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LA VILLE DE GATINEAU EN 2026

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français

La ville de Gatineau en 2026 :

une ville de langue et de culture françaises

Mémoire d’Impératif français présenté à la Commission
des choix stratégiques de la Ville de Gatineau

LE 6 DéCEMBRE 2002

Entre langues, l’état normal, c’est la guerre.
Jean A. Laponce, Université de la Colombie-Britannique

Introduction

Fondé il y a 27 ans, Impératif français est un
organisme culturel de recherche et de communications voué à la défense et à la
promotion de la langue et des cultures d’expression française. Bien connu au
sein de la Francophonie, au Québec et au Canada, l’organisme a son siège social
en Outaouais. Il regroupe les amis de la langue et de la culture d’expression
française désireux d’en favoriser l’épanouissement. Impératif français
organise plusieurs activités ou y participe activement : la Semaine de la langue
française et de la francophonie, la Francofête, la Semaine québécoise de la
citoyenneté, la Semaine pour l’élimination du racisme, les grandes festivités
nationales du Québec, l’Outaouais en fête, les déjeuners-causeries d’Impératif
français, le Bal de l’année – la traditionnelle Fête des Rois et plusieurs
autres.

Au cours des ans, par ses nombreuses interventions dans les
dossiers touchant la langue et la culture, autant sur les plans local et
régional, que national et international, autant sur la scène québécoise que
canadienne, Impératif français est devenu un intervenant majeur dans le
dossier linguistique, grâce entre autres à son site internet (
www.imperatif-francais.org)
sur le thème de la francophonie.

étant donné qu’il a pris racine en Outaouais, plus
particulièrement à Aylmer, il est donc plus que normal qu’il intervienne auprès
de la Commission des choix stratégiques de la Ville de Gatineau.

Impératif français a articulé son mémoire autour de
trois grands axes : 1- Gatineau, une ville frontalière et excentrique, 2-
Gatineau linguistique, 3- Gatineau en 2026 : une ville de langue et de culture
françaises.

Dans son document intitulé Pistes de réflexion.
élaboration du plan stratégique de la Ville de Gatineau
, la Commission des
choix stratégiques affirme que pour avoir une vision d’avenir, il faut en somme
répondre à la question : « Dans un avenir pas trop lointain, en 2026 par
exemple, à quoi voulons-nous que Gatineau ressemble ? » La Commission ajoute
que, les décisions d’aujourd’hui influençant l’avenir, il faut « prendre les
décisions les plus éclairées possible ». La Commission précise également que
certaines décisions prises à des moments de notre histoire « ont une portée à
très long terme et mobilisent des énergies sur plusieurs générations ». « Ceux
qui les ont prises avaient une vision d’avenir », conclut-elle.

Tout ce texte de présentation est particulièrement vrai en
matière linguistique. En ce domaine, pour prendre les bonnes décisions, il faut
évaluer non pas les seules conséquences à court terme de telle ou telle mesure,
mais celles à long terme, qui sont parfois particulièrement dramatiques. En
matière de langue, les effets n’apparaissent souvent qu’après une longue
période. Par exemple, le refus des commissions scolaires pontissoises d’offrir
des services d’éducation en français dans la première moitié du XXe
siècle a entraîné une forte assimilation des francophones du Pontiac. L’effet
négatif d’une telle politique n’a été mesurable qu’une fois que l’assimilation
eût fait ses ravages. La Charte de la langue française, promulguée en 1977, a
permis d’endiguer en partie l’hémorragie que représentait, à la grandeur de
Québec, l’anglicisation des francophones et des allophones. Sans elle, jamais le
Québec n’aurait pu maintenir son caractère français. Dans les deux cas, il y a
eu vision d’avenir : pour la première, en faveur de l’anglais; pour la seconde,
en faveur du français.

La question que doivent se poser les citoyens, c’est quelle
ville doit être Gatineau dans 25 ans sur le plan linguistique. Pour y répondre,
il faut bien connaître la situation géolinguistique de la ville de Gatineau et
son portrait linguistique.

