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À LA LUMIÈRE DE L’OBSCURITÉ

à la lumière de l’obscurité

Lettre ouverte à la radio de Radio-Canada

Propos : émission « 100% pas pressé », Québec, première chaîne radio, samedi matin le 26 oct. ’02, en particulier vers 06:45 et 07:45.

Je désire, concernant Radio-Canada, joindre ma voix critique à celles qui s’expriment assez régulièrement depuis quelque temps (notamment sur le site «Impératif français»*), et singulièrement (pure coïncidence?) depuis que M. Robert Rabinovitch en tient les rênes sous l’égide de M. Jean Chrétien.

Auprès de l’animatrice principale (désolé! j’ignore son nom), le journaliste Paul Ouellet entretient les auditeurs des manchettes des journaux du jour. Celui-ci détaille un peu plus les événements récents relativement à la prise d’otages, à Moscou, par un commando tchétchène.

Exemples du langage utilisé :

>> « Ils seraient péris…», « des otages tués par erreur [!!!] », et autres incongruités analogues que j’ai hélas! déjà oubliées.

>> Utilisation du passé composé, forme active ou passive (ils ont entendu, ils ont fait, ils sont entrés lorsqu’ils…), plutôt que le (prudent) conditionnel. Il est clair en l’occasion que le journaliste véhicule la version "officielle" des intervenants de la sûreté publique moscovite (voire russe). Par exemple (je cite de mémoire): «Les membres de l’escouade sont entrés dans le théâtre quand ils ont entendu des coups de feu…», etc. Or comment peut-on de manière professionnelle affirmer comme étant des faits avérés, sans autre précaution, des informations qui proviennent de l’une des sources seulement (a fortiori s’il s’agit de "belligérants") impliquées dans la tragédie? Comment peut-on se voir convaincu qu’il n’y a pas eu, par exemple, pénétration violente des lieux sans avertissements ni négociations sérieuses de la part des autorités locales avec les présumés "terroristes", etc.? Jusqu’à confirmation des faits de manière convaincante et formelle, un journaliste vraiment professionnel se serait abstenu d’utiliser le «présent effectif» pour s’en tenir plutôt au conditionnel – c’est-à-dire, à l’hypothétique. Selon nos sources…

>> Notre revuiste de presse nous jette dans le répétitif, le redondant et surtout l’insignifiant (au sens strict du terme [et non: moral], i.e.: non vraiment signifiant): «au niveau de…», «au niveau de…», «au niveau de…». Dans une copie du Secondaire, chez l’élève de quinze ans, on biffe ça comme une grosse faute de langue. Quand on dit "pauvreté de vocabulaire" à la SRC… M’dame.

>> La personne en question nous présente ensuite, et le plus sérieusement du monde, rien moins que sa théorie de l’Américain – plutôt porté à la violence -, par distinction du Canadien qui, de tout temps semble-t-il, privilégierait la négociation (sans aucun doute: parlez-en au premier ministre actuel du Canada, à son mentor Pierre Elliot Trudeau ou à Stéphane Dion… m’enfin). Or je veux bien que M. Paul ait des opinions personnelles (d’autant plus que, en soi, ça se défendait quand même… même si pas très original: c’est du déjà-lu et entendu), mais est-ce le lieu et le temps de mélanger sans distinguos la vraie nouvelle factuelle (revue de presse) avec les p’tites lubies personnelles et fort subjectives des animateurs? On dénote assurément ici un manque flagrant de professionnalisme. On confond tout, quoi. Au mieux, si on reste un tantinet complaisant, pareille attitude relève du plus parfait mauvais goût. Chez certaines radios communautaires ça peut passer, mais à Radio-Canada??? Si autrefois nullement, maintenant tout à fait!

>> Autres propos de même teneur. Par exemple, encore bien sérieusement comme s’il ne s’agissait même pas d’«une façon de parler», M. Ouellet nous dit qu’il ne voudrait pas vivre à Moscou de ce temps là avec, et je cite, «un militaire à tous les pieds carrés»… Décidément, l’objectivité de la revue de presse convole chez cet individu avec les propos les plus approximatifs, voire adolescents.

