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LE FRANÇAIS, PARLONS-EN

LE FRANçAIS, PARLONS-EN
Extrait du site Internet du Mouvement estrien pour le français
http://www.mef.qc.ca/index.html

(Forum national tenu par la
Commission des états généraux du français)

Dans la foulée du forum national
des états généraux de la langue tenu les 5 et 6 juin dernier, «le
français, parlons-en»
. Mon propos sera fragmentaire.

Les invités

La Commission a bien misé en invitant au forum
les milieux dont la collaboration est essentielle. Ces milieux qui, au lieu
d’être exemplaires et moteurs, ont souvent été, par leur inaction, des
artisans passifs et même actifs de la dégradation du statut et de la qualité
du français au Québec. Je pense d’abord au milieu gouvernemental, au milieu de
l’éducation, au milieu culturel. Bien que, pour plusieurs organismes de
l’Administration, c’était probablement la première fois qu’ils s’astreignaient
ou qu’on les astreignait à réfléchir systématiquement à leur rôle de
premier ordre dans la perspective de la pérennité du français au Québec. Par
ailleurs, quoi qu’elles en disent, nombre d’autorités scolaires en particulier
(primaires jusqu’à universitaires) prennent le français pour acquis dans leurs
murs, pratiquant sans scrupule le joual et les anglicismes, favorisant l’anglais
intensif avant l’acquisition des bases du français, laissant la bride sur le
cou au magma socioculturel angloétatsunien, tolérant même le bilinguisme
institutionnel larvé sinon le je-m’en-foutisme. Quant aux gens de la culture,
ils ne doivent plus se contenter d’être uniquement des témoins ou des reflets.

La minorité nationale (?)
impassible: inquiétant

à mon grand étonnement, la minorité
nationale
(comment la restreindre aux ayant droit historiques?) et ceux qui
s’y apparentent n’ont pas pris le mors aux dents devant les premières
conclusions de la Commission. Est-ce possible que les choix de la Commission
soient à ce point peu dérangeants? C’est peut-être là un tour de force. Mais
prendre leur juste place au soleil suppose que les francophones jettent un peu
d’ombre quelque part… Cette sérénité anglophone devant les avancées
civiles anticipées du statut du français inquiète.

D’accord

D’accord avec la CONSTITUTIONALISATION des
droits linguistiques historiques des Québécois. Mais ces droits devront être
moussés régulièrement par une publicité adéquate pour que les gens, sans
complexe, osent les exercer spontanément et naturellement.

D’accord avec la CITOYENNETé québécoise.

D’accord avec l’accent mis sur la QUALITé DE LA
LANGUE, condition essentielle pour qu’elle devienne attrayante aux oreilles des
immigrants et qu’elle soit perçue par les nôtres comme une valeur à
protéger. Cependant, il faut mener le combat de sa qualité et de son statut en
même temps. QUALITé ET STATUT: en confier le mandat explicite en particulier
aux écoles primaires jusqu’à universitaires; que les directions soient
tenues de s’en préoccuper dans le quotidien de l’institution
. Pour sa part,
pourquoi le ministère de l’éducation ne mettrait-il pas au programme la
correction systématique des anglicismes les plus courants à l’aide d’un manuel
comme LE COLPRON, le nouveau dictionnaire des anglicismes (sémantiques,
lexicaux, syntaxiques, morphologiques, phonétiques, graphiques) dont est farci,
souvent inconsciemment, le langage de nombreux intervenants et écrits
scolaires?

D’accord avec L’APPRENTISSAGE D’UNE DEUXIèME ET
D’UNE TROISIèME LANGUE au moment le plus propice. Au primaire, on serait
mieux cependant de consacrer argent et énergie à consolider et à enrichir le
français souvent déficient chez plusieurs élèves ou à embaucher des
ressources pour venir en aide à ceux qui ont des difficultés de langage. Au
collège, c’est le temps idéal de généraliser les cours de troisième langue
sous forme intensive manière Berlitz.

