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LA FRANCE ET LA DIVERSITÉ CULTURELLE

COMMISSION DES AFFAIRES éTRANGèRES

COMPTE RENDU N° 29

(Application de l’article 46 du Règlement)

Mardi 28 janvier 2003
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

Audition de M. Jean-Jacques Aillagon, Ministre de la Culture

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Jean-Jacques Aillagon,
Ministre de la culture, d’avoir accepté de se rendre devant la Commission des
Affaires étrangères pour traiter de la question de la diversité culturelle. En
effet, la Commission a créé une mission d’information sur la mondialisation, qui
ne se contente pas d’aborder les aspects économiques de celle-ci, mais
s’intéresse aussi à ses aspects sociaux et culturels. Il a par ailleurs rappelé
que la diversité culturelle avait fait l’objet d’une déclaration adoptée en 2001
à l’Unesco, excellente dans son principe, mais quelque peu vague. A ce sujet,
lors du cycle de l’Uruguay, la France avait défendu le principe de l’exception
culturelle. Dans le cadre des nouvelles négociations de Doha, ce principe
continuera-t-il de s’appliquer ou, au contraire, existe-t-il un risque de le
voir remis en question, notamment dans le cadre de l’accord général sur les
services ?

M. Jean-Jacques Aillagon a indiqué que depuis sa nomination, il avait
fait de la défense de la diversité culturelle l’un des thèmes essentiels de la
politique culturelle du Gouvernement. En effet, la mondialisation fait
incontestablement courir un risque aux identités culturelles, et les défendre ne
revient pas à faire oeuvre de protectionnisme, mais à préserver ce qui tisse le
lien de notre communauté nationale, notamment dans le domaine de la création.

Le Ministre a abordé en premier lieu la défense de la diversité culturelle en
France. Celle-ci passe d’abord par la défense du cinéma français, véritable
atout au plan international, dont la pérennité et la performance ne sont
possibles que grâce à un efficace système de soutien depuis 1946. L’objectif est
de maintenir ce régime d’aide et d’exemption au-delà de 2004, date à laquelle la
Commission européenne réexaminera sa validité. Il a précisé que tous les pays de
l’Union européenne s’étaient dotés de systèmes de soutien à la production et que
les contacts qu’il avait eus avec la Commission le rendaient raisonnablement
optimiste.

En ce qui concerne l’audiovisuel, M. Jean-Jacques Aillagon a indiqué que
l’objectif était de préserver le dispositif mis en place par la directive
Télévision sans frontières, qui fera l’objet au printemps prochain de
consultations visant à décider d’évolutions éventuelles. La France a largement
contribué à fixer le cadre de cette consultation, afin de ne pas prendre
seulement en compte l’évolution technologique, mais aussi la défense de la
diversité culturelle qui passe par des moyens spécifiques (obligations
d’investissement, quotas…). La France militera donc pour un report de la
révision, ou le cas échéant pour un réexamen technique minimal. Le Ministre a
précisé qu’il allait prochainement nommer une personnalité qualifiée afin de
défendre la position française.

M. Jean-Jacques Aillagon a ensuite évoqué la question de la défense du
patrimoine linguistique. Il nous faut conforter la place du français dans les
institutions européennes et internationales : c’est le travail qui est confié à
la Délégation générale à la langue française, en concertation avec le ministère
des Affaires étrangères, afin de faire respecter le statut du français comme
langue officielle et de travail. Il faudra nous assurer, notamment par la
formation, que notre langue demeurera une langue pivot dans les travaux de
l’Union européenne après l’élargissement.

Le Ministre a souhaité à ce sujet attirer l’attention sur l’accord de Londres
relatif aux brevets européens, signé en 2001. Cet accord réduit le nombre et le
coût des traductions des brevets européens à la charge des déposants en
permettant de renoncer à la traduction obligatoire en anglais, allemand et
français des clauses techniques des brevets. Certes, en signant cet accord, dont
le Parlement n’a pas encore été saisi, la France a précisé qu’elle souhaitait
assurer la traduction en français, à sa charge, des brevets non rédigés en
français. M. Jean-Jacques Aillagon s’est dit très perplexe quant à l’esprit de
ce texte qui donne autorité en France à des documents écrits en langue étrangère
et qui mettrait à la charge de l’Etat la traduction de documents bénéficiant à
des particuliers et à des entreprises.