1- Gatineau, une ville frontalière et excentrique

Située au sud-ouest du Québec, la ville de Gatineau
comprend les cinq municipalités de l’ancienne Communauté urbaine de
l’Outaouais : Aylmer, Hull, Gatineau, Masson-Angers et Buckingham, lesquelles
sont regroupées depuis le 1
er
janvier 2001. Sa situation géographique la particularise.
Gatineau est en effet une ville frontalière à l’Ontario et excentrique au
Québec. Cette double caractéristique est en grande partie responsable de sa
spécificité en matière linguistique.

1.1 Une région frontalière

De chaque côté de la rivière des Outaouais, se regardent
deux systèmes, le québécois et l’ontarien, aux multiples différences :
fiscalité, enseignement, santé, commerce, environnement, main-d’oeuvre,
transports, etc. Ces particularités sont exacerbées à la fois par la
disproportion démographique entre les deux rives de l’Outaouais (24,5 % en 1996
pour la région métropolitaine de recensement (RMR) de Hull et 75,5 % pour celle
d’Ottawa) et par le poids économique inégal entre le Québec (21,5 % du PIB
canadien en 1998) et l’Ontario (41,5 %). Ces inégalités assurent à la partie
ontarienne plus de services qu’à sa contrepartie québécoise dont le relatif
sous-développement ressort d’autant. Dans certains domaines, l’éducation par
exemple, le sous-équipement de la région outaouaise est flagrant.

Ces inégalités colorent les différences culturelles, la rive
québécoise étant essentiellement de langue et de culture françaises – en 1996,
82,9 % de la population de la ville de Gatineau y a le français comme langue
d’usage, 81 % pour la RMR de Hull, -, et la rive ontarienne, principalement de
langue anglaise – 76,3 % de la population de la RMR d’Ottawa a l’anglais comme
langue d’usage. Le fait que 11,9 % de la population gatinoise soit de langue
maternelle anglaise – 14,1 % pour la RMR de Hull, 15,8 % pour l’Outaouais –
vient marquer encore plus l’opposition régionale. La minorité anglophone
augmente la force de l’anglais, alors que l’inverse n’est pas vrai. Les
francophones de la RMR d’Ottawa, qui représentent 18,4 % de la population
totale, ne jouent pas le même rôle. Leur importante assimilation, 24,7 % en
1996, à la langue anglaise a tendance, au contraire, à jouer contre le français.
Un exemple parmi d’autres est la langue des circulaires distribuées de chaque
côté de la frontière. Si certaines grandes chaînes les publient en anglais dans
la RMR d’Ottawa et en français dans celle de Hull, d’autres, nombreuses, telles
Zellers, Loeb, Loblaws, Rona, Réno-Dépôt, Métro, Jean Coutu, Pharmaprix,
Super C, Maxi, etc. préfèrent les bilinguiser pour la section québécoise tout en
conservant l’unilinguisme anglais pour la partie ontarienne. Pourtant, la
communauté francophone de la RMR d’Ottawa est plus importante que la communauté
anglophone de la RMR de Hull. Ces entreprises, non seulement font-elles peu de
cas des francophones ontariens, mais elles travaillent également à
l’assimilation des francophones du Québec.

