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PRÉVOIR ET PLANIFIER L’IMMIGRATION

PRéVOIR ET PLANIFIER L’IMMIGRATION :

UN ACCUEIL EN FRANçAIS POUR ASSURER NOTRE AVENIR


Introduction

Le mouvement Impératif français appuie le ministre des Relations
avec les citoyens et de l’Immigration dans sa volonté d’accroître son influence dans la
gestion des mouvements d’immigration et d’édifier une société francophone,
démocratique et pluraliste.

Il rappelle que, bien que le nombre d’immigrants invités à
s’établir au Québec doive être déterminé en fonction de la capacité québécoise de
maîtriser les retombées linguistiques, culturelles et sociales de cet apport, une vision
à long terme doit améliorer cette capacité d’accueil et d’intégration des nouveaux
arrivants. Le développement du Québec et la pérennité du français en Amérique du
Nord en dépendent.

L’identification de quelques obstacles qui limitent l’intégration
linguistique des nouveaux arrivants sera suivie de quelques suggestions adressées aux
différentes composantes de notre société.

Cette contribution à la planification s’inscrit comme un engagement
à collaborer à l’augmentation de la capacité d’accueil et d’intégration des
immigrants, dans le cadre de la mission de notre organisme et de notre capacité de
mobiliser les ressources nécessaires.

1. Planifier pour répondre aux besoins

1.1. Ajuster l’entrée de nouveaux arrivants à notre capacité de
les accueillir.

Nous reconnaissons, dans la consultation publique sur l’exercice des
pouvoirs québécois en matière d’immigration, la volonté du ministre des Relations avec
les citoyens et de l’Immigration de faire correspondre le nombre des immigrants autorisés
à s’établir au Québec à la capacité d’accueil des institutions publiques et privées
et de la population québécoises.

Nous encourageons le ministre à augmenter de manière globale le
nombre d’immigrants; à augmenter le nombre d’immigrants indépendants (orientation 1); à
maintenir l’aide humanitaire aux réfugiés et autres personnes en détresse (orientation
3); à faire progresser le nombre d’admission d’immigrants ayant de bonnes capacités
d’adaptation au marché du travail (orientations 4 et 5). Ceci en plus de ceux échappant
actuellement à son pouvoir d’intervention…

L’orientation qui emporte davantage notre adhésion est celle d’optimiser
la proportion des immigrants francophones (orientation 2).

Nous souhaitons que la régionalisation de l’immigration soit
renforcée de manière à soutenir le développement des régions, à favoriser
l’intégration des immigrants et à susciter le développement d’expertises régionales en
relations interculturelles.

Bien qu’il faille augmenter le nombre d’immigrants pour enrayer la
baisse du poids relatif de la «belle province» dans la fédération canadienne, il nous
apparaît sage de garder comme priorités:

  • l’intégration de ces nouveaux arrivants à la population déjà
    établie;
  • l’établissement de relations réciproques harmonieuses;
  • la réalisation socio-économique de chacun.

Il est de notre devoir de rappeler qu’une limitation du nombre
d’immigrants invités à s’établir au Québec ne fait que différer la recherche de
solutions à la consolidation de la présence culturelle francophone en Amérique du Nord.
En effet, près de 0,5 % de la population résidente quitte chaque année le Québec pour
le Canada anglais. De 1990 à 1995, le flux migratoire interprovincial se solde ainsi par
une perte de près de 60,000 résidents (MRCI; 1997, 19). Et le Québec accueille
désormais moins de 15% de l’immigration canadienne (Berthelot; 1997, 51).

De plus, il est indiqué de rappeler l’effet de la politique
canadienne sur l’évolution de la langue française au Canada. En effet, les transferts
linguistiques ont fait progresser de 2 ’29 330 individus le groupe des utilisateurs de l’anglais
contre des pertes de 273 635 pour le français (Statistique Canada, 1991). Ainsi, entre 1951
et 1991, au Canada, le poids relatif des francophones est passé de 29% à 24,3% et celui
des Québécois de 28,9% à 25,2% (Statistique Canada). La tendance se maintient!

1.2. Augmenter notre capacité d’intégration des nouveaux
immigrants enfonction des besoins démographiques

Comme le dit Pierre Bourgault « La politique n’est pas l’art du
possible. C’est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire. »

Aussi, la consultation tenue par le gouvernement du Québec est-elle
pour nous une invitation à insister sur la nécessité de développer notre capacité
d’accueil et d’intégration de nouveaux arrivants intéressés à contribuer
équitablement à l’essor culturel et au développement du Québec.

