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AUTOPSIE D’UNE PARODIE DE JUSTICE À LA STCUM

Autopsie
d’une parodie de justice à la STCUM

Comment pouvons-nous
évaluer la façon qu’a la STCUM de se prévaloir des obligations et des responsabilités
qu’elle a aussi bien envers ses clients que ses employés lorsqu’elle fait
face au scénario de plainte suivant contre un agitateur qui tente de sensibiliser
ses camarades de travail à leur droit de travailler en français ? :

Le
client anglophone :

le
client qui prétend soit ne pas parler français, soit ne pas avoir à
le parler ou soit avoir été forcé à le parler et qui donc se plaint
de ne pas avoir été servi dans sa langue par le vendeur de titres de
transport du métro, obtient l’oreille d’un gestionnaire de la STCUM.
Il a obtenu, dit-il avec indignation, difficilement de l’employé les
titres qu’il demandait. Ayant été accueilli en français par l’employé
il aurait alors exigé sur le champ de l’employé d’être servi dans sa
langue et celui-ci l’aurait par la suite soumis à un traitement qu’il
juge hautement humiliant. Aussi, il est clair que cet employé fait ouvertement
de la discrimination (ça y est ! l’horrible mot est lâché et le pauvre
gestionnaire est soudainement pris de vertige et jeté malgré lui dans
un bain de sueurs froides).

*Regardons un instant dans la tête de notre gestionnaire
:

Cet employé
trouble-fête, parmi nos employés et notre clientèle, contrevient donc, pense
notre gestionnaire fortement ébranlé, à la longue tradition (nous savons
comment en droit anglais la tradition fait souvent office de loi) de bilinguisme
de la STCUM envers ses clients et qui a même réussi à traverser intacte
les premiers et difficiles tiraillements causés par la venue de la loi 101.
Lui-même n’ayant pas été témoin de l’incident
qui fait l’objet de la plainte du client, il devra alors baser son jugement
sur la seule subjectivité et sur ce qu’il sait être les intentions
réelles de son employeur sans se laisser inutilement distraire par
ce qui constitue le discours bêtement officiel et obligé de
celui-ci. Chose certaine, si rien n’est fait, ce petit cauchemar isolé risque
de devenir un fardeau quotidien impossible à gérer qui pourrait même porter
atteinte, dans un domaine d’ailleurs hautement sensible, à la réputation
enviable de la STCUM, pour ne rien dire de la façon que pourraient en être
affectés des revenus qui sont aussi, lui dit-on, toujours à la baisse. En
plus, se dit-il pour retrouver courage et se donner raison dans son rôle,
bien réel mais inavoué, de Ponce Pilate du droit à la langue française de
ses employés, ses supérieurs ne lui ont-ils pas déjà assez dit : la raison
d’être de la STCUM n’est pas d’être au service de ses employés mais bien
d’être au service de sa clientèle. Ainsi se conclut prématurément la trajectoire
rapide, inévitable et prévisible de son examen de conscience dans laquelle
sa programmation de parfait gestionnaire ne pouvait éviter de le mener à
toute allure. Aussi, et cela il le sait de façon toute viscérale, ce n’est
seulement qu’au prix du plus grand risque pour la sécurité ou l’avancement
de sa carrière qu’il pourrait en être autrement. Il peut, dès lors en toute
bonne conscience, se laver les mains de toutes les infamies qu’il est sur
le point de commettre au nom de sa transcendante éthique d’entreprise. S’il
est en plus possible, comme c’est normalement le cas pour tout cadre dans
toute hiérarchie pyramidale d’entreprise, que ses gestes puissent améliorer
ses chances d’ascension personnelle dans l’entreprise, sa conscience tranquille,
ou plus justement ce qui chez-lui fait office de conscience, peut alors
se doubler du plaisir qu’il prend à se contempler dans son escalade anticipée
vers les sommets.


Retournons brièvement à la farce à laquelle notre employé est convoqué.

