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NOUS NE SOMMES PAS DES STEAKS HACHÉS

NOUS NE SOMMES PAS DES STEAKS HACHéS !

Après l’affaire José Bové, l’image de McDo en a pris un coup.

McDonald’s goûte au conflit social
à Paris, des grévistes bloquent l’exploitation d’un
fast-food.

Par THOMAS LEBèGUE

Le mercredi 27 décembre 2000

La même méthode que chez Disney

La direction nationale de McDonald’s a du mal à gérer la
grève de Saint-Germain. Vendredi, elle a signé un protocole de fin de conflit
avec trois syndicats (CGC, FO, CFDT) qui ne participent pas à la grève. C’est
exactement la même méthode que chez Disney, estime Jean-Claude Tufferi,
délégué CGT. On isole les syndicats présents sur le terrain et on profite de
la jeunesse des salariés pour leur faire signer un accord à la va-vite. Un
gréviste évoque même une proposition financière individuelle pour arrêter
la grève… C’est évidemment un mensonge, estime William Harnieh, gérant de
McDonald’s Restaurants. Nous avons essayé de discuter avec les salariés, mais
une quinzaine d’individus mal organisés refusent toujours de signer. Dans
l’état actuel des choses, nous n’irons pas plus loin. Hier, la CGT et la CFTC
ont proposé de finaliser un protocole d’accord concernant uniquement
l’établissement de Saint-Germain. T.L.

THIERRY DUDOIT

Depuis treize jours, le McDo de Saint-Germain est occupé par
une quinzaine des 70 salariés, étudiants pour la plupart, emmenés par la CFTC
et la CGT. Nous ne sommes pas des steaks hachés! Le mégaphone porte loin sur
le boulevard Saint-Germain, l’une des grandes artères commerciales du Quartier
latin, à Paris. Les touristes, nombreux en cette période, se rapprochent du
restaurant dont l’enseigne leur est familière. McDonald’s is on strike (McDo
est en grève), explique un jeune gréviste à un couple britannique. Qui
sourit, incrédule, et décide de signer la pétition. Au treizième jour de la
grève, 15 000 signatures ont déjà été recueillies. C’est un signe de
l’évolution de l’opinion publique, estime Rachid, jeune délégué CFTC. Après
l’affaire José Bové, l’image de McDo en a pris un coup. Et depuis qu’on a
passé Noël ici, notre mouvement est devenu très populaire dans le quartier.
Le McDo de Saint-Germain est occupé jour et nuit par une quinzaine des 70
salariés du restaurant. Des étudiants pour la plupart, qui découvrent
l’âpreté de l’action syndicale. Les drapeaux rouge (CGT) et bleu (CFTC) sont
solidement installés, et la grève se mue en occupation sine die des locaux du
géant américain. Même si une équipe déléguée par la direction fait
tourner la cuisine à vide.

Mouvement surprise. Cette grève est née d’un
ras-le-bol général, explique Jérôme, six ans de McDo, délégué CGT. Nous
l’avons longuement préparée en dehors des heures de travail. On a vu chaque
salarié un par un. Tous nous ont dit qu’ils ne supportaient plus leurs
conditions de travail. Le 14 décembre, la quasi-totalité des jeunes salariés
(23 ans de moyenne d’âge) a cessé le travail sans crier gare. Du jamais vu au
sein de la multinationale du fast food, qui doit faire face à nombre de
revendications: reconnaissance de l’ancienneté, droit à la formation
professionnelle, suppression des coupures horaires en pleine journée, prime de
fin d’année… Des revendications classiques, en somme. Mais ici, 80 % des
salariés sont des étudiants travaillant à temps partiel et payés au Smic
horaire. Travailler à McDo, c’était un job d’appoint, poursuit Jérôme. Mais
comme la plupart d’entre nous y bossent toute l’année, on a décidé de réagir
en salariés. Et de mener une grève dure, avec occupation des locaux et choc
frontal avec la direction. Qui s’est d’ailleurs retranchée au premier étage du
restaurant, laissant les grévistes occuper (et redécorer) le rez-de-chaussée.

Pour comprendre le malaise, il faut se plonger dans
l’organisation interne de McDo. Au bas de la hiérarchie, se trouvent les
équipiers polyvalents, une main-d’oeuvre étudiante, corvéable à merci. McDo
a toujours préféré les petits contrats de 18 ou 20 heures par semaine,
explique un salarié, car il faut gérer les deux pics journaliers, entre midi
et 14 heures et entre 19 heures et 22 heures. C’est-à-dire servir les clients,
préparer les hamburgers, nettoyer la salle sous l’oeil inquisiteur du manager.
En outre, les employés masculins sont aussi réquisitionnés pour décharger
les livraisons, jusqu’à 4 tonnes à la main, carton par carton . Les besoins de
l’employeur passent avant tout, les contraintes de la vie étudiante sont
rarement prises en compte. C’est pourquoi l’Unef s’est engagée aux côtés des
grévistes. Les étudiants sont particulièrement concernés, car ils sont à la
fois clients et salariés de McDo, explique une responsable du syndicat
étudiant. Sur les facs, nous avons fait tourner la pétition et organisé une
collecte pour payer les repas des grévistes. C’est en partie grâce à cette
solidarité étudiante que les salariés du McDo tiennent la grève depuis deux
semaines.

Revendications. Concrètement, ils réclament une
possibilité d’évolution après deux ans passés dans l’entreprise (au lieu de
trois actuellement), la prise en compte du temps d’habillage et de déshabillage
dans le temps de travail (soit deux fois 10 minutes par jour et par salarié et
le virement régulier et ponctuel des salaires le 3 de chaque mois. Le retour à
l’ancien système d’évaluation individuelle est également à l’ordre du jour;
certains salariés ont ainsi vu leur prime divisée par deux (de 800 à 400
francs) depuis l’instauration du nouveau système. Autre revendication: sans
oublier l’indemnisation des jours de grève.

Huissiers et vigiles. En face, la direction de
McDonald’s France peine à comprendre ce brusque changement de mentalités.
Après avoir longtemps refusé de négocier, elle a essayé vendredi d’imposer
un accord qui ne satisfait pas les grévistes (voir encadré). Deux huissiers,
encadrés de cinq vigiles, ont été envoyés sur place pour constater
l’occupation des locaux. Ici, c’est devenu un parc animalier, résume Jérôme.
On nous envoie toute la hiérarchie nationale, ainsi que des équipes de
remplacement pour faire tourner les cuisines. Et pendant ce temps, la direction
nous demande de signer sur-le-champ, sans concertation. Ce manque de
considération est aussi à l’origine de la grève. Les salariés parlent
d’agressions physiques et verbales, même si tout le monde se tutoie, de
discriminations, de pression permanente pour pousser à la démission… Les
grévistes s’apprêtent à passer les fêtes de fin d’année sur leur lieu de
travail. Pour une fois qu’il y a une grève chez McDo… .

(Ces articles nous ont été communiqués par notre
correspondant cyrano@aqua.ocn.ne.jp )

NDLR – On se rappellera que le Premier ministre du Québec,
monsieur Lucien Bouchard, avait donné comme exemple le McDo des Champs élysés
pour appuyer, à sa façon, l’anglicisation des noms d’entreprise au Québec !


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