L’économie de la ville de Gatineau est intégrée à celle
d’Ottawa-Carleton : en 1991, 25 825 résidents de la RMR de Hull travaillent pour
la fonction publique fédérale, du côté québécois ou du côté ontarien, et 30 445
autres pour des entreprises ontariennes, au total 47,7 % de l’emploi. En 1996,
pour la ville de Gatineau, ce sont 41 430 personnes qui se déplacent vers l’Est
ontarien chaque matin, soit 39,8 %. Cette dépendance envers le gouvernement
fédéral et les entreprise ontariennes n’est pas sans avoir d’importantes
conséquences sur le plan linguistique. Quand un francophone travaille dans une
entreprise ontarienne, la langue de travail est l’anglais. Quand il travaille
pour le gouvernement fédéral, que ce soit du côté québécois ou du côté ontarien,
la situation est généralement la même que dans l’entreprise privée en Ontario.
Alors que la Loi sur les langues officielles reconnaît aux fonctionnaires
francophones de la région de la capitale fédérale le droit de travailler en
français, seulement 11 % des francophones peuvent rédiger en français tout le
temps ou la plupart du temps, 77 % des francophones doivent communiquer en
anglais avec leur superviseur et 76 % des francophones affirment que l’anglais
sert exclusivement ou la plupart du temps lors des réunions internes, selon une
enquête du Commissariat aux langues officielles de mai 19951.
Dans les régions voisines de Gatineau et d’Ottawa, en 1997, 39 % de la fonction
publique fédérale, soit 23 796 personnes, et 35 % de la GRC et des institutions
et organismes pour lesquels le Conseil du Trésor n’est pas l’employeur, soit
8 164 personnes, sont de langue française2. Ces
31 960 fonctionnaires francophones qui vivent sur les deux rives de la rivière
des Outaouais travaillent très majoritairement en anglais. Pour eux, le français
est une langue qu’on laisse chaque matin à la maison… après avoir baissé le
chauffage pour qu’elle se conserve mieux !

Cet état de fait exerce d’énormes pressions en faveur d’une
bilinguisation de la ville de Gatineau, comme de l’Outaouais tout entier, et par
voie de conséquence favorise l’anglicisation des francophones et des allophones
de la région.

1.2 Une ville excentrique

Au plan politique, la deuxième caractéristique de la ville de
Gatineau est que, par rapport au Québec et à Québec, elle est excentrique. Dans
un tel contexte, par rapport à des villes comme Trois-Rivières et Sherbrooke,
d’importance comparable, la ville de Gatineau est isolée. Pour reprendre les
termes mêmes de la Commission des choix stratégiques, « [n]otre humeur
collective est […] agitée par un sentiment d’isolement » (p. 10). Par rapport
à la collectivité québécoise, ce sentiment se cristallise autour de l’autoroute
de l’Outaouais (communément appelée autoroute 50) qui se fait attendre depuis
toujours.

être une région excentrique par rapport à Québec et au Québec
a des conséquences pour la ville de Gatineau et tout l’Outaouais. Même si
Gatineau est la cinquième ville du Québec, et sa région, la troisième région
urbaine du Québec, la région est sous-équipée: institutions d’enseignement,
services de santé, réseau routier, équipements culturels, etc. Ce
sous-équipement explique la dépendance de l’Outaouais envers les infrastructures
ontariennes, laquelle recoupe celle en matière d’emploi et oblige souvent la
région à fonctionner dans une autre langue et une autre culture, au travail ou
ailleurs. Le phénomène crée une acculturation. C’est ce qui en partie explique
que, en règle générale, les indicateurs de bien-être, autre qu’économiques ou
matériels, se situent sous la moyenne québécoise.

L’état de santé de la population présente un bilan
ambivalent: face au profil général marqué par la jeunesse et des revenus
supérieurs à la moyenne québécoise, les statistiques d’espérance de vie, de
naissances prématurées ou de petits poids et de mortalité générale sont
pires que la moyenne.3

Ce qui se passe dans l’éducation en Outaouais illustre de
façon exemplaire les conséquences d’une anglicisation trop présente et son
corollaire, l’acculturation. Sur le plan éducatif, l’Outaouais est caractérisé
par deux phénomènes. Parce qu’il s’agit d’une région où la demande en diplômés
de tous ordres est très forte à la fois à cause de la présence du gouvernement
fédéral, mais aussi des entreprises de haute technologie, s’y retrouve donc une
forte proportion de diplômés. En fait, sur ce plan, la région est plus
scolarisée que l’ensemble du Québec. En haut de la pyramide, 13,3 % ont un
diplôme d’études universitaires en Outaouais contre 12,2 % pour le Québec. Puis,
petit à petit, l’écart se resserre et s’inverse. Si en Outaouais, il y a plus de
diplômés postsecondaires qu’au Québec, il est normal qu’en bas de la pyramide,
il y ait plus de diplômés du secondaire au Québec (17,5 %) qu’en Outaouais
(16,1 %). Ce qu’il y a d’anormal, c’est que le pourcentage de la population
n’ayant pas de diplôme d’études secondaires soit plus important en Outaouais
(19,9 %) qu’au Québec (17,4 %). Le phénomène est une conséquence, entre autres,
de la défrancisation de la société outaouaise et de l’acculturation qui
s’ensuit. Normalement, une population à haut niveau de scolarité ne produit pas
un haut niveau de décrocheurs.