Il a ensuite évoqué la défense des intérêts culturels de l’Europe au plan
international. Cela passe tout d’abord par la défense de la diversité culturelle
dans les travaux de la Convention sur l’avenir de l’Europe : le Gouvernement
français a déposé auprès de la Convention une contribution en ce sens et s’est
par ailleurs opposé à l’extension de la règle de la majorité qualifiée aux
accords commerciaux passés dans le domaine audiovisuel.

Sur la position à tenir dans le cadre des négociations de l’OMC, le Ministre
de la Culture a rappelé que la France avait poussé l’Union européenne à
promouvoir la notion d’exception culturelle lors des négociations du cycle de
l’Uruguay, ce qui a permis de maintenir nos systèmes de soutien au secteur
culturel. Cependant, cette exception culturelle est fragile car elle n’a pas de
consistance juridique et n’est protégée par aucun texte. Ainsi, le mandat
accordé par l’Union européenne au Commissaire Pascal Lamy est interprété par la
France comme une absence d’offre supplémentaire dans les secteurs culturel et
audiovisuel pendant le cycle de Doha, ce qui ne signifie pas pour autant que
notre marché soit fermé, comme le montre la part respective des oeuvres
européennes et américaines sur les marchés européens, qui diffusent à 70% des
films américains.

Enfin, M. Jean-Jacques Aillagon a souhaité fédérer les solidarités
internationales en faveur de la diversité culturelle. Cette position est trop
souvent considérée comme uniquement défensive, il faut donc montrer en quoi elle
constitue un projet politique positif.

Le Ministre a indiqué qu’il existait un projet de Convention internationale
sur la diversité culturelle, porté par un réseau de ministres de la culture, le
RIPC, à l’initiative du Canada. Cette idée de la légitimité des politiques
publiques en faveur de diversité culturelle, avancée en premier lieu par le
Président de la République, rallie de plus en plus de pays : les pays membres du
RPIC donc, mais aussi ceux de la Francophonie. A l’issue des deuxièmes
rencontres internationales de la Francophonie qui se tiendront à Paris du 2 au 4
février, le Ministre réunira quinze ministres de la culture issus de tous les
continents afin de faire une démarche auprès du Directeur général de l’Unesco
pour que celle-ci prenne en charge les négociations autour du projet de
Convention internationale, qui pourrait ainsi être adopté au cours de la
Conférence générale de 2005.

M. Roland Blum a rappelé que la reconnaissance du principe de
l’exception culturelle avait été obtenue avec beaucoup de difficultés en 1993,
en raison de l’opposition des Etats-Unis, motivée par les intérêts d’Hollywood.
Afin d’éviter que notre système d’aide au cinéma ne soit condamné du fait de son
isolement, ne faudrait-il pas convaincre les autres pays de l’Union d’adopter un
système similaire ? Où en est le projet de convention sur la diversité
culturelle annoncé par le Président de la République lors du sommet de Beyrouth
?

M. Bruno Bourg-Broc a estimé que la diversité culturelle passait par
la défense de la langue française et de la francophonie et il a fait observer
que la France ne défendait pas suffisamment sa langue. Il n’y aucun inconvénient
à ne pas ratifier l’accord de Londres sur les brevets européens car celui-ci est
défavorable à notre langue. Le Gouvernement envisage-t-il pour autant de le
présenter au Parlement ? L’élargissement de l’Union ne risque-t-il pas de
remettre en cause l’usage du français dans les instances communautaires ? Où en
est-on de la diffusion de RFO en Amérique du Nord à partir de
Saint-Pierre-et-Miquelon ? La suppression récente de douze instituts culturels
français en Allemagne est tout à fait regrettable et ne constitue pas le
meilleur moyen d’améliorer le rayonnement de notre langue. Enfin, la législation
nationale en vigueur tendant à la défense de la langue française est-elle
correctement appliquée ?

