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STATUT BILINGUE OFFICIEL, TOUT NATURELLEMENT!

Le conseil de transition d’Ottawa ignore les arguments exposés
dans le texte suivant et recommande au futur conseil municipal de n’offrir que
quelques services en français dans la capitale canadienne seulement si « le nombre le
justifie » !

La nouvelle ville d’Ottawa :
Statut bilingue officiel, tout naturellement!

Lettre adressée à Monsieur Claude Bennett, président du Conseil de
transition de la ville d’Ottawa, aux soins de Madame Camille Guilbault, présidente
du Groupe de travail sur les services linguistiques.

Madame, Monsieur,

Permettez-moi de vous présenter mes commentaires au sujet du statut
linguistique de la nouvelle ville d’Ottawa et des services qu’on devra y offrir
dans les deux langues officielles du pays. Dans un premier temps, je m’emploierai à
expliquer pourquoi je juge que la nouvelle ville doit obtenir un statut bilingue officiel.
Dans un deuxième temps, j’aborderai la question des services en français.

Mais avant de poursuivre, j’aimerais souligner le fait que le
premier ministre de l’Ontario, Mike Harris, et son gouvernement ont manqué à leur
devoir de Canadiens en ne souscrivant pas, avant Noël, à la recommandation du conseiller
spécial Glen Shortliffe, portant sur le statut bilingue officiel de la ville. Cette
recommandation faisait pourtant consensus dans la région et ailleurs au pays. M. Harris a
manqué une occasion en or de faire avancer le Canada. Ainsi, il oblige une fois de plus
les francophones à justifier leurs droits fondamentaux de parler et de se faire servir en
français, bref, de réclamer que leur langue soit reconnue au même titre que
l’anglais.

STATUT BILINGUE
La question n’est pas de savoir si la nouvelle ville doit avoir un statut
bilingue officiel, mais comment sera consacré ledit statut. Car, bilingue, elle doit
l’être assurément, tout naturellement d’ailleurs. C’est incontournable!
Mais une simple résolution du prochain conseil municipal ne suffira pas. Dans sa
résolution qu’adoptera le prochain conseil municipal, celui-ci devra prévoir que le
statut bilingue soit confirmé par les gouvernements supérieurs. Si le gouvernement de
l’Ontario devait se montrer réticent à appuyer une telle résolution, il sera
opportun que le gouvernement du Canada se prononce sur la question. Le Parlement pourra
alors adopter une loi établissant clairement le statut bilingue officiel de la nouvelle
ville. La portée de la décision en sera d’autant plus solide.

La ville, qui est quand même la capitale du Canada, doit être le
reflet du pays. Dès lors, la décision du Conseil de transition ne concerne pas
uniquement les habitants de la nouvelle ville, mais l’ensemble des Canadiens et des
Canadiennes. C’est important pour les francophones et francophiles ailleurs au pays
de savoir que leur capitale est également officiellement bilingue. Le Canada a reconnu
depuis belle lurette la dualité linguistique, mais certaines provinces tardent à en
assurer le respect. Il serait logique que la capitale soit officiellement bilingue avec
les obligations de services qui s’y rattachent. Il s’agit d’un symbole
important pour ceux et celles qui souhaitent une reconnaissance égale du français au
pays et le respect fondamental qui en découle. Alors que nombre d’anglophones se
sont mis à apprendre le français depuis plusieurs années — le nombre d’é
lèves en immersion française le démontre — il serait difficile de leur expliquer,
le cas échéant, pourquoi la capitale de leur pays est unilingue anglaise. Pour les
francophones du pays, ce serait un autre affront à ajouter à la liste déjà longue.

La désignation officielle suppose que la ville d’Ottawa
fonctionnera dans les deux langues officielles et que le contribuable, qu’il soit
francophone ou anglophone, pourra se faire servir automatiquement et promptement dans sa
propre langue sans devoir le demander. Nul doute que cette désignation officielle aura
des répercussions favorables sur l’ensemble du secteur privé, lequel devra
s’adapter et offrir davantage de services en français.

Une désignation officielle consacrerait l’égalité des deux
langues et l’obligation de mieux servir la clientèle francophone qui, jusqu’à
maintenant, a éprouvé plus de difficultés à se faire servir dans sa langue que la
clientèle anglophone. Le statut bilingue est important aussi pour assurer aux
francophones qu’ils ont bel et bien droit à des services dans leur langue et des
services de qualité par surcroît.

