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LES BATAILLES DE JOSÉ BOVÉ

LES BATAILLES DE JOSé BOVé

Les batailles de José Bové
Marta Dolecki – L’Express de Toronto
www.lexpress.to
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à chaque héros sa mondialisation ! Comme symbole de ma première, l’exemple
d’un Bill Gates, magna de l’informatique, costume impeccable, cravate
étudiée, oeil malin rehaussé de lunettes – Microsoft, une marque et une
image dans un monde où culte de la modernité, avancées technologiques et
multinationales se comptent en nombre de florissants dollars. Comme symbole
d’une autre mondialisation, chemise à carreaux multicolores, magistrale
paire de moustaches savamment taillée, écharpe verte négligemment jetée
autour du coup; voici venir José Bové arborant sa bouffarde au coin du bec
et, poing levé, sa légendaire révolte.

Car M. Bové, selon ses dires, n’accepte pas les agissements des
multinationales qu’il qualifie de «projets criminels». «Sur tous les
continents, les paysans sont chassés de leurs terres par les multinationales
qui les accaparent», dit-il.

Et, avec les multinationales, le paysan français désigne du nom d’avatars ce
que d’aucuns qualifient de réussites du libre- échange tressé autour
d’accords, traités et autres mouvements fédérateurs engendrés par la vague
globalisatrice. Autour de ce leader résolu qui allie franc parler énergique
à une verve pleine de bonhomie, une certaine catégorie de population se
retrouve.

Leurs foyers communs : indignation contre la Malbouffe – un terme inventé
par Bové lui-même – et derrière cette malbouffe, le combat contre les OGM (
Organismes génétiquement modifiés) pour favoriser la consommation de
produits du terroir, de préférence biologiques.

En bref, la recherche, sinon d’un retour aux sources, du moins d’un mode de
vie sain. «Aujourd’hui dans le monde, les paysans et peuples indigènes sont
les premières victimes des institutions internationales. Les grands pays
comme les U.S.A, le Canada mais aussi l’Europe font une politique de dumping
(vente à perte) et détruisent les agricultures paysannes», continue José
Bové. Le conflit d’intérêt devait éclater un jour ou l’autre.

«Nous nous battons pour que chaque peuple puisse être nourri par sa propre
agriculture», affirme M. Bové. Il qualifie le projet de libre-échange du
commerce à l’échelle internationale de projet «liberticide», de ceux qui
«tuent la démocratie.»

Un discours défendant les intérêts des paysans, des indigènes, d’une
internationale citoyenne et qui résonne comme autant de coups de poing
contre les politiques néo- libérales est resservi par le paysan originaire
du Larzac avec une fougue égale à l’occasion de chaque meeting réunissant
les opposants de la mondialisation – et de Seattle en passant par
Washington, Davos et enfin Québec, ils sont nombreux.

Et de poursuivre que de «résister à ce projet du libre-échange, c’est un
devoir civique».

D’où l’ambivalence essentielle entre ce que José Bové appelle «la
désobéissance civile» et ses propres actes souvent qualifiés de «saccages»
et perpétrés dans l’illégalité qui, au gré des démontages comme celui du
McDonalds de Millau en France en août 1999 ou encore les arrachages
inconditionnels d’OGM , lui ont valu de nombreuses arrestations.

Au point que le célèbre militant a failli se voir refuser le droit d’entrée
du sol canadien lors du Sommet des Amériques.

Pourtant, l’intéressé dit avoir recours à des méthodes pacifistes. Il
affirme que dans le combat contre la mondialisation, «la non-violence est la
véritable force des faibles.»

Et d’expliquer sa théorie : «Si nous avons un bâton en face de nous, ils
auront un fusil, si nous avons un fusil, ils auront un char, et si un jour
nous avons un char, ils auront des avions.»

«Des actions directes ont lieu pour dire que nous refusons cette société»,
dit- il. La dernière action militante pour laquelle José Bové a mis en
pratique sa maxime de «désobéissance civile» lui a valu d’être arrêté et
menacé d’exclusion.

M. Bové s’est rendu au mois de janvier 2001 au Forum social mondial a Porto
Alegre au Brésil afin d’y soutenir 1300 paysans brésiliens du mouvement des
sans terres. Avec eux, il a participé à l’arrachage de plants de maïs
transgéniques cultivés par la ferme Monsanto à 300 km de Porto Alegre.

Car «résister et détruire les OGM», tout comme la résistance face au libre-
échange faisait partie de ce «devoir civique» évoqué par M. Bové.

«Les organismes génétiquement modifiés ne sont pas seulement un danger pour
les paysans mais pour l’humanité entière», a-t-il affirmé.

Les années passant, des années 1970 ou le jeune paysan protestait contre
l’extension d’un camp militaire dans le Larzac a un siècle nouveau marqué
par l’accélération du phénomène de mondialisation, le parcours de militant
de M.Bové ne s’est jamais essoufflé.

En 1987, Bové est à l’origine de la Confédération paysanne, syndicat
agricole de 40 000 adhérents qu’il crée à la suite d’une scission avec la
Fédération nationale paysanne (FNSEA).