Tableau 1.1

Population active âgée de 15 ans et plus selon le plus haut
niveau de scolarité atteint, Outaouais et ensemble du Québec, 1996

Outaouais

Québec

études universitaires avec diplôme

13,3 %

12,2 %

études universitaires sans diplôme

8,3 %

8,0 %

études collégiales avec diplôme

14,9 %

15,1 %

études collégiales sans diplôme

7,1 %

7,2 %

Certificat ou diplôme d’une école de métier

3,9 %

4,5 %

Diplôme d’études secondaires

16,1 %

17,5 %

études secondaires non terminées

19,9 %

17,4 %

études primaires

16,5 %

18,1 %

Source : Recensement 1996, Statistique Canada

Le phénomène est encore plus palpable si on ne cible que la
population des 15 à 24 ans. En Outaouais, 43 % des jeunes de 15 à 24 ans n’ont
pas de diplôme d’études secondaires contre 36,9 % pour le Québec. Pire, tous les
indicateurs de scolarisation montrent que l’Outaouais scolarise moins ses jeunes
que le Québec.

Tableau 1.2

Population active âgée de 15 à 24 ans selon le plus haut
niveau de scolarité atteint, Outaouais et ensemble du Québec, 1996

Outaouais

Québec

études universitaires avec diplôme

5,0 %

5,1 %

études universitaires sans diplôme

8,8 %

9,3 %

études collégiales avec diplôme

13,9 %

14,5 %

études collégiales sans diplôme

14,4 %

16,1 %

Certificat ou diplôme d’une école de métier

1,3 %

2,0 %

Diplôme d’études secondaires

13,8 %

16,0 %

études secondaires non terminées

35,4 %

30,4 %

études primaires

7,6 %

6,5 %

Source : Recensement 1996, Statistique Canada

2- L’Outaouais linguistique

Cette double caractéristique de la ville de Gatineau a des
conséquences importantes sur les plans linguistique et culturel. Quelques
données comparatives permettront de les mesurer. Normalement, une langue
majoritaire sur un territoire donné y jouit d’une force d’attraction qui lui
permet d’assimiler les autres langues. Ainsi, dans la RMR d’Ottawa, l’anglais,
qui est majoritaire, possède cette force d’attraction. En 1996, ses locuteurs
anglophones augmentent de 17,5 % au détriment des francophones (- 24,7 %) et des
allophones (- 40,9 %).

à Gatineau, le français n’a pas cette force d’attraction :
son nombre de locuteurs augmente à peine de 0,1 % ou 129 personnes. Pour la RMR
de Hull, on assiste à une légère diminution de 0,1 % ou 290 personnes. Ce n’est
pas le français qui se conduit comme la langue de la majorité dans la ville de
Gatineau, mais bien l’anglais dont les locuteurs augmentent de 14,7 % en 1996 –
de 13,7 % pour la RMR de Hull.