1.3. La volonté de se perpétuer ne peut venir d’un système
fermé.

Nous tous, particuliers et organisations, avons la responsabilité
de créer, de manière formelle et informelle, des lieux et des moments de rencontre. De
fait, une société qui ne serait capable, ni de se reproduire, ni de rallier ceux qui
assument sa relève, pourrait être considérée comme dénuée de volonté de se
perpétuer et résignée à sa disparition. Il convient de rappeler que le taux de
natalité au Québec demeure l’un des plus faibles du monde.

à court terme, les réactions du marché de l’emploi à une offre
supplémentaire de main-d’oeuvre semblent menaçantes pour tous. Cependant, à moyen
terme, la capacité des jeunes Québécois de financer la retraite de leurs aînés sera
amoindrie sans la contribution de la main-d’oeuvre immigrée. Le vieillissement de la
population et le coût de la prise en charge des services requis par cette tranche de la
population exigent la préparation immédiate d’un accroissement de la main-d’oeuvre.

2. Les obstacles à l’intégration des nouveaux arrivants.

Impératif français est plus particulièrement attentif à l’intégration
linguistique des nouveaux arrivants. Nous avons identifié les obstacles suivants à cette
intégration:

  • la pression assimilatrice de la communauté anglophone, son
    refus d’en prendre conscience et de reconnaître aux francophones le droit d’y remédier;
  • la méconnaissance, dans le contexte pré-migratoire, des caractéristiques
    linguistiques et culturelles du Québec ;
  • les carences du cadre institutionnel chargé de garantir le
    caractère francophone du Québec dans une société pluraliste;
  • l’utilité de maîtriser la langue anglaise pour raccourcir la
    période de recherche de travail et accéder à un emploi mieux rémunéré;
  • la prédominance des termes anglais parmi les termes techniques, le
    jargon scientifique et celui des nouvelles technologies;
  • la fréquence du recours à la langue anglaise lors des relations
    avec les personnes dont l’apparence ne correspond pas à l’idée que l’on se fait du
    Québécois «de souche»;
  • la contradiction entre les messages affirmant que le français est la
    langue officielle et les pratiques incitant à l’utilisation de l’anglais dans la vie
    courante;
  • la faiblesse du niveau d’expertise relative au processus d’acquisition
    de la langue commune dans les entreprises et autres organismes, et leurs réserves quant
    à leur rôle dans ce domaine;
  • la difficulté de trouver des interlocuteurs disponibles pour parler
    le français;
  • la difficulté des parents allophones de donner le soutien requis aux
    travaux scolaires de leurs enfants;
  • le sentiment de certains immigrants que la population québécoise
    «de souche» n’est pas disposée à les inclure dans son réseau de relations
    interpersonnelles;
  • le sentiment de certains immigrants que leur intégration dans la société
    d’établissement menace la préservation de leurs valeurs morales et religieuses;
  • la crainte de certains Québécois de voir s’effriter leurs acquis
    culturels et sociaux sous la pression de valeurs véhiculées par certains immigrants;
  • la concentration des immigrants dans la région de Montréal et en
    particulier dans certains quartiers où les francophones sont moins présents.

La prise de conscience de ces obstacles nous incite à
esquisser des propositions d’actions propres à favoriser leur intégration, notamment
linguistique.

3. La dynamique de l’intégration

L’immigrant qui s’expatrie, mû par le rêve ou la
nécessité, est en général décidé à acquérir les outils nécessaires à la
réussite de cette nouvelle vie. Il se perçoit comme capable de relever les défis liés
à ce nouveau départ. Il fonde sa confiance sur la conscience des contraintes auxquelles
il compte échapper. Il est convaincu d’avoir identifié dans les obstacles prévisibles
les moyens qui lui permettront d’en venir à bout.

