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LANGUES DE L’UNION EUROPÉENNE

LANGUES DE L’UNION EUROPéENNE
Maintenant la maladie de régression linguistique s’attaque au Parlement
européen.

Cet extrait du Monde du 8/08, ci-dessous, montre quels dangersmenacent la
pluralité linguistique que l’union européenne a
pourtant mis à l’honneur en décrétant l’année 2001 "l’année des
langues".Certes le problème n’est pas simple et l’élargissement
rend encore plus complexe la réalisation de traductions
simultanées et plus coûteuse la production de documents dans
toutes les langues. Il faut certainement trouver des
aménagements. Mais il est inacceptable que des décisions aussi
graves soient prises sans demander l’avis des peuples concernés
et sans que leurs représentants en aient débattu en public. Ces décisions
portent en elles les germes des révoltes de demain.
Un consensus technocratique s’est déjà établi pour ne laisser
se pratiquer que les trois ou quatre plus "grandes" langues de
l’Union (anglais, allemand, français et, en option, l’espagnol)
comme langues de travail de la Commission et de publication. . Même si le
français tire actuellement son épingle du jeu (tout en régressant), c’est
déjà une trahison de l’esprit du traité de Rome . Maintenant la maladie de
régression linguistique s’attaque au Parlement européen,dernier sanctuaire de
la pluralité linguistique.On veut aussi réduire le nombre de langues
pratiquées au sein de l’assembléedes représentants des peuples de l’Union.
Mais cela ne suffit pas ! On voit déjà se profiler l’étape
prochaine. Le représentant anglais, James Elles, n’hésite pas,
dès maintenant, à proposer l’anglais comme seule langue pivot.
Combien de temps faudra-t-il pour que l’anglo-américain devienne
la langue unique de l’Europe au nom de la rationalisation et des
impératifs économiques de la mondialisation ?
Nous ne l’accepterons pas !
Marceau Déchamps
vice-président
Défense de la langue française

LE MONDE | 08.08.01 | 13h50

Dix nouvelles langues pourraient faire leur apparition
dans les débats du
Parlement européen en 2004, après l’élargissement de l’Union. Un
rapport a chiffré ce qu’il en coûterait pour continuer à maintenir le
principe du multilinguisme intégral. Trop cher. Les parlementaires sont à la
recherche d’un consensus.

BRUXELLES de notre bureau européen

Le Parlement européen, qui s’est depuis toujours fait
le champion
du droit pour chaque député à parler et à écrire dans sa propre langue, va
-t-il maintenir cette politique après l’élargissement, en dépit de son
coût? Cette question suscite une vive polémique depuis la session du mois de
juillet, au cours de laquelle le bureau aurait dû adopter un rapport
proposant de maintenir le multilinguisme intégral.

Bien que les institutions de l’Union européenne
comptent onze
langues officielles, la Commission de Bruxelles et le Conseil peuvent, en
vertu de règlements internes, en utiliser moins, pour leur travail
quotidien : le Coreper (comité qui prépare les conseils) ne travaille ainsi
qu’en français, en anglais et en allemand. A la Commission, les textes
intermédiaires et les décisions qui n’ont pas de répercussions à
l’extérieur ne sont
disponibles que dans ces trois langues. Le Parlement européen est la seule de
ces
trois institutions qui respecte la pleine égalité des langues, dont il
considère qu’elle est nécessaire au respect de la légitimité démocratique.

Son bureau devait examiner, mercredi 4 juillet, le
rapport de
l’un de ses vice-présidents, Guido Podesta (PPE, italien), intitulé
"Préparation du Parlement européen à l’Union européenne élargie",
qui chiffrait
pour les trois prochaines années (de 2002 à 2004) les coûts attendus, dans le
cadre du maintien du multilinguisme intégral. A la dernière minute, cette
assemblée a été priée d’ajourner ses travaux par une lettre de Hans-Gert
Pöttering (PPE, allemand), président du plus grand groupe politique du
Parlement
européen.
Officiellement, M. Pöttering trouvait "prématuré" que le bureau –
auquel il n’appartient pas- vote sur un dossier dont il n’avait eu connaissance
que quelques jours plus tôt,vu sa "complexité extraordinaire" et
"l’importance (de ses) incidences tant politiquesque budgétaires". En
fait, il estime qu’une question aussi politique que celle dustatut des langues
des nouveaux adhérents doit être prise en main par les chefs des groupes.

M. Pöttering a lui-même décidé d’intervenir au
terme d’une réunion fort
houleuse avec les six vice-présidents du PPE, au cours de laquelle le
conservateur anglais James Elles, perdant son flegme britannique, a lancé en
l’air le rapport de son collègue Podesta, pour montrer tout le bien qu’il en
pensait – un huissier l’a poliment ramassé. M. Elles, qui est membre de la
commission des budgets, a affirmé que M. Podesta aurait dû le
consulter avant de proposer de "faire payer au contribuable des dépenses
aussi
considérables".