D’accord avec un ORGANISME CENTRAL pour
chapeauter tous les aspects de la politique et législation linguistiques.

D’accord à 100 % avec l’obligation de créer
des COMITéS LINGUISTIQUES actifs et permanents dans toutes les ramifications de
l’Administration en commençant par les établissements scolaires primaires,
secondaires, collégiaux et universitaires.

D’accord avec LA CULTURE au premier rang…
d’abord dans les écoles de tous ordres.

D’accord avec les POLITIQUES LINGUISTIQUES
INSTITUTIONNELLES. Le Mouvement estrien pour le français en a un échantillon
scolaire dans les annexes (a.8) de son mémoire.

D’accord avec le français comme puissant ATOUT
éCONOMIQUE. Les écoles ne devraient pas être ignorées dans cette entreprise
pour modifier le vision misérabiliste de notre langue et transformer les
mentalités.

D’accord avec la nouvelle approche (sectorielle)
DE FRANCISATION DES LIEUX DE TRAVAIL. Pour imposer la norme et la normalité du
français, la tâche sera d’abord ardue dans les écoles professionnelles
secondaires, collégiales ou universitaires (en génie mécanique, électrique
et informatique par exemple).

D’accord avec plusieurs autres choix
stratégiques qu’il serait trop long d’énumérer.

Cependant, plus ou moins d’accord avec la «VITRINE»
FRANçAISE envisagée par la Commission. L’incitation est une arme à rayon
limité; la preuve en est faite quand on regarde le foisonnement des raisons
sociales unilingues ou bâtardes depuis une dizaine d’années. Si on n’ose pas
supprimer l’anglais, par respect pour notre langue qu’on oblige à ajouter un
générique français
tout aussi gros et visible que le spécifique anglais,
ont suggéré des participants. J’appuie

En désaccord

Mais d’autres orientations et propositions
n’emportent pas d’emblée mon assentiment ou me laissent perplexe. (Ne pas
chercher d’ordre logique.)

· Inutilité de
nouvelles dispositions linguistiques dans la Charte. Faux.

Il faut tempérer l’affirmation que la
Charte de la langue française a donné tout ce qu’elle pouvait donner.
Non. Le français a progressé au Québec depuis une trentaine d’années
uniquement parce qu’il y a eu des lois… que l’on a
graduellement affaiblies (contestation, non-application, démolition,
réduction des effectifs de l’OLF, discours du Centaur, etc.),
souvent sous prétexte de maladie honteuse, par les soins de
Gérald Godin du Parti québécois d’abord, du fédéral, de Ryan, etc.
Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est de corriger et d’améliorer la Charte
là où il y a faiblesses – celles qui relèvent de la compétence du
Québec sont nombreuses – et prendre les moyens de la faire respecter
comme tout autre loi.

· Contournement
possible de la Charte par la Loi des services de santé. à colmater.

Il y a lieu d’harmoniser toutes les
dispositions linguistiques que contient en particulier la Loi de la
santé et des services sociaux,
articles 15, 348, 508, 619.29, etc,
avec la Charte de la langue française. Ce sont des dispositions
discriminatoires incompatibles avec la Charte qui supériorisent
l’ethnie anglophone et les anglotropes. C’est à lire. Il ne suffit pas
de rectifier le CADRE DE RéFéRENCE de 1993 qui en découle, il faut
rayer les articles qui lui ont donné naissance. Sinon, un prochain
CADRE DE RéFéRENCE tout aussi exagéré que le premier pourra être
élaboré et redécrété par un prochain gouvernement. Monsieur Corbeil,
que j’estime, semble avoir fait une lecture différente de la mienne des
articles ci-haut mentionnés… et ci-joints. Je ne crois pas que ces
articles soient inoffensifs en ce qui a trait à l’anglicisation
actuelle et future des établissements de santé.

