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Ô CANADA

ô CANADA
Le 1er juillet, fête fédérale ou fête nationale ?

Dimanche 1er juillet 2001
Un message au Canada
Stéphane Laporte
La Presse

(Le texte suivant qui nous a été communiqué par un de nos correspondants
serait extrait de La Presse)

Bonjour, c’est moi, le Canada. Au cas où vous ne le sauriez pas, c’est ma
fête. Aujourd’hui même. ça n’a pas l’air de vous déranger beaucoup. Vous
avez d’autres choses à faire. Vous êtes occupés à déménager. Ouais ! ?
C’est
quoi, cette idée de déménager le 1er juillet ?

Vous faites ça pour rire de moi. Aimeriez-vous que tous vos amis
déménagent
le jour de votre fête ? Qu’ils vous appellent en disant: «On s’excuse, on ne
peut pas aller à ta fête, on déménage !» Une année, c’est correct. Mais
tous
les ans, c’est un peu exagéré ! Je le prends personnel.

En plus, vous organisez le Festival de jazz durant ma fête. Tout pour que je
passe dans le beurre. Pis j’aime pas ça le jazz. Aimeriez-vous ça si à votre
party de fête, les gens mettaient de la musique que vous aimez pas. Du
Richard Abel ou du heavy métal. ça vous enragerait. Moi aussi. Mettez-vous à
ma place. Je ne me sens pas aimé. Je file rejet. Surtout qu’une semaine
avant, c’est la fête de mon cousin, le Québec. Le chouchou. Le chanceux.
Lui, il a un beau party. Vous êtes tous là. Vous lui faites une parade. Un
gros show. Avec les plus grands. Une fois cinq. Vigneault, Léveillé,
Charlebois, Deschamps, Ferland. Ginette Reno sur la montagne. Plein de beaux
souvenirs. Avez-vous un seul souvenir d’une de mes fêtes ? Ben non. René
Simard, Patsy Gallant, Bourbon Gauthier, ils sont bons. Mais ils n’ont rien
fait de mémorable à ma fête. Je le sais que cette année, j’ai le droit à
Jean Leloup. Mais il est dans son nuage, Jean Leloup. Il sait même pas qui
je suis. Il pense que le Canada, c’est une marque de cahier scolaire !

Pis en plus, pour me faire filer encore plus rejet, le 24 juin, vous appelez
ça, la fête nationale. Si le 24 juin, c’est votre fête nationale, c’est quoi
le 1er juillet ? Noël ? à ce que je sache, vous faites toujours partie du
Canada. Donc votre fête nationale, c’est la mienne ! Désespoir !

Je le sais que le fédéral dépense plein d’argent pour me fêter. Que le
budget de mon anniversaire au Québec est plus gros que celui dans tout le
reste du pays. Il y a plein de drapeaux partout. D’affiches. De petits
chapeaux. Mais ça me fait filer encore plus mal. Je me sens comme un petit
enfant de riches que sa mère est obligée de payer les petits voisins pour
qu’ils viennent à sa fête. Et malgré ça, la plupart des petits voisins ne
viennent même pas. Les seuls qui viennent, c’est pour avoir les prix de
présence. Et pour pouvoir parler dans mon dos, après. Dire: «Je suis allé à
la fête du petit riche, c’était assez plate !»

Bien sûr que les Anglais me fêtent en grande. Qu’à Toronto, Vancouver,
Halifax, j’ai droit à un méchant party. Mais vous savez c’est quoi un party
d’Anglais. ça finit de bonne heure ! Pis moi, c’est ici que je veux me faire
fêter. Parce que je viens d’ici. Le Canada, c’était le nom du Québec avant.
Si maintenant c’est le nom du whole country, c’est à cause de la fusion.
Y’ont donné mon nom à toute la grosse affaire. Mais c’est comme Longueuil.
Si Boucherville, St-Lambert, Brossard s’appellent Longueuil, le vrai
Longueuil, ce sera toujours le Longueuil d’aujourd’hui. Comme le vrai
Canada, ça demeure le Québec.

Même que le ô Canada, mon hymne national, a été composé pour le 24 juin,
pour la St-Jean-Baptiste. Au fond, c’est moi qu’on devrait fêter ce jour là,
pas mon cousin. En ce moment, ils parlent de rafraîchir le ô Canada. Il
paraît que David Foster va en faire une nouvelle version chantée par Lara
Fabian. C’est censé être ça mon cadeau surprise. Big deal ! Je l’aime Lara
Fabian. Elle chante bien. Mais j’ai peur qu’elle étire la note du «ôôôôô»
pendant cinq grosses minutes.

Si vous voulez vraiment me faire plaisir à ma fête, vous m’offririez une
nouvelle version du ô Canada écrite par Daniel Boucher. Là, je sentirais que
le Québec m’aime ! Que le Québec m’adopte. Que ça vient de votre fond. Je le
vois déjà, le beau Daniel, me chanter:

De que ô Canada,
Terre de ma gang de malades
Ton front est ceint d’une casquette des Blue Jays
Car ton bras sait porter la navette
Il sait lever sa bière Canadian
Ton histoire passe aux Beaux Dimanches
Pis c’est plate comme la Saskatchewan
Et ta valeur vaut 65 cents américaines
De que protégera nos bungalows et nos impôts
De que protégera nos bungalows et nos impôts

Hé que ça serait beau ! ça me ferait chaud au coeur. Mais je pense que je
rêve en couleur. Qu’il y a autant de chances que Daniel Boucher me chante
le ô Canada, qu’il y a de chances que Bernard Landry se peinture,
aujourd’hui, une feuille d’érable rouge sur le visage. Ma fête au Québec est
une cause perdue. Je le sais. Vous ne prendrez même pas le temps de lire ce
message. Vous avez besoin du journal pour emballer votre vaisselle.

Bon déménagement tout le monde !
Snif
Signé Le Canada .


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