Après une plus ou moins longue période d’euphorie, certains
découvrent le poids de l’imprévisible. La complexité de la réalité freine leurs
projets basés sur l’anticipation rassurante de leur réussite. Cette désillusion s’accompagne
d’un besoin d’être rassurés et de faire confirmer leur capacité à relever les défis,
à diagnostiquer les difficultés et à initier des processus de résolution de
problèmes. Selon l’accueil que vont leur réserver les différents sous-groupes avec
lesquels ils entrent en contact, ils vont modifier leurs schèmes de pensée, revoir leurs
projets et leurs stratégies. Ce sont ces paramètres qui définiront la qualité de leur
adhésion au cadre civique commun. De son côté, le Québécois se perçoit comme un
citoyen accueillant et généreux. Le discours de l’immigrant en phase de désenchantement
lui apparaît comme une méconnaissance de sa propre société et un signe du refus de
s’intégrer. Il découvre que sa communauté est accusée de ne pas correspondre à l’image
embellie de la société dont l’émigré s’est éloigné. La frustration parfois exprimée
par le nouvel arrivant en termes de reproche crée de l’incompréhension et risque de
rompre le dialogue.

Cette frustration traduit les efforts de rapprochement qui annoncent
la réorganisation des références à une réalité inattendue. La reconnaissance de
cette transition permet de les situer comme une étape du processus d’adaptation. Avec le
temps, celui-ci débouchera sur la relativisation des généralisations excessives et sur
la recherche des informations manquantes. Les tensions s’apaiseront au fur et à mesure
que l’immigrant aura l’occasion de faire reconnaître sa capacité de participer au
développement de la société. En général, il exprimera alors son attachement à cette
communauté qui lui permet de retrouver sa fierté. Ces échanges mettront en évidence
que le refus de s’intégrer n’est souvent qu’une tentative de se protéger contre un
environnement dont les ouvertures ne semblent pas offrir la possibilité de se
développer.

Au-delà de la résistance et des inquiétudes, il faut donner
le temps à la générosité d’apparaître. Alors, chacun de nous pourra se rassasier des
avantages inimaginables que les uns et les autres sont prêts à partager dès lors qu’ils
se sentent invités à la table des convives.

La langue est le véhicule de cette rencontre. Le plaisir de
l’échange génère la recherche et la maîtrise des mots pour le dire. Comme vous le
savez, les déclarations d’amour enrichissent davantage le vocabulaire que les mots d’ordre
et les vexations. Le goût de parler une langue se développe avec la possibilité de
rencontrer des interlocuteurs, d’accéder à un savoir particulier et de faire valoir ses
talents.

L’intégration des immigrants est un mouvement de rencontre où les
membres de la société d’accueil et l’immigrant se reconnaissent et se respectent.
L’assimilation est un choix où le minoritaire abandonne, de gré ou de force, ses
caractéristiques identitaires pour correspondre à l’image normative imposée par la
majorité ou la culture dominante. Les atouts culturels et sociaux du Québec, autant que
son histoire politique, le prédisposent à tabler sur la séduction pour susciter l’adhésion
de ceux qui, par choix ou par défaut, décident d’y vivre. Ce jeu de la séduction exige
que le cadre institutionnel et l’aménagement linguistique soient clairement établis et
respectés. Ceci ne va pas sans ambiguïtés dans le contexte actuel du dénigrement de la
politique linguistique du Québec.

Il nous faut donc réinventer la fête qui donne le goût de
l’harmonie où chacun se fond dans l’ensemble et met provisoirement de côté les
inévitables frustrations liées à la condition humaine.

3.0.1. Après la lutte pour la survie, le confort du cadre
institutionnel pour que s’épanouisse la capacité d’accueil de chacun.

La sécurité libère l’énergie nécessaire à l’accueil. Les
Québécois ont besoin d’un cadre efficace pour préserver le caractère fondamental dela
langue française comme langue commune. Cette présence institutionnelle assure la
stabilité du Québec dans le temps. Elle replace les difficultés d’acquisition de la
langue chez les allophones dans la perspective de la succession des générations.

Le respect des rythmes et la reconnaissance du cheminement d’autrui
sont favorables à l’adhésion commune alors que la contrainte engendre soumission ou
révolte. Elle altère la disponibilité de l’énergie requise pour l’apprentissage.

La culture québécoise doit sa vitalité au combat mené pour
vaincre les obstacles destinés à l’étouffer. Ce combat a porté ses fruits:
L’organisation politique que se sont donnée les Québécois leur livre l’accès à une
partie des leviers de commande nécessaires pour assumer leur destinée. Ce contexte
politique a produit un cadre institutionnel et légal veillant au maintien de certains
acquis.