Réalité francophone
Tous reconnaîtront que la plupart des francophones de la région sont bilingues et
fonctionnent relativement bien en anglais. Cela ne justifie pas pour autant que la
nouvelle ville d’Ottawa offre uniquement des services en anglais ou des services en
français de moindre qualité. Le francophone a droit de parler librement sa langue, de se
sentir à l’aise, de se sentir compris par ses gouvernements sans qu’il soit
obligé de passer à l’anglais parce que son interlocuteur-fonctionnaire ne peut le
comprendre. Cette dernière façon de traiter les francophones contribue à leur
assimilation.

Histoire
Les droits des francophones ont été longtemps bafoués en Ontario. L’oeuvre
funeste de Durham, la malveillance de Fallon, l’interdit du français par le
gouvernement ontarien à la fin du 19e siècle, le règlement 17, et tout récemment, le
travail de sape du gouvernement Harris à l’endroit de l’hôpital Montfort en
sont de tristes exemples. Cela a laissé des séquelles. Nombre de francophones se sont
assimilés, fatigués de se battre. D’autres se sont mobilisés et ont combattu,
convaincus de la justesse de leur cause. Les tribunaux leur ont donné raison. Et
pourtant, la contribution des francophones au développement et à l’épanouissement
de la région, de la province et du pays est considérable. La désignation bilingue de la
nouvelle ville est la chose la plus normale et évidente à faire. C’est une façon,
bien mince soit-elle, de contribuer à réparer les torts du passé. Le pas doit être
franchi avec honneur.

Si les francophones de l’Ontario avaient eu droit, depuis plus
d’un siècle, aux mêmes avantages que les anglophones ont toujours eus au Québec,
en fait de réseaux scolaire, collégial et universitaire et de réseaux de la santé; si
les francophones ne s’étaient pas butés à l’attitude méprisante et
condescendante du gouvernement de l’Ontario à leur égard, il est très raisonnable
de croire qu’ils seraient plus de 3 millions actuellement en Ontario. La province
serait sans doute officiellement bilingue depuis longtemps, la capitale Ottawa aussi. La
dynamique canadienne serait tout autre. Le souverainisme au Québec n’existerait pas.
La plupart des Canadiens parleraient les deux langues et l’on favoriserait
l’apprentissage d’une troisième, voire d’une quatrième langue. Le Canada
et la région serviraient d’exemple au reste du monde. Nous ne serions pas encore en
train de perdre du temps à justifier nos droits fondamentaux et le statut bilingue de la
capitale du pays.

SERVICES EN FRANçAIS
Le nouveau conseil municipal d’Ottawa devra offrir ses services dans les deux
langues officielles du pays, à la grandeur de la ville. Car, en définitive, toute autre
option est impensable et serait carrément discriminatoire.

Si certains tiennent mordicus au critère « là où le nombre le
justifie », pour juger de la pertinence d’offrir le service en français dans
telle ou telle partie de la nouvelle ville, je n’ai rien contre, pourvu que ce nombre
soit un (1). Les tribunaux ont déjà statué sur cette question, notamment en éducation.
Ainsi, le francophone où qu’il se trouve dans la nouvelle ville, aura droit à des
services en français, sinon il sera victime de discrimination.

Pour élaborer la nouvelle politique en matière de services dans la
langue du contribuable, il va de soi que le conseil de transition puisse s’inspirer
de ce qui se fait de mieux dans la région. Si les villes d’Ottawa et de Vanier sont
de bons exemples, le conseil devra en tenir compte.

La nouvelle politique linguistique de la capitale devra se traduire par
une offre active de services dans la langue du contribuable. L’offre active signifie
que les prépos és au service à la clientèle devront clairement indiquer,
lorsqu’ils accueillent un contribuable, qu’ils savent s’exprimer dans les
deux langues, encourageant ainsi le contribuable à s’exprimer dans sa propre langue.
Par conséquent, le contribuable francophone devra s’attendre à ce qu’on le
comprenne. Il ne doit pas avoir à traiter avec un employé qui lui servirait «
I’m sorry, I don’t speak French ». Aussi, les documents seront
offerts dans les deux langues sans que le francophone soit obligé de le demander.

Excuse-moi, j’parle pas anglais!
Combien d’anglophones accepteraient de se faire répondre de la sorte par un
préposé au service à la clientè le d’un gouvernement pour lequel ils paient des
taxes? Alors pourquoi le francophone devrait-il accepter l’équivalent anglais? On
constate que, dans certains milieux, le « sorry » traditionnel se fait de
plus en plus rare. On nous sert encore trop souvent, un « I don’t speak French »
sur un ton qui laisse entendre que le français est une langue étrangère. C’est
insultant et inacceptable.

