VERS UNE POLITIQUE LINGUISTIQUE
Québec – Conférence du vice-recteur aux études de l’Université de
Sherbrooke.
NDLR Texte présenté par M. Denis Marceau, vice-recteur aux études de
l’Université de Sherbrooke, lors du déjeuner-causerie du Mouvement estrien
pour le français (
http://www.mef.qc.ca ), le dimanche 17 mars 2002.
Mesdames,
Messieurs,
Je vous remercie de linvitation que vous avez faite au Recteur. Jai le
plaisir de le représenter ici sur un propos intitulé : «La situation du
français à lUniversité de Sherbrooke, vers une Politique linguistique?».
Dans les prochaines minutes, je vous entretiendrai sur les motifs à l
origine du projet de développement dune politique linguistique dans notre
institution, sur le chemin parcouru jusquà maintenant et à venir pour l
élaboration de cette politique et sur certains éléments de conclusion.
Les 6 motifs à lorigine du projet de développement dune politique
linguistique à lUniversité de Sherbrooke
1er motif
Le développement de la formation continue et la délocalisation de programmes
qui bousculent lUniversité de Sherbrooke à prendre position quant à lusage
dune autre langue.
à lautomne 2000, je me faisais demander sil était possible de fournir des
attestations de diplômes en anglais aux étudiantes et étudiants inscrits à
des activités pédagogiques sur mesure données par une de nos facultés.
Accepter une telle demande présente des conséquences non anticipées. Elle
sous-entend la traduction des diplômes en anglais, ladaptation de toute la
correspondance avec ces étudiantes et étudiants et lexpectative que d
autres demandes puissent mêtre acheminées telles ladaptation des diplômes
en espagnol ou en portugais (par exemple, pour la clientèle étudiante en
provenance du Mexique, du Brésil, etc., inscrite à un programme de l
IRECUS), ladaptation des diplômes en grec (pour la clientèle étudiante
inscrite au programme de Baccalauréat en théologie dans le cadre dune
entente entre la Faculté de théologie, déthique et de philosophie et l
Académie de théologie orthodoxe de Toronto, cours offerts en grec), et l
adaptation de toute la correspondance liée à ces diplômes. Il ne faudrait
pas négliger non plus dévaluer limpact que ces nouvelles adaptations
pourrait avoir sur le système informatique. Toutefois, acquiescer à ces
demandes pourraient aussi constituer un point positif non négligeable sur le
recrutement dune clientèle étudiante étrangère, sur la mondialisation, sur
linternationalisation quon souhaite promouvoir, etc. Mais prudence avant
de trop élargir.
Il faut se rappeler, quà lUniversité de Sherbrooke, sont en français :
· les diplômes décernés (sauf les doctorats dhonneur qui sont en latin) ;
· les correspondances avec les étudiantes et étudiants ;
· les activités de promotion pour le recrutement ;
· le Règlement des études ;
· les activités pédagogiques autres que les cours de langues secondes, etc.
2e motif
Le développement de la recherche qui met une pression sur le français. Dans
certains domaines, les publications doivent être en anglais pour être
reconnues et lues. De plus, les équipes de chercheurs sont de plus en plus
internationales avec comme langue de communication, langlais.
3e motif
Lembauche de 600 personnes, dont 250 professeures et professeurs, mettra
aussi une pression sur le français. Cette embauche exigera de se tourner
vers des gens dautres pays, dont la langue maternelle nest pas le
français.
4e motif
Les demandes des associations étudiantes depuis quelques mois qui ont été
acheminées à lUniversité afin quelle se donne une politique linguistique.
La FEUS a présenté à la Direction de lUniversité un document «Affronter les
défis du vingt et unième siècle : se doter dune politique linguistique
institutionnelle»;
Parmi les 13 recommandations proposées par la FEUS, en voici quelques-unes :
· « Que, sauf exception commandée par la nature dune activité pédagogique
ou dun programme, la langue des activités pédagogiques soit la langue
française. » ;
· « Que le Service des bibliothèques de lUniversité de Sherbrooke doit
favoriser lachat douvrages scientifiques francophones, tout en continuant
de fixer son choix sur les documents de meilleure qualité.» ;
· « Que lUniversité veille à mettre à la disposition de tous les
enseignants en ayant besoin, des ressources de perfectionnement, afin de
leur permettre de parvenir à une maîtrise adéquate de la langue française
dans un laps de temps raisonnable. ».
5e motif
Les recommandations récemment déposées par la Commission des états généraux
sur la situation et lavenir de la langue française au Québec qui invitent
les universités à se donner une politique linguistique.
Parmi les nombreuses recommandations proposées dans son rapport final, la
Commission des états généraux sur la situation et lavenir de la langue
française au Québec propose aux établissements denseignement du Québec 51
recommandations, dont 5 sadressent particulièrement aux universités. Par
exemple, les trois recommandations suivantes :
· 48e
Que chaque université se dote dune politique linguistique institutionnelle
en faveur du français précisant ses objectifs en matière de gestion, d
enseignement, de recherche, de transmission de la connaissance, de service à
la communauté, de diffusion et de rayonnement du français et les
responsabilités de lensemble du personnel et des étudiants à ces égards.