Le peuple québécois a résisté aux politiques assimilatrices par
des stratégies de protection contre la différence et de défense de son identité. Les
naissances assuraient alors sa vitalité. Aujourd’hui le maintien de la langue et de la
culture nécessite d’autres stratégies Les gains politiques acquis au moyen des anciennes
stratégies rendent possible ce renouvellement. Le maintien de la culture francophone
repose en effet sur la prise en considération de la réalité démographique. Il est
aujourd’hui nécessaire d’adopter des attitudes d’accueil, de séduction et d’intégration
pour élargir le cercle de famille. L’avenir sera façonné par cette adaptation à la
situation actuelle, par le nombre et par la qualité des adhésions à la société
québécoise que nous serons capables de susciter.

4. Où et comment intervenir

4.1. L’image du Québec véhiculée dans le contexte
pré-migratoire.

Avant de choisir sa destination d’émigration, le candidat à
l’émigration façonne parfois un projet de vie à partir des données accessibles, tant
par les médias et les canaux officiels que par les réseaux informels et son entourage.

Aussi, la diffusion des informations sur la culture du Québec, sa
langue, le marché de l’emploi et ses relations avec le Canada doit-elle être l’objet de
notre préoccupation. Il semble qu’à leur arrivée, certains immigrants ignorent malgré
les progrès réalisés, la spécificité québécoise par rapport à l’ensemble canadien,
allant jusqu’à ignorer la réalité linguistique du Québec. (Berthelot; 1997, 40)

Les Québécois qui vivent à l’étranger, ainsi que les
Néo-Québécois et étudiants étrangers en relation avec les communautés dont ils sont
originaires, sont des relais dont la collaboration est précieuse.

Le dynamisme du Québec dans la francophonie et son apport à la visibilité
du français sur le réseau «Internet», contribuent à cette reconnaissance dans
certains milieux. L’utilisation de ces technologies de l’information dans les écoles
pourrait confier aux élèves un rôle d’ambassadeurs de la culture et développer leur
habileté en échanges interculturels.

Notre contribution à l’enseignement du français, à l’extérieur
de nos frontières, doit également être perçue comme un facteur qui renforce le
dynamisme de la francophonie dans le monde et la diffusion de notre culture.

4.2. Favoriser la disponibilité des Québécois à l’accueil des
nouveaux arrivants par un cadre institutionnel qui garantisse le maintien des
caractéristiques essentielles du Québec.

Une bonne partie de l’immigration actuelle provient de
régions du monde dont la langue, la culture, la religion, les valeurs et les coutumes
diffèrent de celles de notre société. L’accueil des Québécois est notamment marqué
par la nécessité qu’a leur société de préserver ses caractéristiques essentielles et
de se développer grâce à cet apport de ressources disponibles. La contribution
démographique et économique des immigrants les rend désirables. Cependant la confiance
des Québécois dans leur propre capacité d’intégrer les nouveaux immigrants, exige qu’un
cadre institutionnel garantisse la permanence des acquis économiques, sociaux, culturels
et civiques échafaudés au cours des temps. Ce cadre institutionnel englobe notamment la
langue d’affichage, d’enseignement, de travail, etc. De plus, le cadre constitutionnel
aurait avantage à être clarifié afin de dissiper la confusion et l’incertitude
engendrées par les nombreux messages contradictoires.

4.2.1. Le français, langue de travail et de relation avec la
clientèle.

Les exigences linguistiques des employeurs détonnent parfois dans
la composition de leur clientèle. On peut supposer dès lors, soit que l’anglais a
tendance à s’imposer comme langue commune dans les lieux qui échappent à notre
vigilance, soit que la politique des relations avec la clientèle surévaluent les besoins
de la clientèle unilingue anglophone, ou que la politique de recrutement du personnel
sous-évalue l’aptitude au bilinguisme des ressources humaines anglophones.

Rappelons que 91,5 % des anglophones du Canada sont unilingues et
que 40% des francophones affirment parler anglais (Impératif français, 1996, 7). Nous
voulons que le bilinguisme progresse chez nos compatriotes anglophones, même si nos
comportements linguistiques sont davantage tolérants que ceux qui ont abouti à
l’assimilation massive des francophones en Amérique du Nord.

Ainsi que l’a voulu le législateur, l’application de la Charte de
la langue française doit éliminer toute exigence non justifiée de la maîtrise de la
langue anglaise pour accéder au marché du travail, y compris au sein de la fonction
publique qui devrait donner l’exemple.

