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DRAPEAUX ET CHIFFONS

DRAPEAUX ET
CHIFFONS
Petits chantages aux 18 millions, et l’imposition de l’anglais par l’opération
du bilinguisme
.

M. Landry a sans doute manqué
de prudence, et il doit s’habituer aux subtilités du langage politique s’il
veut arriver au moins à quelques-unes de ses fins. Toutefois sa tirade
passionnée contre la propagande fédérale en matière de bilinguisme et de
drapeaux doit être mise en perspective. Ce qu’on a pu lire dans les journaux
anglais, ainsi que dans les lettres de plusieurs lecteurs, manque nettement de
modération et de vérité. Il ne fait pas de doute que M. Landry, et l’ensemble
des Québécois et des Canadiens français indépendantistes, respectent le
drapeau canadien, -quand il est chez lui. Le problème, c’est que dans l’espace
québécois il entre en conflit avec le fleurdelisé. Pour dire vrai, il semble
difficile d’avoir deux identités, en même temps et sous le même rapport, et c’est
justement ce principe de contradiction qui est en cause. Or un drapeau n’est pas
qu’un bout d’étoffe, c’est un symbole national. Pourquoi Ottawa attache-t-il
tant d’importance à l’unifolié et à sa surexposition en sol québécois? La
chose n’est pas dépourvue des mêmes intentions que l’on reproche au
Gouvernement du Québec. Faute d’avoir trouvé une juste complémentarité,
fédéralisme et québécité ne sont pas des options, comme on le dit pour
éluder la question, mais deux nationalités adverses qui se combattent.
Autrement, il n’y aurait pas ces éternelles querelles aux enjeux confus et
jamais clarifiés.

On se plaît à dire que les
Québécois ont choisi de rester dans le Canada. C’est une interprétation bien
rapide et superficielle des référendums et des élections. On ferait mieux de
dire qu’il s’agit de choix ponctuels qui reflètent des intérêts immédiats,
un calcul sujet à révision, selon la conjoncture des consultations. Les
élections et les référendums traduisent surtout une confusion, faute d’une
clarification à la fois identitaire et idéologique, et en même temps l’attente
d’une occasion favorable. Les Québécois ont voté confusément parce que leur
instinct a jugé que M. Bouchard ne présentait pas une vision et une volonté
réelles d’indépendance. Le ministre Dion fait souvent état de la fierté que
nous devrions avoir pour avoir contribué à construire le beau et grand pays du
Canada. Il y a eu certes des contributions individuelles de la part de certains
canadiens français, mais elles ne font pas la preuve que les Canadiens
français, comme peuple, sont partie prenante de cette construction. S’il y a un
fait avéré, c’est bien que Québécois et Canadiens français sont menacés de
banalisation et de disparition dans et par le Canada. Dans cette situation, leur
adhésion au Canada est hautement problématique. Peut-on consentir à une
existence de luttes sans fin qui se soldent sans cesse par des échecs ou par de
pseudo succès; peut-on vibrer d’enthousiasme pour l’unifolié et ce qu’il
représente quand la seule existence qui nous est promise est celle des petits
chantages aux 18 millions, et l’imposition de l’anglais par l’opération du
bilinguisme?

Est-il besoin de le dire, le
bilinguisme du fédéral au Québec, bilinguisme qui ne tient pas compte de l’écrasante
supériorité l’anglais, du triomphe continental et mondial de l’anglais, n’est
qu’une forme déguisée d’anglicisation. Nous sommes ici dans la dialectique de
la fable de La Fontaine, Le Loup et l’agneau, où le faible a toujours
tort devant les raisons du Puissant, et où le faible finit justement sous la
dent du plus fort. C’est ainsi qu’il faut interpréter toutes ces proses
faussement indignées, ou en tout cas aveugles, que l’on a pu lire dans les
médias anglais du Canada ainsi que chez plusieurs francophones qui s’en sont
faits les échos exacts et complaisants. La présence du fédéral au Québec ,
forte et envahissante, menace l’identité québécoise et canadienne française
, en imposant la présence de l’anglais au seul endroit où il y a un peu de
français réel et viable au Canada et en Amérique. Nous ne disons pas cela
pour diminuer les minorités, nous pensons, tout au contraire, à celles-ci,
parce que nous sommes convaincus que leur chance de survie et d’épanouissement
trouve leur appui le plus fort dans l’affirmation d’un Québec ouvertement,
politiquement et totalement français. Quand pourrons-nous concevoir des droits,
des chartes de droit, qui soient autre chose que le triomphe de l’anglais et l’empêchement
d’être français? Pour cela il nous faudrait des hommes politiques dont la
fonction intellectuelle et la conscience nationale soient plus développées que
l’aptitude à gagner des élections et à monter dans la hiérarchie fédérale.

M. Landry a fait preuve d’une
belle naïveté, d’une sincérité au premier degré qui ne lui sera plus
permise dans les fonctions qu’il s’apprête à occuper. N’est-il pas étrange qu’il
soit tombé dans le même piège que Messieurs Parizeau et Michaud avant lui? On
a pu voir que le brouhaha médiatique, les reproches, les indignations, les
procédés de dénigrement et la partialité des interprétations ont été les
mêmes et qu’ils servaient les mêmes fins, dans ces trois cas. N’est-il pas
éclairant qu’on les ait voués à toutes les condamnations après avoir convenu
que sur le fond ils avaient raison? Il existe un politically correct, imposé
par le Puissant, auquel les peuples faibles sont tenus.

Après tout, le gouvernement
fédéral a réellement attaché sa subvention de 18 millions à l’obligation de
fédéraliser à plein un lieu québécois par de l’anglais et l’unifolié.
Voilà pourquoi, après les Habits rouges, nous avons eu le Chiffon
rouge
!

Hubert Larocque
Hull, QC
pi9jan23@attcanada.ca

(Le 31 janvier 2001)


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