M. Michel Destot a considéré que les Universités jouaient un rôle
primordial dans le rayonnement de la culture française ; or, si l’accueil des
étudiants issus de l’Union européenne est satisfaisant, qu’en est-il des
étudiants issus des pays tiers ? Il apparaît indispensable de faciliter la
possibilité pour ces derniers de venir dans notre pays et de coordonner leur
accueil avec les autres pays membres de l’Union.

M. Jean-Jacques Aillagon a répondu qu’il fallait éviter l’isolement de
la France quand elle défend la diversité culturelle. Constatant la faiblesse de
nos relations bilatérales avec nos partenaires, le Ministre a indiqué qu’il
consacrait beaucoup de temps à établir des relations personnelles avec ses
homologues de l’Union européenne étrangers pour faire en sorte que les ceux-ci
deviennent des alliés. Il a ainsi renoué des relations cordiales avec le
Ministre italien de la culture qui, de ce fait, a soutenu la position française
sur l’audiovisuel. Ce travail préalable est nécessaire, car tous les pays ne
s’alignent pas sur les positions françaises dans la mesure où en France, pour
des raisons historiques, la politique culturelle est une politique nationale,
alors que dans d’autres pays, comme en Allemagne ou en Espagne, elle relève des
entités territoriales.

S’agissant de la convention internationale sur la diversité culturelle, le
réseau international des politiques culturelles (RIPC) travaille depuis
plusieurs années, ce qui a motivé la réunion du RIPC au Cap en novembre 2002,
avant le Sommet de Beyrouth. Un texte informel a été élaboré, il a été soumis
aux ministres membres du RIPC. Il sera débattu à Paris début février, à
l’occasion d’une réunion de ministres représentant tous les continents : pour
l’Amérique : le Canada, le Mexique, la Colombie, l’Argentine ; pour l’Afrique :
le Maroc, le Sénégal, l’Afrique du Sud ; pour l’Asie : la Chine, ce qui n’est
pas sans intérêt. L’Europe est largement représentée dans ce cercle. Les
Ministres demanderont au Directeur général de l’UNESCO d’accepter que
l’organisation qu’il dirige se charge de la négociation du projet d’instrument.
Le Ministre a espéré que la pression des Etats aboutira à ce que l’UNESCO soit
en mesure d’adopter ce texte à la Conférence générale de 2005 et a souhaité
qu’il s’agisse d’un instrument contraignant qui puisse être opposé à des
décisions contraires à l’OMC. Ce texte visera à confirmer la légitimité des
politiques nationales ou régionales de soutien à la production de tous les biens
culturels.

S’agissant de l’accord de Londres sur les brevets, ce texte ne relève pas de
la compétence du ministère de la culture, mais de celle du ministère de
l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Le Premier ministre a été saisi de
la question de l’opportunité de ratifier cet instrument. Il existe une
divergence entre les pragmatiques qui y sont favorables et ceux qui défendent la
langue française ; il appartiendra au Premier ministre de trancher.

En ce qui concerne le statut du français dans les enceintes internationales
et européennes, la vigilance est le meilleur rempart. Il ne faut accepter aucune
infraction, d’autant que l’usage du français relève de traités internationaux.

Quant à la diffusion de RFO au Canada, RFO ne peut continuer à émettre en
Amérique du Nord car elle n’est pas titulaire de droits d’émission
internationale, dont le coût est élevé. C’est au Président de RFO de choisir en
fonction de son budget, soit d’acquérir des droits supplémentaires, soit
d’éviter d’émettre sur le continent américain.

Il s’est félicité de la nette amélioration de la programmation de TV5 et de
l’effort entrepris pour diffuser des informations à caractère international, car
la diffusion à l’étranger d’informations purement locales, comme ce fut le cas,
était inappropriée. TV5 est le cadre d’une coopération exemplaire entre la
France, le Québec, la Wallonie et la Suisse romande, ce qui n’exclut pas de
réfléchir à la création d’une chaîne d’information internationale de langue
française.

Pour ce qui est de l’action culturelle extérieure, celle-ci relève de la
compétence du ministère des Affaires étrangères. Néanmoins, le Ministre de la
culture prend une part importante à cette action culturelle extérieure. Il est
cotuteur de l’Association française d’action artistique (AFAA) à laquelle il
fournit un cinquième des recettes budgétaires. Il est partenaire de cette
action, car ce sont des institutions dont le Ministre de la culture a la tutelle
ou qu’il subventionne, fournissant à l’AFAA le matériel culturel qu’elle
exporte.