46. [Interdiction d’exiger une autre langue] Il est interdit à un
employeur d’exiger pour l’accès à un emploi ou à un poste la connaissance d’une langue
autre que la langue officielle, à moins que l’accomplissement de la tâche ne nécessite
la connaissance de cette autre langue.

[Fardeau de la preuve] Il incombe à l’employeur de prouver à la
personne intéressée, à l’association de salariés intéressée ou, le cas échéant, à
l’Office de la langue française que la connaissance de l’autre langue est nécessaire. L’Office
de la langue française a compétence pour trancher le litige, le cas échéant.

L’ajout de l’exigence de la connaissance de l’anglais pour l’accès
à un emploi est une pratique d’exclusion à l’endroit des nouveaux arrivants. En effet,
seulement 11,5% des immigrants admis au Québec, en 1996, avaient une connaissance «du
français et de l’anglais ».(M.R.C.I., 1996).

4.3. Assurer, en complément de la francisation en établissement, l’encadrement
de l’immersion linguistique.

Le nombre d’heures allouées à la francisation des stagiaires dans
les Centres d’orientation et de formation des immigrants (COFI) prévoit une formation de
base préparant à l’insertion socioprofessionnelle. à la suite des difficultés
rencontrées par les allophones à percer un marché du travail marqué par un taux de
chômage élevé, et à l’utilité de compléter la formation dispensée par les COFI,
plusieurs commissions scolaires et organismes communautaires offrent des programmes
complémentaires de francisation et d’insertion socioprofessionnelle.

Cette francisation systématique garde toute sa raison d’être. Elle
doit faire l’objet d’ententes de complémentarité entre les différents dispensateurs de
services de manière à répartir les mandats et les budgets en fonction des exigences des
programmes et de l’efficacité de chacun.

Les programmes de francisation doivent rejoindre une plus
grande partie de leur clientèle potentielle. (Berthelot; 1997, 40)

En complément à ces apprentissages, il faut prévoir et élargir
les possibilités d’immersion linguistique. C’est dans l’interaction quotidienne, par la
participation à la dynamique et à la production économique, sociale et culturelle que
se développe l’habileté linguistique.

4.3.1. élargir l’admissibilité à d’autres lieux d’immersion linguistique
tels que les milieux de travail et le bénévolat.

L’intégration des immigrants se fait surtout par le biais du
travail. L’accès au travail est le moyen de la majorité d’assurer son autonomie
financière et de contribuer à la production des biens et de services nécessaires au
fonctionnement et au développement de la communauté d’établissement. L’activité
professionnelle absorbant la plus grande partie de la vie constitue une source essentielle
d’interaction et de communication motivant l’acquisition de compétences linguistiques.
Les personnes qui ne peuvent avoir accès au marché de l’emploi éprouvent davantage de
difficultés à se motiver et à s’exercer pour perfectionner leur maîtrise de la langue.

Outre le souci de promouvoir le français comme langue de travail,
il faut donc faciliter l’immersion dans le milieu du travail, comme le recommande le
Conseil des relations interculturelles ( Berthelot; 1997, 48-57 ) en vue de continuer à
développer l’acquisition du vocabulaire utile à la technologie, à l’analyse et au
développement des processus de production, à la recherche et à la socialisation.

Lieux de production de biens et de services, les organismes communautaires
et tout le secteur de l’économie sociale sont aussi des lieux de vie et d’intégration (1).
Ils ont développé une expertise dans la valorisation de la contribution de leurs membres
et de leurs bénévoles à la réalisation de leur mission. L’insertion de nouveaux
arrivants dans ces circuits, en échange de leur disponibilité et de leurs compétences
spécifiques, est pour eux un moyen d’acquérir et de perfectionner leurs compétences
linguistiques.

Le nombre de places propices à une immersion linguistique dépend
de l’analyse des exigences linguistiques nécessaires à l’accomplissement de la tâche.
Il est possible d’augmenter ce nombre de places en soumettant l’analyse des défis à la
créativité de l’immigrant. Cette créativité peut même enrichir la panoplie d’outils d’intervention
de l’organisme «employeur». Pour l’apprenant, la possibilité d’améliorer ses moyens d’intégration
socioprofessionnelle à partir de ressources linguistiques minimales stimulera
l’assimilation des notions enseignées.

