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QUAND LE PAYS EST TOUT MOUILLÉ!

Quand le pays est tout mouillé!

Nestor Turcotte
philosophe

La pluie a fondu sur mon pays. La brume a caché mon fleuve bleu d’été,
évacué mes montagnes verdoyantes et «sapinées». Le pays est tout mouillé
et la brume l’a fait disparaître dans les blanches matinées. Le soleil ne
réchauffe plus les sillons de mon jardin et les légumes sont en beau maudit de
voir tant de pluie les laver, tant d’eau les arroser et les humecter. Les
pelouses sont tellement vertes d’être tant arrosées, qu’elles sont toute
détrempées, imbibées, tassées, presque tapissées de cette verdoyante
verdure que je ne leur connaissais pas dans les années passées. La pluie a
pris les dimensions de mon pays et le pays ne sait plus quand tout cela va s’arrêter.

L’été de juillet se pense au mois d’avril passé et les fleurs du mois
de mai sont pleines de couleurs de septembre annoncé. A cause de la froidure
des nuits qui commencent à empiéter sur le soleil diurne dissimulé, à cause
des degrés qui ont peine à monter, à cause des degrés, tout frileux, qui ne
cessent de dégringoler, certains pensent que le pays ne pourra plus être
habité, reprendre ses teintes et ses couleurs d’été auxquelles il nous
avait habitués.

La nature de mon pays s’est déchaînée et elle s’est perdue dans la
brume que d’aucuns pourraient pelleter. Les touristes passent au ralenti,
comme pour se demander, d’où vient ce malheur sur la Gaspésie, en plein mois
de juillet, en tant de jours additionnés. Le pays pleure et pleure sans cesse,
en gros nuages crevés, bousculés, par la tornade dissimulée, quelques
morceaux d’arc-en-ciel improvisé, dans mon ciel noir dessiné. Les regards
sont sans cesse tournés vers le soleil couchant qui ne peut plus se livrer,
comme pour se demander si demain, il pourra enfin se montrer.

Le pays de mon quartier, de ma ville, de ma Gaspésie est trop mouillé. Je
ne sais que faire de tant de prodigalités; je ne sais que faire d’une nature
qui semble nous avoir oubliés. Il faut espérer que l’été commencera avant
le prochain mois d’août arrivé, sinon, on devra se contenter d’avoir
rêvé d’un été dans la normalité, et imaginer un automne aux couleurs d’un
été qu’on aura déjà oublié.

Le pays n’a pas pu livrer l’été qui était supposé. Bien sûr, et on
ne peut pas faire autrement et l’accepter. Pour ceux qui doutent que les
saisons soient inversées, attendez l’hiver qui vient et ne se fait jamais
oublier. Il y a une saison dont le pays ne peut pas se passer, c’est celle qui
dessine les arpents de neige dans les champs enneigés, celle qui ensevelit mon
jardin qui n’a pas toujours bien poussé. Le pays est tout mouillé et
détrempé. Il pisse d’une telle abondance que certains le pensent noyé.
Mais, il vient déjà le temps où il sera tout gelé. ça, peu importe ce qui
est arrivé, on y arrive toujours trop vite, et sans jamais ne pas y passer.

En attendant que le soleil dissipe la brume, les nuages, et les pans d’humidité
du pays bien enraciné, je fais le rêve du pays qui malgré la brume qui m’empêche
de lire son contour obligé, éclate dans les lumières d’un été qui fera
tout triompher. Il y a des saisons qui semblent ne rien produire dans le vaste
monde des changements brusques et inavoués, mais qui donnent des fruits
inespérés. Au-delà de la pluie, de la brume accumulée, se cache sans doute
un soleil de liberté. J’entends la bourrasque qui va tout précipiter et
faire jaillir une aurore ensoleillée. Quelque temps encore à espérer, et le
miracle ne saurait tarder. On ne peut pas vivre constamment dans la brume et la
peur de s’épanouir en pleine clarté. J’entends déjà les rires de ceux
qui ont franchi les peurs cachées, pour danser sur les rives du pays rêvé!
Ils sont assez nombreux pour ne plus les compter. On n’additionne pas les pas
de ceux qui marchent vers la liberté. On les vit tout simplement en toute
normalité.

Nestor Turcotte
Matane

aristote@globetrotter.net

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