Permettez-moi de citer le sénateur Jean-Maurice Simard.

«
On peut difficilement comprendre, à moins de l’avoir vécu à répétition durant
toute une vie, jusqu’à quel point, sans le vouloir ni même le réaliser, la
personne responsable de rendre un service quelconque au public peut porter atteinte à
votre dignité en tant que personne quand elle vous répond, en anglais, « I don’t
speak French ». Il n’est pas nécessaire qu’elle vous ait dit « I don’t
speak white ». L’effet est tout aussi déconcertant lorsque votre interlocuteur ne
se borne même pas à prendre note de votre langue et vous répond en anglais sans
broncher, comme si vous n’étiez qu’un mirage. C’est la répétition qui
vous tue à petit feu. Au coeur de votre identité.

On porte encore plus atteinte à votre dignité en tant qu’être
humain quand il s’agit d’un fonctionnaire de l’état responsable
d’assurer en personne un service public à des contribuables comme vous qui devez
payer pour qu’on vous insulte. à plus forte raison quand c’est vous le citoyen
qui lui adressez la parole dans l ’une des langues officielles de votre pays, ce pays
que vos ancêtres ont contribué à bâtir au cours des deux ou trois derniers siècles,
et que vous le faites avec le sourire et la plus grande courtoisie. » (
Voir référence à la dernière page.)

Après plus de 130 ans depuis la confédération, plus de 30 ans depuis
l’adoption de la Loi sur les langues officielles, près de 20 ans depuis
l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés, n’est-il pas temps
que les pouvoirs publics au pays, dans toutes les provinces, favorisent auprès de tous
leurs employés l’apprentissage des deux langues officielles du pays, par respect
pour les contribuables de chacun des groupes de langues officielles, particulièrement les
francophones. C’est d’autant plus important dans la capitale du pays.

J’ai vécu au cours des derniers mois trois incidents qui
me laissent croire qu’il y a place à l’amélioration. Je me permets de vous en
glisser un mot.

Commission de police
Je me suis présenté le jeudi 10 janvier à une réunion de la commission de police.
Le public était invité à exprimer ses vues sur les qualités qu’il souhaitait voir
chez le prochain chef de police. La présentation visuelle s’est faite uniquement en
anglais. Il n’y a eu que quelques remarques en français. à la fin de la soirée,
j’ai demandé à la modératrice pourquoi la version française n’avait pas
été présentée. Elle m’expliqua que la version existait bel et bien, mais
qu’elle l’avait oubliée à la photocopieuse. Je lui ai demandé ce qu’elle
aurait fait si elle avait plutôt oublié la version anglaise. Elle m’avoua
candidement qu’elle aurait fait le nécessaire pour aller la chercher. Cela m’a
démontré quelle était la version « principale » .

En outre, sur une vingtaine d’intervenants ce soir-là, je suis le
seul qui s’est exprimé uniquement en français. Et je ne suis pas certain
d’avoir été bien compris par tous les membres de la commission et du public : il
n’y avait pas de traduction simultanée. Le conseiller Richard Cantin a préféré
s’exprimer uniquement en anglais en précisant qu’il le faisait pour bien se
faire comprendre…

Au feu!
Un samedi matin cet hiver, j’ai dû appeler les pompiers à cause d’une
odeur suspecte dans le sous-sol de ma demeure. Ils ont répondu en un temps record et leur
promptitude mérite d’ailleurs des éloges. Ils ont détecté l’origine de
l’odeur, et j’ai fait le nécessaire pour corriger le problème électrique. Ils
étaient cinq ou six hommes, dont le chef. Aucun n’a pu me parler en français…

Invitation en anglais
Mon fils Jean-Michel, qui est jeune musicien, a reçu récemment une invitation du
président du comité des arts de la Municipalité régionale d’Ottawa-Carleton, le
conseiller Al Loney. Il s’agit d’une réunion portant sur le financement des
arts. L’invitation lui est parvenue seulement en anglais. Pourtant, nos
communications antérieures laissaient clairement entendre que nous sommes francophones…

Ces incidents (isolés!?), bien qu’ils puissent sembler anodins
pour certains, illustrent qu’il y a matière à amélioration. Combien d’autres
contribuables francophones ont des exemples du genre à raconter. S’il fallait se
plaindre à chaque incident, nous n’aurions pas fini. Et je ne peux me permettre de
passer ma vie à me plaindre. Je reconnais néanmoins les efforts que déploient en ce
moment la ville d’Ottawa et la Région d’Ottawa-Carleton pour s’assurer de
bien servir les citoyens francophones. Mais il y a encore des lacunes, et la nouvelle
ville devra en tenir compte pour améliorer la situation, non pour seulement s ’en
tenir au statu quo.