L’efficacité des programmes de francisation bénéficiera de
l’allocation d’une partie de nos ressources à la multiplication et à la stimulation de
lieux d’immersion sociolinguistique.

Notons entre autres, la participation d’immigrants dans les
programmes de maintien à domicile, les services d’animation pour personnes âgées dans
les centres d’accueil, etc.

4.3.2. Que chaque citoyen soit un francophone qui prenne le temps de
parler aux immigrants et de les écouter.

L’immigrant est motivé par l’apprentissage de la langue qui
porte ses projets de travail et de vie dans son nouveau cadre. Cependant, l’acquisition de
ce nouveau savoir est parfois une épreuve qui peutintroduire le doute sur ses capacités
d’apprentissage. Il a honte de cette maladresse linguistique. En effet, elle entache le
curriculum professionnel et intellectuel sur lequel reposaient sa fierté et l’assurance
de son intégration.

Difficulté supplémentaire: il apprend à parler mais ne trouve pas
à qui parler! L’exemple de l’enseignant qui suggère aux élèves d’appeler Tel-Aide pour
avoir l’occasion de parler la langue du pays, met en doute la facilité des contacts avec
la population francophone. Ce conseil sous-estime probablement la disponibilité et le
goût pour la «jasette» de la population… quoique, selon le père Julien Harvey, la
timidité interculturelle puisse caractériser une partie de la population québécoise.

De nouveaux arrivants affirment avec résignation que les
Québécois n’ont pas le temps de leur parler. Alors que dans plusieurs cultures les liens
familiaux et amicaux sont primordiaux, le déracinement de l’immigrant se traduit la
plupart du temps par une perte de la majeure partie de son réseau social. Le dynamisme de
certaines associations et la solidarité à l’intérieur de certaines familles nous font
croire qu’il n’y a pas de problèmes. Mais la pudeur, la fierté, et la crainte de nous
déranger masquent l’isolement dans lequel vivent plusieurs d’entre eux, nos voisins.

Certains immigrants rapportent aussi qu’ils se font aborder en
anglais avant d’ouvrir la bouche ou dès que leur interlocuteur perçoit qu’ils ne
maîtrisent pas parfaitement le français. Pour ceux qui ne maîtrisent pas l’anglais,
cette situation constitue une indication supplémentaire qu’il serait bien utile de
combler cette lacune. Mais pour les autres qui font l’effort d’apprendre le français
comme deuxième ou troisième langue, c’est de l’héroïsme que de refuser cette solution
de facilité. Quand, au magasin, dans l’autobus ou au guichet de la poste, il y a une file
derrière soi, il faut faire vite pour se soustraire à la pression de l’attente! Mais
quand parlera-t-il le français si personne ne lui accorde du temps pour essayer?

Nous n’avons pas les moyens de payer davantage d’agents de francisation
pour mener à terme le processus. Il nous faut donc prendre conscience, institutions et
individus, de notre responsabilité dans la francisation des immigrants.

Le jumelage qui permet à une famille immigrante de trouver les
renseignements nécessaires à l’organisation de la vie quotidienne et qui donne
l’occasion de parler la langue est un exemple de participation à l’accueil des
immigrants. D’autres initiatives éclosent ici et là, telles que l’aide à la rédaction
de demande de services et à l’établissement de formulaires, le covoiturage, les
habitations partagées, l’invitation à une partie de balle ou de volley, …

4.3.3. Suppléer aux difficultés des parents à superviser les
travaux scolaires de leurs enfants.

En dehors du travail, l’incitatif majeur à la maîtrise de la
langue est l’éducation des enfants. Les parents ont à coeur d’aider ou de superviser
l’éducation de leurs enfants. Certains nouveaux arrivants ne peuvent plus assumer ce
rôle parce qu’ils ne maîtrisent pas la langue. En outre, ils se trouvent à la merci de
leurs enfants pour des démarches auxquelles ils n’ont pas l’habitude de les associer.

Les jumelages entre familles immigrantes et familles québécoises
développent le goût de se rapprocher et créent des occasions de parler. Plusieurs
associations interculturelles recrutent activement dans la société québécoise des
personnes intéressées à accueillir des familles immigrantes et à les informer du
fonctionnement des institutions québécoises et des moyens de s’intégrer.

