Labandon tranquille de Bernard Landry
Lorsquun parti politique est vidé de son contenu idéologique, il commence à
se comparer aux autres, et il laffuble de tous les péchés du monde. Le discours
de clôture de Bernard Landry, au dernier Conseil national du Parti québécois, en
est un exemple de plus.
Le Parti québécois, nétant plus que lombre de lui-même, cherche
présentement remède à tous ses maux, en attaquant dune façon virulente
ladversaire qui veut prendre sa place. Comme indépendantiste, je nai que faire
du discours du premier ministre qui reprend les vieilles rengaines, les chansons
nostalgiques qui sont le signe dun parti qui ne sest pas renouvelé, qui na
pas écouté sa base, et, pire encore, qui a mis dehors ses militants les plus
fervents. Pas étonnant que le grand-prêtre Landry chante déjà sa dernière messe,
dans une chapelle de plus en vide, inquiète, aux accents de requiem. Les
fervents sont partis ailleurs, poser la pierre dun nouvel édifice à construire.
Le premier ministre a beau parler tant quil veut de «labandon tranquille»
de Jean Charest, je nai que faire de ce discours larmoyant, lénifiant,
calculateur et pas du tout mobilisateur. Les Québécois indépendantistes et les
autres qui sintéressent à la question, veulent entendre Bernard Landry leur
parler du pays à faire, du pays à construire, de la liberté qui fait grandir, du
citoyen qui, en fraternisant avec les autres, veut bâtir quelque chose de neuf,
dinnovateur, de libérateur. Labandon tranquille de la cause souverainiste par
les ténors de la cause indépendantiste me préoccupe bien plus que «labandon
tranquille» du fédéraliste Jean Charest venu dailleurs.
Si Monsieur Landry veut gagner le prochain scrutin et la prochaine étape qui
donnera aux Québécois le pays quils veulent bien se donner, il devra prendre la
route difficile qui mène à la liberté. Il ne suffit pas de chialer pour faire
grimper le thermomètre de la souveraineté. La chaleur et la fraternité des
troupes donnent bien plus que les discours creux que peuvent nous suggérer les
propos des fédéralistes.
Labandon tranquille des grandes lignes qui faisaient la force et la cohésion
des indépendantistes est bien plus grave que le retour en arrière des libéraux.
Le cap doit être maintenu sur le travail à faire et notre regard ne doit pas
sattarder à ceux qui rebroussent chemin, par crainte, par peur, par
électoralisme. La clarté et la vérité doivent cimenter les troupes. Le verbiage
ne doit pas nous faire perdre lorientation et le chemin à parcourir. Si vous
nêtes pas capable de poser un geste qui garantit aux troupes cette façon de
faire, monsieur le premier ministre, il faudrait, selon moi, prendre une autre
direction et confier la tâche à un autre.
Les grandes causes ont été gagnées par des gens qui avaient des visions
claires et franches. On ne gagnera rien à maugréer sur ladversaire. Le plus
grand adversaire de la cause indépendantiste, cest sans doute la capitulation
tranquille de tout un peuple que je vois poindre à lhorizon. A moins que
quelquun se lève et nous fasse comprendre que «labandon tranquille» qui nous
mine déjà de lintérieur, est une voie quil faut laisser à dautres, et que les
derniers événements politiques viennent didentifier.
Nestor Turcotte
(Matane)
aristote@ma.cgocable.ca