· 49e
Que la responsabilité de définir et dappliquer la politique linguistique
institutionnelle de chaque université soit confiée à un comité composé de
représentants de la direction, du corps enseignant, des étudiants et du
personnel auxiliaire, rattaché directement à la plus haute autorité de l
établissement.
· 50e
Que la politique linguistique institutionnelle des universités de langue
française et de langue anglaise soit explicite quant aux mécanismes mis en
place pour permettre aux étudiants de parfaire leurs habiletés à utiliser
une langue française de qualité et la terminologie française des diverses
disciplines, notamment celles qui conduisent à des services publics.
6e motif
Lacceptation dun accord de principe au projet dune 1re politique
linguistique récemment accepté par lAssemblée universitaire de lUniversité
de Montréal. Nous serions la 2e université au Québec à nous donner une
politique linguistique institutionnelle.
Le chemin parcouru jusquà maintenant dans ce dossier de politique
linguistique et celui à venir
En septembre 2001, jai demandé avis au Conseil universitaire sur la
pertinence de se doter dune politique linguistique institutionnelle, sur la
création dun comité de réflexion sur ce sujet ainsi que sur le mandat
possible de ce dernier. Les membres du Conseil ont donné leur aval sur la
formation dun comité qui verra à réfléchir à cette politique linguistique
et sur lélaboration du mandat de ce comité. Ce comité est constitué selon
les principes de composition suivants, soit une représentante ou un
représentant des unités ou secteurs suivants :
· du Vice-rectorat à lenseignement
· de la Faculté dadministration (international)
· de la Faculté déducation ou déducation physique et sportive (formation
des enseignantes et des enseignants)
· de la Faculté de génie, de sciences ou de médecine
· de la Faculté des lettres et sciences humaines
· du Bureau de la recherche et de la coopération internationale
· du Bureau du registraire
· des employés de soutien (SEESUS)
· des chargées et chargés de cours (SCCCUS)
· de la Fédération des étudiantes et étudiants de lUniversité de Sherbrooke
(FEUS)
· du Regroupement des étudiants à la maîtrise et au doctorat de lUniversité
de Sherbrooke (REMDUS)
· de lAssociation des professeures et professeurs retraités de lUniversité
de Sherbrooke (APPRUS)
La constitution de ce comité est presque terminée. Nous prévoyons tenir
notre 1re rencontre en avril prochain et son mandat pourrait ressembler à
ceci :
· Faire linventaire et lanalyse de la situation linguistique à l
Université de Sherbrooke;
· élaborer, sil y a lieu, un projet de politique linguistique, et faire
rapport au Conseil universitaire.
Lautomne dernier, nous avons commencé à faire létat de la situation du
français à lUniversité de Sherbrooke. Par exemple, nous avons vérifié :
· dans les facultés, la langue utilisée dans les plans de cours disponibles,
les ouvrages obligatoires mentionnés et les références qui y sont données
(presque quexclusivement en français) ;
· dans les bibliothèques, la langue utilisée dans les monographies, les
banques de données, les micro-documents, les publications gouvernementales,
les revues, etc. (en anglais et en français) ;
· dans les bibliothèques, la langue utilisée dans les thèses et les
maîtrises depuis 1995, et dans les références, selon les facultés (en
français et en anglais : si en anglais, le règlement est de donner un titre
et un résumé en français).
Notre travail nest pas terminé. Nous voulons vérifier les sites WEB, la
publicité faite par lUniversité, laffichage sur le campus, etc.
Pour ce qui est de lélaboration, sil y a lieu, dun projet de politique
linguistique, elle pourrait se faire en rapport aux items suivants :
· Les principes fondamentaux guidant les pratiques actuelles et souhaitées
· La langue de ladministration
– langue des communications
– langue du travail
– qualité de la langue employée
· La langue de lenseignement
– matériel pédagogique
– mémoires, thèses, travaux, examens
– personnel
· La langue de la recherche
· Lapprentissage dautres langues par les étudiantes et étudiants
Certains éléments de conclusion
Bref, je crois que tout est mis en place pour étudier la situation du
français à lUniversité de Sherbrooke. La constitution dun comité
responsable délaborer une éventuelle politique linguistique est presque
terminée. Il sera composé de personnes provenant de multiples secteurs de
notre institution qui ont à coeur, jen suis certain, de travailler à cet
ambitieux projet. Les travaux vont débuter bientôt.
Pour terminer, je veux vous assurer que la direction de lUniversité de
Sherbrooke appuie très fortement toutes les démarches qui vont dans le sens
délaborer une politique linguistique institutionnelle. Elle veut le faire
dans une perspective dassurer à chaque étudiante et étudiant une bonne
maîtrise de la langue française et le droit davoir un enseignement en
français tout en garantissant des habiletés de base dans une 2e langue,
voire une 3e langue, et cela, en étroite collaboration avec lUniversité
Bishop, le Collège de Sherbrooke, le Collège Champlain, le Séminaire de
Sherbrooke, par le biais dune école de langue sous légide dun pôle
universitaire de Sherbrooke.