Certaines de ces associations ont mis sur pied des écoles de
devoirs pour suppléer aux carences linguistiques des parents. Ainsi appuyés, les parents
allophones intègrent plus facilement les réseaux d’échanges sur l’éducation des
enfants. D’autres associations permettent aux jeunes immigrés d’«adopter» une
grand-mère ou de se faire «adopter» par elle. Ainsi se transmettent des trésors d’affection
disponible, le plaisir de l’échange et les souvenirs qui éclairent un présent privé de
racines.

5. Deux partenaires responsables

5.1. échanger, ça aide à parler et ça nous grandit.

Les relations avec les personnes d’autres cultures nous
intimident parfois parce que nous ne savons pas ni où elles vont nous mener, ni comment
nous comporter. Ce n’est pas toujours facile, spécialement lorsque l’apprentissage
linguistique débute ou stagne. La méconnaissance des habitudes et des valeurs
culturelles font craindre à chacun de blesser l’autre. Mais la satisfaction croît avec
l’usage! Plusieurs personnes engagées considèrent que c’est un enrichissement pour elles
de fréquenter les immigrants venus des quatre coins du monde. Ils ouvrent leur esprit sur
d’autres choix et leur permettent de voir différemment les leurs. Ces fréquentations
interculturelles permettent aussi de découvrir que l’image que chacun se construit de la
différence est bien plus menaçante que la personne elle-même. Quand nous prenons le
temps d’établir un lien, bien entendu!

Dans notre société de plus en plus de citoyens, en pleine
possession de leurs ressources intellectuelles, sont libérés de l’obligation de
travailler pour subvenir à leurs besoins. Le goût d’être utile et d’élargir leur
horizon pourrait s’accomplir dans une multitude de relations comme l’aide aux devoirs
scolaires, le partage de commentaires de lectures, le bavardage par dessus la clôture, la
«jasette» ou encore le covoiturage. Ces démarches et d’autres sont à la portée de
clubs sociaux intéressés à déborder leur recrutement traditionnel, à la portée de
services attentifs à la croissance de l’isolement ou de citoyens et citoyennes prêts à
une démarche individuelle. Il suffit d’être fier d’être francophone et de prendre le
temps d’inviter l’autre.

5.2. La responsabilisation sociale des immigrants.

Bien que le Québec doive investir de nombreuses ressources pour
faciliter l’accueil et l’intégration des immigrants, il convient toutefois de rappeler,
ici, qu’il est du devoir des immigrants de s’intégrer à la société d’accueil par l’apprentissage
de la langue commune, le français.

Il s’agit là d’une responsabilité partagée et par la
société québécoise et par l’immigrant. Ce dernier ne peut ni ne doit se soustraire aux
exigences de ce devoir à l’endroit de son hôte.

Les immigrants qui se soustraient au respect des lois linguistiques
mises en place par le Québec contribuent aux tensions culturelles de la société
d’accueil alors qu’un climat détendu ne peut qu’être favorable à la mise en commun des
énergies. L’utilisation et la maîtrise de la langue officielle est perçue comme une
marque de la volonté de s’inscrire comme partenaire effectif de l’histoire du Québec.
Comme pour la grande majorité des Québécois, le français leur permettra de travailler,
de faire valoir leurs droits, de participer aux institutions publiques, de se former et de
soutenir les apprentissages de leurs enfants.

6. Conclusion

Nous préconisons donc que l’ensemble des forces vives du Québec
unissent leurs efforts pour augmenter notre capacité d’accueil des immigrants et leur
intégration dans une communauté francophone dynamique. Il est de notre responsabilité
d’inviter et d’encourager à partager, à soutenir et à enrichir notre culture.

Ainsi, nous recommandons que le cadre institutionnel et légal garantisse:

  • l’usage de la langue française comme langue commune dans tous les
    rouages de la vie publique et, en particulier, du travail, de l’éducation, des services
    de santé;
  • la promotion de la langue française dans les domaines technologique,
    commercial et scientifique où l’usage de la langue anglaise a tendance à être perçu
    comme inéluctable;
  • la reconnaissance du pluralisme du Québec et son ouverture «aux apports
    multiples dans les limites qu’imposent le respect des valeurs démocratiques fondamentale
    et la nécessité de l’échange intercommunautaire» (Berthelot; 1997, 8), la langue
    française étant le véhicule de ces interactions;
  • la sensibilisation de l’ensemble des établissements publics ou
    privés, et de chaque citoyen, à leur pouvoir sur la francisation des nouveaux
    immigrants.