Eh oui ! «C’est ça Radio-Canada, désormais». On n’a qu’à écouter Lamarche en après-midi, en semaine, ou Claude Thibodeau au petit matin. Avec leur équipe respective… Peu importent au fond l’émission et les personnes spécifiquement concernées. Il s’agit ici d’une simple illustration – parmi moult – de la dégradation générale de la qualité chez Radio-Canada. Et ce, c’est on ne peut plus clair, jusque dans le bastion autrefois jalousement préservé des bacilles de l’inculture, de la joualité et du relâchement global: l’information.

Comme si Radio-Canada avait égaré dans un trou noir tout sens de l’excellence.

Nous avons une antenne publique devenue (au Québec) instrument de propagande pro-canadienne; nous avions des émissions culturelles qui relèvent de plus en plus de la «variété»; nous avions droit à une solide langue parlée, on sombre dans la pauvreté linguistique et l’approximation; nous avions (de Félix à Piaf) de la belle chanson française devenue maintenant portion congrue, alors qu’on nous inonde de toutes sortes de musique comme pour mettre l’auditoire sur le gaz (rien à voir avec celui de Brel!). Et puis enfin, de l’amateurisme jusque dans le créneau réputé excellent de Radio-Canada.

Mais où s’en va donc la SRC ???

Les «quelques-ceux» qui s’en tirent, fort peu nombreux et progressivement réduits en nombre comme peau de chagrin (on le devine), eh bien on les ‘rapatrie’ de la Capitale vers Montréal…

Bon, je ne m’éterniserai pas. Car si je vous acheminais par courriers ou courriels toutes les élucubrations du réseau, tout mon temps, libre ou non, y passerait en cinquième vitesse. J’ai trouvé une manière de contourner pareille corvée: fermer mon poste le plus souvent, et me contenter de mon baladeur ou de mes disques audio-numériques. Et la lecture, bien sûr.

Une dernière vétille, pour terminer. L’animatrice (en chef!) nous a également donné un beau calque de l’anglais: «passé date». Judith Jasmin (bien que je sois trop jeune pour l’avoir connue) ou Henri Bergeron se seraient tranchés un doigt avant d’éructer pareil vocable. C’est dire qu’hier encore (Aznavour maintenant…) on ne disait pas n’importe quoi.

Eh oui ! «C’est ça Radio-Canada, désormais». Somme toute, Jean Chrétien aura peut-être influencé ces lieux – parfois de mésinformation – plus encore qu’on ne l’eût cru…

Je reste avec une question en travers du coeur : Sommes-nous donc un peuple si indigent intellectuellement pour nous révéler à ce point incapable de produire plus d’un René Lévesque (pour ne nous en tenir qu’à l’animateur de «Point de mire», émission que je n’ai pas connue non plus d’ailleurs…) ou une Anne-Marie Dussault par demi-siècle???

Louis Gauthier

LG.Qc@Voila.Fr

simple citoyen du Québec,

et autrefois auditeur régulier des antennes de la SRC

Ce 26 octobre 2002

* Illustrations parmi les plus récentes critiques publiques :
«Happy Birthday SRC»
«Mediumcrité…»

ou «Canadian Rule…»

NOTE : Courriels utiles pour établir contacts avec la SRC : auditoire@fr.radio-canada.ca (=> adrélec générale), andre_chouinard@radio-canada.ca, matinauxpresto@radio-canada.ca, lumiere@montreal.radio-canada.ca, aux_arts_etc@radio-canada.ca

PS : Dans le cadre du même événement (prise d’otages à Moscou), j’ai également sur les ondes radio-canadiennes entendu le terme anglais: «raid» (plutôt que: assaut). Et à propos des tireurs embusqués (à l’affût) de Washington, on a plus d’une fois privilégié: «snipers»… à croire que nous modelons notre lexique sur celui de… la France. Il est vrai qu’on a nous aussi nos Cauchon prêts à vendre au plus offrant nos Jeanne d’Arc.


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