Le Ministre a déclaré accorder une importance majeure à la formation des
élites étrangères, en regrettant que la France ait cessé de remplir ce rôle. A
cet égard, il a cité l’exemple de l’Egypte, où seuls les égyptologues de plus de
cinquante ans sont francophones, alors que les plus jeunes, formés en Allemagne
ou aux Etats-Unis, ne parlent pas français et sont souvent hostiles aux
archéologues français dans les champs de fouilles. Il a souhaité que la France
redevienne un pays de formation des élites culturelles. Pour ce faire, il a
recensé tous les services susceptibles d’accueillir des étrangers. Un inspecteur
général a remis un rapport à ce sujet, recommandant qu’il soit fait obligation à
tout conservatoire, théâtre, etc. de fournir une bourse à un professionnel
étranger. Selon lui, il convient de veiller à reconstituer un réseau de
complicités culturelles.

Sur l’application de la loi Toubon, le Ministre a estimé que le Gouvernement
se montrait très vigilant. Il a déclaré rappeler, chaque fois que c’était
nécessaire, que dans tout document émis par un établissement public, le texte
français devait être accompagné de deux traductions, l’une en anglais et l’autre
dans une autre langue. Une intervention a été effectuée sur l’étiquetage des
produits d’origine étrangère. Il a notamment été jugé que les pictogrammes
étaient insuffisants et que l’usage du français devait être mis en oeuvre pour
informer les consommateurs.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que la lutte pour
l’exception culturelle française allait à l’encontre de l’évolution dominante à
l’échelle mondiale.

M. Jean-Paul Bacquet a considéré que la langue française était en
recul constant depuis quarante ans et il a regretté que dans de nombreux pays la
seule langue étrangère présente soit l’anglais. Il a également regretté que
l’usage du français dans les anciennes colonies soit désormais limité aux seules
élites et déploré que le nombre de mots anglais utilisés dans notre langue soit
en augmentation constante. L’américanisation de notre mode de vie est par
ailleurs de plus en plus forte et les produits français sont parfois menacés par
les normes communautaires. La haute couture ou les meilleurs produits ne doivent
pas être réservés à la seule élite et l’essor du marché ne doit pas aboutir à la
disparition de notre culture. Dans ce contexte les traités et les lois sont-ils
des instruments de protection suffisants ?

M. Gilbert Gantier a demandé si le Ministre disposait de statistiques
sur le nombre d’étudiants étrangers dans les universités françaises. Alors que
la France est présente dans le monde entier du fait de ses grandes entreprises,
il est regrettable que certains conseils de ces sociétés se tiennent en anglais.
Le projet de CNN à la française est-il réalisable ? Ne risque-t-il pas de se
heurter à des coûts trop importants ?

M. Jean-Claude Lefort a indiqué qu’il appréciait les propos tenus par
le Ministre sur la diversité culturelle. La future loi sur le piratage des
oeuvres s’inscrit dans un contexte complexe et les arbitrages en la matière ne
doivent pas être rendus au seul profit des positions du ministère des finances.
S’agissant de l’article 133 du Traité de Nice, il a été interprété par la France
comme nécessitant l’unanimité pour les questions audiovisuelles ; d’autres Etats
membres interprétant cet article dans un sens contraire, quelle est l’instance
compétente pour trancher ce conflit ? Certaines activités humaines ne devraient
pas relever de l’OMC : de même que le régime des médicaments essentiels devrait
être défini par l’OMS, la diversité culturelle ne devrait-elle pas, de la même
façon, relever de la seule Unesco ?