M. Podesta partait de l’hypothèse que dix nouveaux
pays participeraient aux
élections européennes de 2004. Bien qu’ils ne soient pas nommés,il s’agit de
la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, la
Lettonie, la Lituanie, l’Estonie, Chypre et Malte. La Bulgarie et la Roumanie
n’étaient pas comptées, car elles prévoient de n’adhérer qu’en 2006 ou 2007.
Ces dix nouveaux pays introduiraient soit dix nouvelles langues, soit huit.
Dans le premier cas, les adhésions de Chypre et de Malte amèneraient deux
nouvelles langues officielles, le turc et le maltais. Dans le second, elles
n’amèneraient que le grec et l’anglais, qui sont déjà des langues officielles
de l’Union européenne.

NOUVELLES PRATIQUES

M. Podesta proposait la création de 124 postes
supplémentaires par pays, soit
1240 postes pour dix pays, chiffre qui pourrait toutefois être ramené à 740,
compte tenu de certains redéploiements. Comme il n’est pas sûr que le marché
de l’emploi fournisse les personnes ayant la formation requise, il suggérait
d’organiser les recrutements dès 2002. Il estimait que les perspectives
financières qui encadrent les dépenses de l’Union européenne pour
les années 2002-2006, et qui prennent pour hypothèse un élargissement à six
nouveaux pays, devraient être révisées dès 2001. Dans le cas où huit
nouvelles langues feraient leur apparition, il faudrait dépenser 193 millions
d’euros de plus que prévu sur trois ans.

James Elles a trouvé que le rapport ne chiffre pas
assez précisément les
économies qui pourraient être faites, soit grâce au recours de personnel
free-lance plutôt qu’à celui de fonctionnaires, soit grâce à de nouvelles
pratiques comme l’interprétation à distance (l’interprète travaille chez lui,
mais il est relié à la salle de réunion par un téléviseur) ou
l’interprétation
biactive (l’interprète parle non seulement dans sa langue maternelle, mais
aussi dans une langue étrangère). C’est surtout le recours aux langues dites
pivots ou relais, qui est, selon lui, mal évalué: il s’agit de langues
couramment parlées (anglais, allemand, français, espagnol.) par
lesquelles passe un interprète pour traduire des langues rares qu’il ne
connaît pas.

James Elles considère que le recours plus fréquent,
voire obligatoire, aux
langues relais, permettrait d’économiser des postes d’interprètes. Devant ses
collègues, il a suggéré que l’anglais devienne la seule langue relais, du
fait
qu’elle est la seconde langue la plus répandue chez les non-anglophones(
soulignement ajouté). Cette
proposition a suscité la colère de la Française Françoise Grossetête, qui y
a
vu un moyen d’assurer à terme, la suprématie de l’anglais : "Tu ne peux
pas
nous imposer ça, c’est scandaleux, je suis française et je défends le
français!", s’est-elle écriée, tandis que sa collègue Carmen Fraga
Estevez
prenait la défense de l’espagnol. Pour calmer le jeu, M. Pöttering a proposé
de demander au secrétariat général du Parlement des études complémentaires
qui
chiffreraient le coût du passage par une, deux ou trois langues relais, et
détermineraient la meilleure solution linguistique pour qu’il y ait le moins
possible de déperdition de contenu.

En juillet, l’intervention de M. Pöttering a donné
lieu à une vive altercation
au sein de la conférence des présidents, Enrique Baron Crespo, président du
groupe des socialistes, l’accusant de s’ingérer dans les travaux du bureau.
Elle a agacé une partie des membres du bureau, mais elle a été finalement
acceptée par la présidente, Nicole Fontaine, membre du PPE: le vote sur le
rapport Podesta et l’étude complémentaire devraient donc avoir lieu à la
session de septembre. La rentrée parlementaire s’annonce chaude.

Rafaële Rivais
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Quinze Etats membres, onze langues officielles

Bien que l’Union européenne réunisse quinze Etats
membres, elle ne compte
qu’onze langues officielles : allemand, anglais, danois, espagnol, finnois,
français, grec, italien, néerlandais, portugais et suédois. Ce sont les
gouvernements qui désignent leur(s) langue(s) officielle(s).

Lorsque l’Irlande a adhéré à la Communauté, elle a
renoncé à ce que le
gaélique, première langue officielle nationale selon sa Constitution, devienne
une langue officielle européenne, dans le souci d’économiser les deniers
communautaires. Son usage limité fait que seuls les traités sont traduits en
gaélique, la législation secondaire étant traduite en anglais.

Le luxembourgeois, langue parlée et non écrite, n’est
pas non plus devenu
langue officielle, le Grand-Duché lui préférant le français et l’allemand.
Il
se pourrait que Malte renonce, de même, au maltais, pour lui préférer
l’anglais.

(Corresp.)


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