Tableau 2.1

Langue maternelle, langue d’usage et solde des transferts
linguistiques,

RMR-HULL, Gatineau et RMR-Ottawa, 1996

RMR Hulla

Gatineau

RMR Ottawab


Français
Langue maternelle
(%)

198 902
(81 %)

179 028
(82,9 %)

139 190
(18,4 %)

Langue d’usage (%)

198 612
(80,9 %)

179 157
(82,9 %)

104 768
(13,9 %)

Solde des
transferts linguistiques (%)

– 290
(- 0,1 %)

+ 129
(0,07 %)

– 34 422
(-24,7 %)


Anglais
Langue maternelle
(%)

34 527
(14,1 %)

25 660
(11,9 %)

490 680
(64,9 %)

Langue d’usage (%)

39 257
(16 %)

29 436
(13,6 %)

576 426
(76,3 %)

Solde des
transferts linguistiques (%)

+ 4 730
(13,7 %)

+ 3776
(+ 14,7 %)

+ 85 746
(+ 17,5 %)


Autres
Langue maternelle
(%)

12 017
(4,9 %)

11 317
(5,2 %)

125 620
(16,6 %)

Langue d’usage (%)

7 577
(3,1 %)

7 407
(3,4 %)

74 276
(9,8 %)

Solde des
transferts linguistiques (%)

– 4 440
(- 37,9 %)

– 3 910
(- 34,5 %)

– 51 344
(- 40,9 %)

a Comprend Buckingham, Masson-Angers, Gatineau, Hull, Aylmer,
Val-des-Monts, Cantley, Chelsea, municipalité de Pontiac, La Pêche.

b Comprend Clarence, Rockland, Cambridge, Casselman, Russell,
Osgoode, Cumberland, Gloucester, Vanier, Rockcliffe Park, Nepean, Ottawa,
Rideau, Kanata, Goulbourn, West Carleton, South Gower.

Source : Recensement du Canada, 1996.

Le tableau 2.2 montre que les soldes des transferts
linguistiques favorisent l’anglais, alors que si le français se conduisait en
langue majoritaire à Gatineau, ou dans la RMR de Hull, il attirerait à lui
l’ensemble des transferts linguistiques comme c’est le cas pour l’anglais dans
la RMR d’Ottawa. Dans les faits, ce sont les locuteurs francophones qui
s’assimilent à la langue anglaise.

Tous les autres indicateurs en matière linguistique sont
à l’avenant. Les bilingues sont normalement les minoritaires. Les tableaux 2.2
et 2.3 montrent que, dans la RMR d’Ottawa, ce sont les francophones et les
allophones qui assument le bilinguisme. à Gatineau, ou dans la RMR de Hull, la
normalité voudrait que ce ne soit pas la langue majoritaire qui assume le
bilinguisme. Pourtant ce n’est pas le cas. Les francophones sont plus bilingues
que les anglophones.

Tableau 2.2

Connaissance des langues, Gatineau, RMR-HULL et RMR-Ottawa,
1996

Français

Anglais

Les deux

Aucune des deux

Total

Gatineau

66 890
31 %

12 660
5,9 %

135 170
62,5 %

1 275
0,6 %

216 005
100 %

RMR Hull

74 245
30,2 %

17 500
7,1 %

152 405
62,1 %

1 295
0,5 %

245 445
100 %

RMR Ottawa

15 535
2,1 %

441 200
58,4 %

288 385
38,2 %

10 380
1,4 %

755 500
100 %

Source : Recensement du Canada, 1996.

La différence de comportement en matière linguistique est
évidente. Lorsqu’on met en rapport la langue d’usage et la connaissance des
langues, il est évident que ce sont les francophones qui assument le
bilinguisme. à Gatineau, ce sont les francophones (62,6 %) qui sont nettement
plus bilingues que les anglophones (50,7 %).

Tableau 2.3

Connaissance des langues, Gatineau, RMR-Hull et RMR-Ottawa,
1996

Français

Anglais

Aucune des deux

Les deux

Gatineau

Français

37,4 %

62,6 %

Anglais

49,3 %

50,7 %

Autres

11,1 %

88,9 %

RMR Hull

Français

37,4 %

62,6 %

Anglais

44,6 %

55,4 %

Autres

17,1 %

82,9 %

RMR Ottawa

Français

14,8 %

85,2 %

Anglais

76,5 %

23,5 %

Autres

14 %

86 %

Source : Recensement du Canada, 1996.

