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CAPITAINE CANADA

CAPITAINE CANADA
"Porteur de ballon" officiel de l’équipe provinciale face à l’adversaire
fédéral.

Que d’émotion à Charlottetown, au sortir de la réunion des premiers ministres
provinciaux et leaders territoriaux. C’est qu’il est maintenant permis, aux
dires de l’Albertain Ralf Klein, d’avouer ouvertement que le fédéralisme ne
fonctionne pas du tout de la manière dont Ottawa le gère. En l’absence d’un
gouvernement indépendantiste à Québec, plus besoin donc de cacher cette réalité
qui fait consensus chez des millions de souverainistes québécois depuis déjà
plusieurs d’années. Mais bon, avec un fédéraliste de premier plan à Québec, la
donne n’est plus la même à présent: on peut à nouveau faire confiance à cette
docile province pour lutter contre les actions unilatérales du gouvernement
fédéral, selon monsieur Klein. Qu’est-ce qu’on ferait sans ce bon ami qui ne
demande qu’à être appelé "Tit"… Et que penser de notre Stéphane Dion
national qui pleurait presque à la vue de ce premier consensus provincial,
résultat du "nouveau contexte" politique établi par l’arrivée de Jean
Charest à Québec. Le ministre fédéral des Affaires intergouvernementales a
néanmoins renchéri du même souffle que les doléances fiscales des provinces sont
non-fondées…

Deux instances sont ainsi créées afin de mieux préparer les séances de
chicane avec le gouvernement canadien. Des ressources humaines et financières
seront consacrées pour mettre sur pied le Secrétariat sur le déséquilibre fiscal
et le Conseil de la fédération. Difficile de refuser ces propositions qui
émanent d’un fervent admirateur du fédéralisme canadien au point d’en avoir
tenté d’en devenir le leader il y a quelques années. Avis par contre à ceux qui
pensaient que les discussions de nature constitutionnelles étaient l’apanage des
souverainistes: Jean Charest retourne vingt ans en arrière en ranimant les
longues et pénibles cessions de négociation à treize. Même Robert Bourassa,
autre grand fédéraliste convaincu, ne pouvait plus les supporter tant il
trouvait l’exercice stérile.

Jean Charest n’a peut-être pas réalisé son rêve de devenir premier ministre
du Canada, mais, à Charlottetown; il a immédiatement pris la tête des débats et
imposé ses idées comme s’il l’était. Quoi de mieux, d’entrée de jeu, que de
donner l’exemple pour convaincre les autres de sa bonne foi en effaçant le titre
de nation que le Québec tentait de se donner afin de lui restaurer celui de
province
. Le premier ministre du Québec s’est par la suite empressé de
montrer à tous qu’il pouvait, au contraire du gouvernement fédéral, parvenir à
créer l’harmonie… … en dressant les provinces contre Ottawa. Jean Charest y
cachait mal son plaisir de vouloir défier Paul Martin, prochain chef du
gouvernement canadien, à faire mieux que lui. Il croit que son imitation de
premier ministre du Canada à Charlottetown sera perçue par les Québécois comme
une offensive du Québec qui entraînera à sa suite le reste de la fédération vers
l’érection d’un tout nouveau Canada!!! ébloui par sa performance, Jean Charest
nous demande aussi de bomber le torse de satisfaction face à cette nouvelle ère
du fédéralisme qu’il a enclenchée: c’est qu’il est modeste notre député de
Sherbrooke…

Fraîchement élu, le premier ministre du Québec représente une aubaine pour
ses homologues provinciaux: voilà un autre francophone de service qui désire
solutionner l’éternel problème du fédéralisme canadien: soit ses tendances
centralisatrices visant à uniformiser le pays. Un autre destiné à la
moulinette… Difficile d’y percevoir quelque chose de neuf là-dedans. L’épreuve
de force qui se dessine à l’horizon entre le fédéral et les provinces dès
septembre au sujet de la réforme de la péréquation dégage hélas des relents trop
familiers pour pouvoir être qualifiée de différente: Jean Charest est ainsi
drôlement culotté d’affirmer que l’option de Bernard Landry représente "le
même vieux discours et les mêmes vieilles rengaines
" alors qu’elle n’a
jamais été essayée. Fier comme un paon de ses réalisations, le chef du
gouvernement libéral à Québec devra cependant soigneusement éviter d’aborder des
sujets tel le protocole de Kyoto dans son Conseil de la fédération. Il risque en
effet d’assister au naufrage de cette structure bureaucratique plus vite qu’il
ne le pense et à prouver une fois de plus que l’unanimité des provinces est une
utopie, comme l’histoire le démontre.

En s’auto-proclamant "porteur de ballon" officiel de l’équipe provinciale
face à l’adversaire fédéral, Jean Charest espère une brèche qui affaiblira la
défensive d’Ottawa. En s’arrogeant le rôle de premier ministre du Canada lors de
son passage dans les terres de Pat Binns, monsieur Charest dévoile que son voeu
le plus cher n’est toujours pas mort. Très astucieux de sa part de s’y être
comporté comme chef de la nation canadienne: ceux qui ont assisté à sa
prestation à Charlottetown ont aimé et risquent d’en redemander. Ainsi, soyez
assurés que si une faille dans la carapace fédérale apparaît durant les
prochains mois, et que celle-ci mène tout droit à Ottawa: Jean Charest saisira
cette opportunité, même si elle exige en contre partie le sacrifice de tout un
peuple par l’abandon de la protection de sa différence en le diluant dans le
tout canadien.

Patrice Boileau
Carignan, Québec
patriceboileau@videotron.ca

(Le 13 juillet 2003)


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