M. Jean-Jacques Aillagon a précisé qu’il n’avait pas employé le mot
élite dans le strict sens socio-économique, mais qu’il englobait dans ce mot une
vaste catégorie d’acteurs culturels, en y incluant les professionnels de la
science et de la culture. Notre pays est devenu au cours des dernières années
trop restrictif dans son offre d’accueil et de formation de ces professionnels,
par crainte de l’immigration. Le Ministre a indiqué sa volonté de voir élaborer
par les différentes administrations concernées, sur la base du rapport Ladousse,
de nouvelles règles qui nous permettront de proposer à des professionnels
étrangers de venir parachever leur formation en France. De nombreux pays
manquent de certaines catégories de professionnels de la culture, comme par
exemple les conservateurs du patrimoine : il est important que nous puissions
aider à former les professionnels qui manquent, d’autant plus que certains pays
prennent conscience aujourd’hui de l’urgence de préserver et conserver leur
patrimoine culturel.

La question de l’efficacité de la loi Toubon est délicate, car la loi ne peut
contraindre l’usage, et il n’est pas du rôle de la loi d’aller contre certaines
mythologies qui se sont forgées au sein de la société. La renaissance du désir
d’apprendre et d’utiliser le français est liée, selon le Ministre, à l’intérêt
pour les autres langues. La France doit respecter et promouvoir les langues
étrangères afin que le français soit également une langue recherchée et aimée.
Instaurer une solidarité dans la promotion des langues étrangères, au niveau
européen, pourrait être un moyen de progresser, car d’autres langues
européennes, comme l’italien et l’allemand, sont aussi menacées. L’anglais est
devenu une langue vernaculaire dans certains pays d’Europe du nord, la langue
nationale devenant résiduelle.

Notre langue ne peut plus s’affirmer comme langue internationale. En
revanche, il n’est pas trop tard pour redevenir un pays de formation pour les
étrangers qui seront ensuite, comme cela a été le cas dans un passé récent, des
ambassadeurs de notre langue. Il faut certainement aussi rappeler aux dirigeants
d’entreprises qui utilisent par snobisme l’anglais dans les conseils
d’administration qu’ils ont une responsabilité en ce domaine et que l’Etat ne
peut tout faire.

Le projet de chaîne internationale française d’information est très complexe.
Elle doit certainement s’adresser au monde entier et donc avoir une couverture
très large ; la présence en Afrique, où le français régresse, et dans le Bassin
méditerranéen, semble très importante. Il convient de la confier à une société
qui fait déjà de la télévision, donc France Télévisions. Il convient aussi de
concevoir le lien entre la politique audiovisuelle extérieure et la politique
étrangère. Enfin, il est apparu impossible d’utiliser les chaînes existantes.
TV5 est une chaîne de programmes mais pas d’information ; quant à LCI, il s’agit
d’une chaîne d’information à caractère national et non pas international. Aussi
le coût d’une telle chaîne d’information internationale sera-t-il élevé. Malgré
ces difficultés, c’est un projet nécessaire pour renforcer la présence de la
France sur la scène internationale.

Le Président Edouard Balladur a rappelé que la Commission des Affaires
culturelles, familiales et sociales et la Commission des Affaires étrangères
avaient décidé la création d’une mission commune d’information sur la création
d’une telle chaîne. Le ministère des Affaires étrangères a, quant à lui, chargé
M. Philippe Baudillon d’une réflexion sur ce sujet. Il a précisé que l’objectif
poursuivi était d’être en mesure de prendre une décision lors de l’examen du
projet de budget pour 2004.

Un tel outil constituerait un important moyen d’influence de la France dans
le monde, mais il est vrai que l’équilibre entre présence française et influence
politique est délicat. Il est certain que ce projet ne rapportera pas d’argent
directement, mais, même si ce n’est pas une question commerciale, il comporte
néanmoins des retombées positives.

Le Ministre de la Culture s’est déclaré en accord avec ces
observations. Des solutions telles que le développement de TV5 ou la mise sur
réseau international de LCI ont été envisagées puis rejetées, car cela ne crée
pas une information à caractère international, pour laquelle il faut de l’image,
des journalistes, des débats. La chaîne internationale ne doit pas être le
porte-voix du Gouvernement, ce qui lui ôterait sa crédibilité.

La diversité culturelle est l’objectif du Gouvernement, mais l’exception
culturelle en est le moyen, d’ailleurs, l’idée d’exception est associée depuis
longtemps à la politique culturelle ou de défense du patrimoine.