· Collèges bilingues
au tiers, à la moitié puis aux trois quarts… ça s’arrête où?

Contrairement à l’immigration dont le
Québec n’est pas maître – mais dont on peut rêver à 100 % – le
secteur collégial relève essentiellement du Québec. C’est un excès
de confiance en soi démentie par la tendance actuelle, de ne pas avoir
soumis l’ordre collégial aux règles de fréquentation scolaire. Avec
la proposition de la Commission (six cours EN anglais), s’installera le
bilinguisme institutionnel qui a toujours été mortel pour le français
– la langue la plus faible – en Amérique du Nord. Pensons aux
universités d’Ottawa et de Sudbury qui au départ offrait un fort
pourcentage de cours en français. Aujourd’hui, l’anglais domine. La
Commission devrait plutôt prôner des cours intensifs de langue
(anglaise, espagnole, russe, allemande, italienne, portugaise, arabe,
etc.) à la manière des écoles professionnelles de langue comme
Berlitz. Leur méthode a fait ses preuves.

· Examen de français
pour tout futur enseignant. Solution qui évite le vrai problème.

Le statut du français dans les écoles
ne sera que peu touché par cette pratique. C’est dans la vie
quotidienne des écoles que le français est d’abord maltraité. Tout
effort visant la qualité de la langue sera toujours freiné par un
laisser-aller culturel généralisé. Bien que tous connaissent
raisonnablement le français, les gens des écoles se préoccupent peu
de la qualité parce qu’il n’y a pas d’abord préoccupation
institutionnelle active du statut. Il faut mandater les directions des
écoles primaires jusqu’à universitaires pour qu’elles incitent
constamment le personnel (professeurs, secrétaires, concierges, agents,
commis, etc.) à faire régner et à privilégier naturellement le
français en présence des élèves ou dans toutes les activités
pédagogiques et parascolaires (terminologie courante, documentation,
logiciels, notes écrites et interventions par interphone, pièces
musicales à la radio des élèves, noms donnés aux équipes, achat
d’appareils bureautiques et outils techniques reflétant la langue
commune, etc.). La qualité de la langue viendra par surcroît, d’autant
plus que le personnel enseignant, de soutien et de direction possédera
et cultivera une langue parlée et écrite de qualité. Les comités
linguistiques recommandés par la Commission, comme organes d’animation,
font sûrement partie de la solution.

· Cours intensifs
d’anglais à la fin du primaire. Un choix très discutable.

En entérinant la généralisation des
cours intensifs d’anglais à la fin du primaire, j’ai l’impression que
la Commission a sacrifié à la démagogie politicienne des ministres
passés et du ministre actuel de l’éducation, ce dernier étant dans
les faits beaucoup plus préoccupé par l’apprentissage de l’anglais que
du français. En matière de moment idéal pour apprendre la langue
anglaise et autres, le professeur et chercheur Gilles Bibeau de
l’Université de Montréal est plus crédible que François Legault et
des parents confirmés par le ministère dans leur emballement fondé
sur les stéréotypes sociolinguistiques. Je rappelle que d’après la
compilation des nombreuses expériences mondiales, en termes
d’efficacité et de rapidité d’apprentissage d’une langue seconde, les
pratiques les mieux réussies à travers le monde plaident pour l’ordre
secondaire et même collégial. L’engouement actuel favorisant
l’apprentissage (illégal) hâtif de l’anglais – en première année
sinon à la maternelle et même en garderie – fait que le Québec glisse
tranquillement vers «un gros Nouveau-Brunswick» linguistique. Dans
le contexte de l’Amérique du Nord, il est évident qu’on ne
bilinguisera pas PRéCOCEMENT toute la population québécoise sans
dommages collatéraux permanents et graduellement mortifères pour la
langue française comme il se produit chez l’ensemble des jeunes
Francos-canadiens.