Au fil des ans, du statut de paysan éleveur de brebis, José Bové passe au
rang de celui de star montante qui, outre Atlantique, a conquis et conquiert
encore un vaste public.

Même les états- Unis l’ont élu au nombre des 50 personnalités les plus en
vogue sur le continent européen, selon un sondage réalisé en juin 2000 par
le magasine américain Business Week.

Le coup d’éclat qui a permis à José Bové de se faire connaître restera la
destruction du géant américain du fast food, McDonalds, symbole de la
mondialisation.

Le 12 août 1999 commence donc pour le restaurant à l’enseigne rouge et jaune
une véritable série noire lorsqu’un cortège de paysans, accompagné d’enfants
envahit le restaurant McDonalds a Millau dans le sud de la France.

En l’espace de quelques heures, ce dernier sera rapidement démonté à coups
de faucilles, pelles et autres instruments de fortune. L’acte, symptomatique
du malaise ressenti par le monde agricole français, est dirigé contre les
américains et leur décision de surtaxer l’exportation de roquefort français
qui suit la décision de l’union européenne d’importer de la viande aux
hormones. à l’instar de José Bové, les restaurants Mc Donalds deviennent le
théâtre de violentes protestations. Partout dans le monde, des saccages ont
lieu au point que certains restaurants vont même jusqu’à être menacés
d’attentats à la bombe dans des capitales telles que Rome, Macao, Rio de
Janeiro, Prague, Londres.

Le 30 juin 2000, en France, Bové écope d’une peine de prison qui fera sa
célébrité plutôt que son malheur.

Une légendaire photo prise sur les marches du Palais de Justice le montre
menottes aux poignets, les poings levés, dans une pose victorieuse. Il
devient le symbole de la lutte contre la mondialisation néo- libérale.

Des paysans américains vont même jusqu’à envoyer des cheques pour la
libération de « Saint José». C’est lui-même qui souhaitera rester en prison,
refusant de payer sa caution

Coup de publicité médiatique? En tout cas, la politique est efficace. Les
journaux lui consacrent la première page, il fait la une des magasines, les
télévisions se l’arrachent et sa ferme du Larzac deviendra lieu de
pèlerinage pour anti-mondialisateurs convaincus ou encore pour simples
touristes qui viennent se faire photogra-phier devant la propriété de «Saint
José». Nous sommes au début des années 90.

Dix ans après, l’euphorie provoquée par le personnage demeure intacte.

En 2001, au Canada, Bové est une star montante. «C’est bien que vous soyez
ici» lui confiera une dame, s’approchant timidement de lui à Québec lors de
la sortie d’une conférence du Sommet des peuples.

Et avec l’assurance de la conclusion, la petite dame poursuit «le Canada a
besoin de gens comme vous» ! Elle n’est pas la seule que le personnage aura
impressionnée. Bové, au fil des ans, est devenu le chouchou du Monde
Diplomatique et autres bibles de journaux concernés par les effets néfastes
de la mondialisation.

Son livre Le Monde n’est pas une marchandise, dans lequel Bové dénonce les
dérives de la globalisation, s’est hissé au rang de best-seller. Une large
majorité de la population qui l’achète se reconnaît en lui.

Selon les sondages, 70 % du grand public soutient le combat que mène Bové
contre la Malbouffe. Les sociologues expliquent cette popularité constante
par le fait que l’image de Bové symbolise une lutte contre la mondialisation
qui n’est alors plus perçue comme une fatalité.

Drôle de destin pour cet homme dont le père, professeur en microbiologie, ne
voit pas les OGM comme «le mal absolu qu’on veut bien en faire.»

Dans un article intitulé «Mon fils, Les OGM et Moi» publié par le journal
français Le Monde du 3 mai 2001, José Bové exprime son point de vue sur la
question.

«Le courant de sympathie que la Confédération paysanne et les associations
amies ont réussi à créer avec José Bové et ses camarades syndicalistes
semble être du a quelques idées simples mais fortes qui ont trouvé un large
écho dans le public. Il serait dommage que ce mouvement «citoyen» d’essence
généreuse et qui pose de vraies questions, soit terni par une attitude
intolérante à l’égard des OGM végétaux et se traduise par un rejet global de
toute recherche de ces OGM», affirme José Bové.

Ce qui n’a pas l’air de décourager le fils qui demeure fidèle à ses idéaux.
«Mon devoir de résistance est de continuer le combat», affirme José Bové.

Et de conclure «En 1999, c’était Seattle, Washington, Prague. Après Québec,
il y’aura le Qatar. Partout où ils iront ( les avocats de la mondialisation
) nous serons la pour leur dire : vous ne ferez pas ce monde avec nous. Nous
vous empêcherons de nuire et de mettre en place vos projets criminels»!

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Ce texte a été publié dans L’Express de Toronto, l’hebdomadaire des
francophones et francophiles de la grande région torontoise. Numéro 27,
semaine du 10 au 16 juillet 2001


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