Patrimoine francophone
Le Conseil de transition d’Ottawa devra se pencher entre autres sur la
désignation des rues de la nouvelle ville. Il faudra dans certains cas corriger une
situation, dans d’autres respecter le caractère linguistique et historique du
secteur. Je demeure sur la rue Church à Ottawa. Je sais qu’il existe plusieurs rues
Church dans la région. Ainsi, je ne vois aucune objection à ce que le nom Church
soit changé à de l’église. Cela respecterait le caractère francophone et
historique de la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes, dont l’église se trouve sur le
chemin Montréal en face de la rue Church.

Documents incontournables
Au-delà du débat sur le statut bilingue officiel de la nouvelle ville d’Ottawa,
une chose est certaine : les gouvernements, y compris municipaux, doivent favoriser
davantage une prise de conscience par les anglophones des droits historiques des
francophones et la contribution de ces derniers à l’édification de la sociét é
canadienne. à cet égard, je vous propose la lecture de deux documents incontournables
qui, je le souhaite, vous inspireront dans vos délibérations.

Le premier s’intitule NOUS! 101 FAITS HISTORIQUES DE
L’ONTARIO FRANçAIS
.
C’est avec plaisir que j’en joins un exemplaire à la présente.
D’ailleurs, il aurait été très utile de le joindre au célèbre album du
millénaire de M. Harris, Mon Ontario, distribué à chaque élè ve de la
province, en décembre dernier. C’est très bien de vouloir « façonner
ensemble notre avenir », comme le suppose l’album. Encore faut-il bâtir cet
avenir dans le respect de la dualité linguistique du pays en tenant compte des réussites
et des erreurs du passé. Tous les élèves de la province (et leurs parents!)
profiteraient sûrement davantage de la lecture de NOUS! http://www.franco.ca/fesfo/av/nous/index.htm

Le second ouvrage s’intitule : De la coupe aux lèvres : un
coup de coeur se fait attendre
Le développement et l’épanouissement des communautés francophones et acadiennes :
Une responsabilité fondamentale du Canada, par Jean-Maurice Simard, sénateur, Ottawa,
novembre 1999. http://se.parl.gc.ca/jmsimard/

Il s’agit d’un document magistral qui suppose que l’avenir du
Canada se joue en fonction de la façon dont on traitera les minorités de langues
officielles. Et cela concerne aussi les gouvernements municipaux.

Conclusion
La contribution du Conseil de transition de la ville d’Ottawa arrive à un moment
crucial dans l’histoire de la région de la capitale nationale et du pays. Ne manquez
pas l’occasion d’opter pour l’ouverture, la générosité, et de suivre
l’élan historique et juridique de la reconnaissance des francophones.

Je m’en remets à votre sagesse et j’ose croire que vous
prendrez une décision juste et raisonnable qui saura réjouir tous ceux et celles qui se
soucient de l’avenir de notre beau pays en devenir et de sa capitale. La
responsabilité incombe à chacun de construire cet avenir sur des assises de respect et
de tolérance fondées sur l’histoire et les leçons que l’on doit en tirer.

Vous me permettrez, en terminant, de souscrire tout à fait aux propos
du président, M. Claude Bennett, qui précise dans son mot de bienvenue, au site Internet
de la Région : « …Si nous réussissons, notre nouvelle cité sera une ville à
la vision large et remplie de promesses. Elle nous offrira une place enviable où il fait
bon vivre, travailler, nous amuser et y élever nos familles. Voilà l’héritage que
léguera, je l’espère, le Conseil par sa contribution à notre sens de la
communauté. »

Pour tout dire, la réussite de l’entreprise réside dans la
volonté des dirigeants qui voudront bien se laisser guider par des sentiments les plus
nobles.

En vous remerciant de votre attention, je vous prie d’agréer,
Madame, Monsieur, l’assurance de ma considération.

Michel Ouimet
Le 26 avril 2000

763, rue Church
Ottawa (Ontario) K1K 3K5
(613 747-0941)
michel.ouimet1@sympatico.ca


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