Impossible d’être exhaustif. J’émets quand
même quelques derniers râlements.

1. Plusieurs facultés universitaires
francophones font subir des épreuves éliminatoires d’anglais aux étudiants
demandant leur admission en maîtrise. Aux Hautes études commerciales, par
exemple. à l’université Laval, bientôt. Etc. Combien de facultés des
universités McGill, Concordia et Bishop exigent de réussir un examen de
français, langue officielle du Québec, pour y être admis ou pour obtenir un
diplôme? Si c’est anormal que les élèves étrangers des universités
anglophones méprisent officiellement notre langue, la Commission pourrait
peut-être se pencher sur le phénomène.

2. Dans le rapport, rien ne semble corriger
l’incongruité de l’article 35.3 de la Charte discriminant les francophones
diplômés du secondaire non réputés connaître la langue seconde à l’instar
des anglophones qui, au contraire, sont réputés la connaître.

3. Rien de spécial ne semble, malgré la
faiblesse de l’article 46 de la Charte, protéger les droits du francophone lors
de l’embauche, donc sans syndicat, à qui l’on demande indûment la connaissance
d’une langue seconde. S’il s’agit d’un professionnel francophone ne se
qualifiant pas en anglais comme requis, sa candidature est automatiquement
rejetée, contrairement au professionnel anglophone qui, aux termes de l’article
37 de la Charte, obtient un permis temporaire de trois ans et peut se
représenter à l’examen. Jusqu’à quand endurer cette infériorisation des
francophones au Québec même?

4. à la faculté de médecine de McGill,
soumet-on les stagiaires non québécois (plus de 50 %) à un examen de
français et ainsi s’assure-t-on qu’ils sont aptes à traiter les francophones
dans leur langue? Il est à craindre que les patients de langue française y
soient défavorisés.

5. La nécessité d’entreprendre une raisonnable
simplification de la langue française mériterait peut-être une mention dans
le rapport, à l’intention de la France.

Je m’arrête. La qualité et le statut du
français vont sûrement faire un bond décisif grâce au travail de la
Commission. Il y a urgence. J’ai hâte de voir l’ensemble du rapport. Je sais
d’avance qu’il va manquer des détails pour répondre pleinement à mon analyse…
ou pour satisfaire les obsessions d’un gars qui brasse localement la cage
linguistique (scolaire surtout) depuis une quinzaine d’années. Puisse-t-il
contenir tous les éléments essentiels à la pérennité véritable du
français au Québec.

Si c’est radical de lutter pour le français au
Québec, je le serai toujours et je signe:

Rodrigue Larose
Vice-président du MEF

Juin 2001

p. j. Extraits de la Loi des services de santé
et services sociaux

P.-S.: Je viens de lire Jean-Marc Léger dans Le
Devoir du vendredi 15 juin 2001. C’est alarmiste et pessimiste. Mais je ne suis
pas loin de penser comme lui. La situation est vraiment grave et – on n’ose pas
se l’avouer – peut-être désespérée à l’heure qu’il est.

On dit en anglais «If something can go wrong,
it will».
Il n’est pas sûr que la dégradation du français au Québec ne
concrétisera pas un jour cet adage conçu dans la langue qui menace de le
supplanter. La Commission a le pouvoir de prévenir le pire par des
recommandations idoines 1) afin d’enrayer le phénomène avant qu’il atteigne le
point de non-retour et 2) afin de provoquer un redressement vigoureux de la
qualité et du statut précaires de notre langue. Les commissaires sauront-ils
faire l’unanimité? Un ministère de la Langue française doit être envisagé,
comme le suggère Jean-Marc Léger. Avant tout, faudra-t-il que le gouvernement
trouve la volonté et le courage d’adopter le rapport salvateur des états
généraux.

Je compte sur l’électrochoc du rapport complet
pour modifier positivement la dynamique et la trajectoire linguistiques du
Québec.


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