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DITES PLUTÔT “CENTIMES”

DITES PLUTôT "CENTIMES"
J’aurais pu écrire aussi : Ne disez pas "cents", dites "centimes"

mais…

Voici le texte de la carte blanche que j’ai écrite dans Le Soir du samedi 19
janvier 2002, à l’occasion de mon anniversaire :

http://users.skynet.be/Landroit/centime.html

Carte blanche

La guerre du centime aura-t-elle lieu ?

Henry Landroit
Président du CQFD (« Cercle de qualité du français dynamique », département
autonome de la Maison de la Francité), pédagogue

Depuis le 1er janvier, en ai-je entendu des « cents » par ci et des
« cents » par là. à chaque fois, avec gentillesse, je précise : « Vous savez
que vous pouvez dire centime ? » Mon marchand de frites : « Que ce soit des
cents ou des centimes, c’est toujours de l’argent, hein » Ma caissière de
grande surface : « Centimes ? Non, ce sont des cents. » Ma bouchère : « Moi,
je dis cents, pour ne pas les confondre avec les centimes. » Ma pharmacienne
: « Je dis centime, pourquoi ? » Ouf enfin une qui est sur la bonne voie…
Mon épicier (d’origine maghrébine) : «Moi, je dis aux gens : Vous parlez
français ? Alors, dites centime » Encore un…

Remarquez que je précise à chaque fois : « Vous pouvez dire… »
C’est-à-dire que je tente de renvoyer mon interlocuteur à une prise de
conscience de la langue qu’il utilise. « Centime », en effet, est un vrai
mot français. « Cent » – du moins prononcé « sennt » -, quant à lui, est un
mot anglais. Anglais ? Alors que l’Angleterre est rétive à l’euro ? C’est un
comble quand même …

Est-ce devenu tellement ringard que de demander d’utiliser des mots français
lorsqu’un concept nouveau s’introduit dans la langue ? Au fait, le « cent »
est-il vraiment un concept nouveau ? Non, c’est la centième partie de
l’euro. Or la centième partie d’une unité monétaire, c’est le centime, du
moins en français.

Le site internet officiel de l’euro l’a bien compris, lorsqu’il prescrit :
Le terme eurocent n’est pas recommandé, mais il figurera sur les six plus
petites pièces de monnaie en euro, au lieu de cent, pour éviter toute
confusion avec les pièces en dollar américain. D’autre part, il est légitime
d’utiliser le mot centime(s) dans la langue courante (1). »

Le Conseil supérieur de la langue (Communauté française) a adopté le 20 juin
2001 une recommandation qui indique également d’utiliser « centime ».

Le règlement du Conseil de l’Union européenne concernant l’introduction de
l’euro (7 juillet 1997) prévoit explicitement la liberté pour chaque pays
d’adapter le vocabulaire à ses usages.

Mais, direz-vous, est-ce si important, cent ou centime ? Cette discussion
peut apparaitre comme oiseuse ou pire face aux grands problèmes qui agitent
notre société. Je crois personnellement qu’elle est tout simplement
révélatrice d’une attitude culturelle plus générale qui nous amène à
accepter sans sourciller que notre avion soit « surbooké », notre ordinateur
« on-line », le nouveau Musée d’art contemporain à Hornu baptisé « Mac’s »,
notre chef « top-manager » et la compagnie de Maurice le « Béjart Ballet
Lausanne »…

Nous entrons dans une ère où la paresse linguistique est telle que nous ne
réagissons même plus. Nous sommes devenus incapables non seulement
d’inventer notre langue mais d’utiliser les mots de notre langue pour
désigner des réalités nouvelles.

Nos hommes politiques ne donnent en général pas le bon exemple. Parlons
encore de l’introduction de l’euro. Pourquoi appeler « euro starter kit »
les pièces et billets proposés aux commerçants fin de l’année dernière ?

C’était le moment de faire preuve d’imagination créatrice et de parler
d’eurocaisse » ou d’inventer un mot-valise du genre « démareuro ». C’était
trop demander…·

______
(1) Adresse :
http://euro.fgov.be


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