écrit Patrice Garant, la collectivité
québécoise(peuple ou nation si on veut(sic), a atteint une situation enviable et
enviée ». Par cette remarque sans doute, il suggère qu’Ottawa et son fédéralisme
sont à l’origine de la bonne renommée du Québec dans le monde. Il oublie que du
commencement jusqu’à aujourd’hui, la politique internationale et nationale
d’Ottawa traite le Québec comme s’il n’existait pas. Tous les succès remportés
par des Québécois et des Québécoises sur les scènes internationales sont
récupérés d’avance par Ottawa pour en faire des « Canadian success stories ».

Comme officier dans l’Armée canadienne, j’ai servi dans quatre continents et
à maintes reprises, j’ai reçu de strictes consignes à l’effet que je dois
m’identifier comme « Canadian » et rien d’autre, pas même « French Canadian » et
encore moins Québécois. Le Québec a attiré l’attention pour la première fois
lors de la déclaration de Charles De Gaulle du balcon de l’Hôtel de Ville de
Montréal. Grâce à lui, le monde entier a été mis au courant de notre existence.
Les Québécois se sont chargés du reste, de sorte que nous ne devons rien à
Ottawa.

Quant au Conseil de la fédération, aucun premier ministre n’a reçu aucun
mandat pour créer cette instance. Tout comme René Lévesque n’avait reçu aucun
mandat pour réaliser l’état du Québec avec l’élection du 15 novembre 1976, ainsi
que P.E. Trudeau s’est chargé de lui rappeler le soir même lorsque les résultats
furent connus. En conséquence, le Conseil de la fédération ne peut se présenter
devant Ottawa en position de force ou de pouvoirs. En position de faiblesse, on
revendique des droits et rien d’autre.

Aucun changement ne peut survenir dans la soi-disant fédération canadienne
sans que les provinces ne se placent au préalable en position de force. à cette
fin, l’élection référendaire ou le référendum sont nécessaires. Avant toute
autre chose, les provinces doivent se reconnaître elles-mêmes et se faire
reconnaître comme états, avec la majuscule. Elles doivent demander et obtenir de
leur électorat le rejet du non-statut de province inféodée pour le statut
véritable d’états de droit(de jure) comme de fait(de facto).

Cette radicalité est une nécessité de l’heure et n’a rien à voir avec le
radicalisme. Elle s’impose par une loi de nature et constitue la seule réponse
réalisable au statut de fait(de facto) des provinces, qui effectivement, ne sont
pas plus des provinces que les pays scandinaves ou baltes. La radicalité,
l’ipséité, la sémelfactivité et la royauté du réel sont des faits de nature. Le
radicalisme et l’arbitraire sont créés par le langage et les dispositions de
l’esprit et servent à perpétuer l’incertitude afin de maintenir en place une
oligarchie possédante et régnante.

Dans cette conjecture, c’est au Québec de donner l’exemple, en prenant devant
les provinces canadiennes une décision autrement plus hardie que la création
d’un ineffectuel Conseil de la fédération. En effet, le Québec a réussi a créer
les assises de son propre état, envers et contre l’hostilité anglaise et
loyaliste et les efforts répétés pour l’inféoder et le fossiliser. Cet état
existe bel et bien maintenant, comme fait accompli, que messieurs Charest,
Pelletier, Garant et tutti quanti soient d’accord ou non.

Sur le plan politique, le gouvernement d’Ottawa est en position de force et
entend le demeurer. Reconnaître le Conseil de la fédération serait pour Ottawa
un précédent qui équivaudrait à reconnaître un gouvernement parallèle. Jamais
Ottawa ne reconnaîtra une telle instance. Jamais il ne sera question pour Ottawa
de Statuts Refondus, comme ceux de Westminster en 1931. L’oligarchie qui a créé
le gouvernement central est installée à demeure et ne cédera aucun de ses
pouvoirs acquis au fil du temps. Puisque, il met en péril le pouvoir et
l’existence même d’Ottawa, le Conseil de la fédération est mort-né. Comme avant
lui le livre beige de M. Ryan, le rapport Allaire, les accords du lac Meech,
ceux de Charlottetown en 1992 et l’épisode Bélanger-Campeau.

René-Marcel Sauvé
Géographe
jmfc@videotron.ca

(Le 10 août 2003)


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