3- Gatineau en 2026 : une ville de langue et de culture
françaises

Sur le plan linguistique, Gatineau ne se conduit pas comme
une ville majoritairement de langue française. Le fait qu’elle soit frontalière
à l’Ontario et excentrique par rapport à Québec n’est pas étranger à ce
comportement. Dans ses choix stratégiques, la Commission doit donc prendre en
compte ce phénomène pour fixer les politiques linguistiques des vingt-cinq
prochaines années. Pour Impératif français, en matière de langue, la ville de
Gatineau dans 25 ans, doit être une ville de langue et de culture françaises.

Mais simplement le dire ne suffit pas. Pour y arriver, pour s’en assurer, la
Ville de Gatineau doit prendre les moyens pour minimiser les impacts négatifs
sur les plans culturel et linguistique d’un contexte régional particulier et
prendre des mesures de promotion de la langue et de la culture françaises.

En 1996, la nouvelle ville de Gatineau était à 82,9 %
francophone, à 11,9 % anglophone et à 5,2 % allophone. Individuellement, chacune
des anciennes villes était majoritairement francophone : 61 % pour Aylmer
(33,1 % pour les anglophones et 5,9 % pour les allophones), 81 % pour Hull
(9,1 % et 9,1 %), 89,3 % pour Gatineau (7 % et 3,7 %), 88,6 % pour Buckingham
(10,9 % et 0,5 %), 95,6 % pour Masson-Angers (3,9 % et 0,5 %). Pourtant, malgré
son poids démographique nettement supérieur, le français assimile peu (0,07 %),
tandis que l’anglais, avec un poids démographique bien moindre, assimile
beaucoup (14,7 %). La langue anglaise performe 210 fois plus que la française. à
la lumière de ces données, il est évident que, dans le contexte outaouais très
particulier, toute politique de bilinguisme va automatiquement favoriser la
langue la plus forte, soit l’anglaise, d’autant que les francophones gatinois
sont plus bilingues que leurs homologues anglophones : 62,6 % contre 50,7 %
(Gatineau, 1996). Il serait donc irresponsable d’instaurer des politiques
linguistiques de bilinguisation qui, à Aylmer, maintiennent l’anglicisation des
francophones et des allophones. En effet, alors que la population anglaise
minoritaire y augmente de 19,1 %, la population française, pourtant majoritaire,
diminue de 5,4 %. En appliquant des mesures de bilinguisation, par exemple la
distribution de ses documents dans les deux langues à l’ensemble des citoyennes
et citoyens, la Ville ne fait plus la promotion de la langue française, mais
bien plutôt favorise l’unilinguisme des anglophones et le bilinguisme des
francophones. Des mesures de ce type ne permettront jamais que le français
devienne la langue d’usage public (administratif et commercial) à Gatineau et en
Outaouais.

D’une part, le gouvernement du Québec n’a jamais eu comme
intention avec la fusion des cinq grandes villes de l’Outaouais, de faire en
sorte qu’elles se bilinguisent. L’objectif en était un de rationalisation
administrative, d’équité en matière de taxation, d’amélioration du développement
économique en éliminant les oppositions locales. D’autre part, la Charte de la
langue française, bien qu’elle permette d’assurer, par mesure de courtoisie,
certains services à caractère individuel en langue anglaise, n’a jamais eu comme
objectif de bilinguiser les documents, l’administration et les services de la
nouvelle ville de Gatineau, comme le souhaitent certains membres de la
communauté anglophone. à ce propos, il est bon de rappeler que, lors des débats
sur la loi 86, Claude Ryan avait précisé que la possibilité d’afficher dans les
deux langues au Québec devait être perçue comme restrictive. à partir du moment
où tous les grands magasins et commerces l’appliqueraient, cela irait à
l’encontre de l’esprit de la loi. Quand la charte permet d’offrir un document en
anglais, ce n’est pas pour qu’il y ait bilinguisation de l’ensemble des
documents offerts aux citoyens. Il s’agit de rendre légales des mesures de
courtoisie, par exemple émettre un compte de taxe en version anglaise uniquement
aux citoyens qui en font expressément la demande. Invoquer des règlements de la
Charte pour bilinguiser la ville de Gatineau, c’est obliger Québec à promulguer
de nouveaux règlements plus restrictifs.