Le Gouvernement travaille actuellement à la préparation du texte de
transposition de la directive sur le droit des auteurs dans la société de
l’information ; il s’agit d’un projet de loi qui comportera d’autres
dispositions nouvelles, notamment des moyens de renforcer la lutte contre le
piratage et la contrefaçon, et qui devrait être présenté au Parlement au
printemps. Ce texte intégrera des évolutions en ce qui concerne la gestion des
droits des auteurs, et prendra en compte les droits des salariés.

La définition du mandat du Commissaire européen en vue des négociations
internationales figure dans les conclusions du Conseil européen de 1999. Ce
texte reflète évidemment un compromis, et son interprétation peut admettre des
nuances, cependant, il est encore aujourd’hui considéré comme conforme à nos
intérêts.

Il est vrai que le débat sur l’exception culturelle aurait dû prendre place
au sein de l’Unesco dont c’est la vocation, cependant cette institution a
pressenti la résistance qu’opposeront certains pays, en premier les Etats-Unis,
à l’adoption d’un instrument contraignant dans le domaine de la culture. Cette
organisation élabore actuellement une résolution sur le patrimoine immatériel,
ce qui recouvre en fait le folklore, avec laquelle les Etats-Unis sont d’accord.
Par ailleurs l’OMC est le lieu de toutes les négociations internationales. La
culture génère une immense industrie, beaucoup plus importante que beaucoup de
secteurs industriels, ce que les Etats-Unis ont compris, à l’inverse de notre
pays et de nos industriels.

Le Président Edouard Balladur s’est demandé si les politiques
nationales en matière culturelle et de défense de la langue pouvaient produire
des effets à l’échelle internationale. Il a ensuite interrogé le Ministre sur
les points suivants. Le principe de la diversité culturelle sera-t-il inscrit
dans le futur traité de l’Union européenne ? Où en est le projet de création
d’un portail de la culture française sur Internet ? La directive du 22 mai 2001
sur la propriété littéraire et artistique sera-t-elle prochainement transposée ?
Quel jugement porter sur le rôle et les moyens du réseau culturel du ministère
des Affaires étrangères ? Sur ce point, la coordination entre le ministère de la
Culture et celui des Affaires étrangères est-elle satisfaisante ?

M. Jean-Jacques Aillagon a rappelé que la France avait demandé à la
Convention sur les institutions de l’Union d’inscrire dans le traité de l’Union
la défense de la diversité culturelle, à la fois comme objectif des politiques
communautaires et comme objectif de l’action extérieure de l’Union. Il est vrai
qu’à l’heure actuelle l’Union européenne a du mal à s’affirmer comme un espace
culturel, notamment en raison du principe de subsidiarité, ce qui est pour le
moins paradoxal si l’on songe que l’Europe se définit d’abord par sa culture et
sa civilisation. Le Ministre a indiqué qu’il solliciterait un rendez-vous auprès
du Président Giscard d’Estaing pour attirer son attention sur l’importance de
cet objectif et a précisé qu’il se ferait accompagner d’une délégation
d’artistes et de créateurs dans cette démarche.

Le projet de portail culturel est en cours de réalisation et il devrait voir
le jour en juin prochain. Il sera traduit en deux langues, en anglais et très
vraisemblablement en espagnol et offrira un accès aux sites des collectivités
locales, des festivals et de certains créateurs. Il devrait permettre
d’augmenter le nombre de pages en français consultées dans le monde, puisque
leur part sur le WEB est actuellement inférieure à 4 %.

La directive du 22 mai 2001 sera prochainement transposée, mais le texte de
transposition est difficile à rédiger car il est confronté à des intérêts
contradictoires.

Le réseau culturel français à l’étranger relève de la compétence du seul
Ministre des Affaires étrangères, ce qui n’est pas le choix opéré par d’autres
pays. La dispersion des moyens n’est pas satisfaisante, mais la fermeture de
certains centres est difficile à mettre en oeuvre d’autant qu’elle touche le
plus souvent des régions défavorisées. Sans doute faudrait-il réfléchir à des
partenariats avec d’autres pays de l’Union, comme l’Allemagne ou l’Espagne.


© Assemblée nationale


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