Ce pouvoir sur l’intégration linguistique des immigrants s’exerce
par:

  • le respect de la politique linguistique du Québec;
  • une admissibilité plus large aux stages dans les milieux de travail
    et de bénévolat;
  • l’élargissement de l’accessibilité des lieux d’immersion
    sociolinguistique;
  • la multiplication des écoles de devoirs accessibles aux enfants et
    aux parents allophones;
  • la multiplication du parrainages de jeunes immigrants;
  • la multiplication du parrainage de familles immigrantes par des
    familles québécoises;
  • la mise sur pied, dans les bibliothèques publiques de clubs de
    lecture sur les thèmes de l’histoire, de la géographie, du voyage, de l’immigration, de
    l’échange interculturel, etc.
  • la sensibilisation des nouveaux arrivants aux activités des clubs
    sociaux, des organismes d’entraide, des groupes communautaires et à l’amorce de
    rencontres interculturelles ;
  • l’invitation des associations ethnoculturelles et interculturelles,
    par les clubs sociaux, les groupes communautaires et les comités de quartier à des
    activités de connaissance mutuelle, de collaboration thématique, etc.

Nous rappelons que la probabilité que le français devienne une
langue commune augmente avec:

  • le rayonnement de la fierté d’être Québécois;
  • la multiplication des initiatives visant la rencontre;
  • le respect attentif de l’autre, de ses valeurs, de ses intérêts;

et qu’elle diminue avec:

  • le préjugé que l’autre préfère s’exprimer en anglais;
  • l’impatience face aux difficultés de l’autre de s’exprimer en
    français;
  • le dénigrement de la qualité du français parlé par l’autre;
  • l’absence de disponibilité pour communiquer avec l’autre;
  • le rejet de l’autre, de ses coutumes ou le mépris pour l’une ou l’autre
    de ses différences;
  • l’intolérance et la sous-évaluation des exigences imposées à
    l’autre;
  • l’absence de reconnaissance des efforts de l’autre.

Nous avons mis en évidence l’importance pour le Québec de
développer sa capacité d’accueil et d’intégration des immigrants. Nous avons rattaché
cette nécessité à l’impact du facteur démographique sur l’avenir de la langue
française en Amérique du Nord.

Génération après génération les Québécois construisent un
pays où il est possible de se réaliser et de s’épanouir en français. Ils ont besoin de
renforts pour maintenir le cap mais ceux qui les rejoignent doivent savoir que les tâches
sont à partager. Pour assurer l’avenir du Québec, les voix des immigrants doivent se
mêler au choeur, appuyer la mélodie et l’enrichir.


Bibliographie

Berthelot, J., (1997), Un Québec pour tous ses citoyens. Les défis
actuels d’une démocratie pluraliste , Conseil des relations interculturelles, Montréal

Ministère des relations avec les citoyens et de l’Immigration, (1997),
Prévoir et planifier. L’immigration au Québec de 1998 à 2000. Caractéristiques de
l’immigration récente au Québec

M.R.C.I., (1996) l’immigration en région en 1996. Statistiques de l’immigration
dans les régions administratives du Québec

Statistique Canada, Cat. 96-313F, cité par Impératif français, (1996),
Le français langue commune du Québec , Mémoire soumis à la Commission de la culture

Statistique Canada, cité par Impératif français, (1996), Le recul
du français au Canada , Mémoire soumis au Comité parlementaire sur les langues
officielles, Ottawa.


Renseignements:

Jean-Paul Perreault
Président
Tél.: (819) 684-7119
impératif@imperatif-francais.org

1 (renvoi de bas de page) La recherche par les immigrants de
lieux d’immersion linguistique, la disponibilité de leur expertise professionnelle pour
le bénévolat ne devraient pas occulter leur droit d’obtenir une rémunération
équitable pour leur travail. Il en est de même pour tous les candidats au travail
amenés à offrir leurs compétence sans compensation monétaire, dans le seul but de
maintenir et de mettre à jour l’expertise et l’expérience requises par la concurrence
sur le marché du travail. Malheureusement le contexte actuel tend à faire percevoir les
immigrants comme des voleurs d’emplois, vu les concessions qu’ils sont prêts à faire aux
employeurs pour avoir l’occasion de ne plus dépendre de l’aide du dernier recours et de
faire valoir leur aptitude au travail. Leur désir de s’intégrer économiquement est
alors perçu comme menaçant.


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