La Ville de Gatineau a un rôle à jouer dans le maintien et
l’épanouissement de la langue et de la culture françaises non seulement à
l’intérieur de ses frontières mais dans tout l’Outaouais. Y faire du français
une langue majoritaire normale, qui attire donc autant que l’anglais assimile
dans le reste du Canada, n’est pas en soi un problème linguistique.
Intrinsèquement, toutes les langues se valent, puisqu’elles permettent toutes de
communiquer. Leur inégalité, phénomène incontestable, s’explique par des
facteurs extrinsèques, soit démographique, politique, économique, social ou
culturel. C’est donc en jouant sur les différents facteurs qu’on vitalise une
langue ou qu’on l’affaiblit. La Ville de Gatineau doit, en fonction de ses
moyens, prendre des mesures pour assurer la vitalité de la langue française.
Bien évidemment, elle ne peut agir sur l’ensemble des facteurs. Elle n’en a ni
les pouvoirs politiques ni les moyens financiers. Ainsi, elle ne peut guère
obliger le gouvernement fédéral à respecter ses propres règles en matière de
langue de travail. Mais, toujours dans la mesure de ses moyens, elle peut jouer
un rôle important dans le maintien et l’épanouissement de la langue française,
même si le contexte régional – ville frontalière et excentrique – limite sa
marge de manoeuvre. Par exemple, elle peut cibler tout particulièrement les
francophones ontariens dans ses campagnes pour attirer de nouveaux résidants,
afin de maintenir le poids démographique de la langue française. Dans son
travail de prospection de nouvelles entreprises, la Ville de Gatineau devra
toujours être très claire en ce qui a trait à la langue de travail sur le
territoire québécois.

à la lumière des constats précédents, pour Impératif
français, en 2026, la ville de Gatineau doit être une ville de langue et de
culture françaises.
Pour s’assurer que cette vision d’avenir se concrétise,
la Ville doit affirmer clairement que le français est la langue de la
nouvelle ville de Gatineau et la langue d’usage public sur son territoire.
à
ces principes de base, doivent s’ajouter des pratiques concordantes. Il est
inutile d’affirmer que la ville de Gatineau est une ville française et du même
souffle distribuer ses documents dans les deux langues, présenter des vidéos
bilingues, avoir un système téléphonique qui commence par orienter l’anglophone
avant même de l’avoir fait pour le francophone4,
offrir des activités en anglais ou bilingues, obliger la fonction publique
municipale d’être bilingue, etc. Il ne faudrait pas, comme le font trop
régulièrement les politiciens, faire par la porte d’en arrière le contraire des
principes énoncées « à la porte d’en avant ».

Parce qu’elle est frontalière à l’Ontario et excentrique au
Québec, la ville de Gatineau aura à faire face à d’importantes pressions en
faveur d’une bilinguisation, d’autant que la minorité anglaise recevra l’appui
de la communauté anglophone de l’Ontario, comme l’illustre l’implication de l’Ottawa
Citizen
et de l’Alliance canadienne. Il faudra donc au conseil de la
nouvelle ville de Gatineau un courage certain.

L’important est que dans 25 ans, en 2026, la ville de
Gatineau soit résolument de langue et de culture françaises.


1. Commissaire aux langues officielles, Langue de travail
dans la région de la capitale nationale
, p. 7, 9, 11.
2. Conseil du Trésor, Rapport annuel sur les langues
officielles 1997-1998
, p. 83-85.
3. Pistes de réflexion, p. 4.
4. La peur d’effaroucher l’anglophone ressemble à ce restaurant
de Gatineau qui offre à ses clients de langue anglaise un menu en anglais pour
ne pas que leur vue soit blessée par la langue française et des menus bilingues
pour les francophones.


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Source :

Impératif français
Recherche et communications
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