L’employé
changeur :


l’employé est convoqué non pas pour pour avoir parlé français, car ce serait
illégal, mais est donc convoqué pour avoir eu une attitude non souhaitable
avec la clientèle. Le gestionnaire lui rappelle le lieu, la date et l’heure
de l’incident. Très souvent, un mois ou plus s’est écoulé depuis. S’il a
bonne mémoire ou travaille dans un lieu peu fréquenté par les anglophones,
il s’en souviendra peut-être; qu’il ait bonne mémoire ou pas et travaille
en milieu de grand achalandage anglophone, il aura sans doute oublié. De
vive voix, ce qui est omis de la convocation écrite (la STCUM sait comment
se tenir dans la loi), il lui rappelle alors que le client était un anglophone.
Il sait dès lors qu’il a été attiré dans un piège. Il sent que ce qui est
désormais attendu de lui n’est pas tant son explication que sa conformité
à un bilinguisme qui cesserait tout de suite de rendre son attitude potentiellement
non souhaitable. Au-delà même des mots, le message subliminal a déjà été
lancé et commence peut-être même à faire son oeuvre. Il dit qu’il accueille
tout client en français et avec courtoisie. Que parfois certains anglophones
quand il leur répète en français ce qu’il croît s’être fait
demander, comme c’est souvent son habitude avec toute la clientèle pour
être sûr d’avoir bien entendu au travers du vacarme du métro, se fâchent
de ne pas se faire adresser la parole dans leur langue. Comme son droit
de travailleur francophone d’ailleurs le lui permet, il leur demande alors
s’ils parlent un peu français. S’ils s’obstinent, il les invite donc à lui
soumettre leur argent et leur signifie que la transaction devra donc se
faire dans le langage universel des signes. Selon l’argent qui lui est remis,
il propose ensuite des titres qui tombent sous la coupure ou la pièce de
monnaie qui lui est glissée. Si l’impasse se poursuit, il pourra même leur
montrer une affiche en 5 langues, dont l’anglais, les rappelant à son droit
de travailleur francophone du Québec et à l’obligation qui est la leur.
Eux n’ont droit qu’à sa courtoisie même si celle-ci se fait plus virile
en raison de l’agressivité, de l’arrogance et de la présomption de leur
attitude. La convocation se termine et notre gestionnaire dit qu’il va réfléchir
et qu’il se donne une semaine, ou à peu près, pour rendre sa décision.

*Regardons
une dernière fois dans la tête de notre gestionnaire

Donc, quand
il reçoit l’employé en convocation pour écouter sa version des faits, sa
décision est déjà prise. Bien sûr, il essaiera de ramener le perturbateur
à la raison, comme cela lui a aussi été enseigné, par des techniques de
persuasion dont lui-même, ses confrères et supérieurs ont eux-mêmes éprouvé
l’efficacité avec le temps ou qu’ils ont dénichées dans un quelconque cours
spécialisé en gestion de personnel. S’il n’est pas non plus un habitué du
“Prince” de Machiavel, il pourra même, dans son esprit endoctriné à ce que
vous savez, confondre la justice réelle avec la caricature de justice dont
il est sur le point de démarrer la mécanique aveugle et dont ils se fait
le pantin heureux et consentant. La gradation mesurée des sanctions qu’il
imposera par la suite à l’employé le confortera encore davantage dans sa
conviction erronée qu’il y a là un processus, d’ailleurs si judicieusement
dosé, qu’il ne peut être sûrement rien d’autre que le moyen par lequel toute
justice cherche à se manifester. L’illusion est parfaite et répond pleinement,
de surcroît, aux attentes et aux volontés d’un invisible dieu dispensateur
de justice dont la loi parvient des sommets sacrés et anonymes de sa pyramide
dont il est le prêtre serein et soumis. Il n’est pas libre mais n’en souffre
tout de même pas pour autant car il joue de façon convaincue dans son petit
théâtre ce simulacre sous les regards bienveillants de ceux dont les encouragements
et l’approbation comptent pour lui plus que quiconque et qui sont, il le
sait bien, ses seuls et vrais mécènes. Donc, pour notre employé, la seule
et vraie justice, si jamais elle vient, devra venir d’ailleurs et seulement
suite à de dissuasifs et interminables processus de griefs qui le convaincront
vite de la sagesse supérieure d’un comportement parfaitement bilingue. Il
finira peut-être un jour par gagner son grief mais il aura peut-être aussi
réussi à perdre dans ce pénible processus, ce droit duquel, dans sa naïveté,
avaient réussi à le convaincre les artisans justes de la loi 101.

Robert
Choquette


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