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ÉPOQUE FASTE POUR LA LANGUE ALLEMANDE ?

Article de la Neue Zürcher Zeitung, Zurich le 3/IX/99.

époque faste pour la langue allemande ?

Mouvement civique contre l’avancée de l’anglais


Dortmund, fin août.

La grande coutière Jil Sander avait un message à faire passer et elle
s’exprima en ces termes : « Ma vie est une givingstory. Celle qui veut quelque chose
Lady, ne le searche pas chez Jil Sander. Les gens doivent aimer l’effortless et le magic
de mon style. Les gens conscients des problèmes d’aujourd’hui peuvent justement
appréciate avec spirit ces vêtements, ces qualités refined . » De tels salmigondis ont
toujours irrité Walter Krämer. Un beau jour, il s’est dit : « ça suffit ! » et il a
alors fondé l’Association pour la préservation de la langue allemande.

Le professeur d’économie et de statistiques sociales de Dortmund
appelle depuis avril 1997 à resister avec humour et détermination à l’altération
continue de l’allemand causée par le « Denglish », ce sabir à la mode dans les cercles
publicitaires et médiatiques. Rapidement, l’association de M. Krämer compta 6.000
membres, « un mouvement civique contre la frime prétentieuse » du gratin branché.

C’est plus particulièrement parmi les professeurs du secondaire, mais
également, parmi les médecins, avocats, chefs d’entreprise et membres des médias que
l’initiative de M. Krämer connaît un vif retentissement. Les instituteurs sont encore
peu nombreux.

Purisme rejeté comme but


Est-ce à dire qu’un section d’assaut linguistique chauvin vient de se
former à Dortmund, section qui voudrait, dans un sursaut anachronique, purifier notre
langue de tout mot étranger ? M. Walter Krämer ne veut pas être mêler à tel objectif.

Ce jeune professeur qui sort volontiers de son domaine et qui est
l’auteur du divertissant succès de librairie « Lexique des erreurs populaires » n’est
pas de ces nostalgiques grognons de la germanité. « Je ne suis pas un puriste.

Toute langue vivante se nourrit d’influences étrangères. Personne ne
peut nier non plus que l’anglais est la langue internationale des échanges scientifiques
et commerciaux. Je publie en anglais, et mes étudiants peuvent bien sûr me remettre leur
travaux en anglais. Ce dont je ne veux pas c’est cette mixture continue des deux langues
et le remplacement de termes allemands par des termes anglais. Cela est non seulement
indigne mais, à long terme, cela signifie une moindre maîtrise de sa propre langue. »

Souvent, c’est d’ailleurs par simple distraction que nous commettons
ces erreurs lexicales. On trouve donc attaché au tableau noir de notre professeur pugnace
un petit lexique qui rappelle à ses étudiants que les termes allemands sont tout aussi
clairs et univoques que leurs équivalents anglais : pourquoi faut-il utiliser « bias »,
« chart », « sample » ou lag» alors que l’on a déjà à sa disposition « biais »,
« graphique », échantillon » ou « retard » ?

«Démolisseur de la langue » au pilori


Toutefois ce qui irrite le plus Walter Krämer c’est l’omniprésence
des mots et des phrases en anglais dans la vie quotidienne. Les Chemins de fer et la Poste
sont dans la ligne de mire de son association, alors que, soudainement, apparaissent sur
les relevés téléphoniques des catégories nommées « CityCalls », « GermanCalls »
ou encore de « GlobalCalls » ou que les guichets de renseignement des gares se voient
rebaptisés « Service Point ».

Des membres plus âgés de l’association se sont plaints que sur
certains vols de compagnies aériennes allemandes, exploités par des partenaires anglais,
toutes les annonces sont en anglais et qu’aucun membre de l’équipage ne peut les
traduire, alors que la majorité des passagers sont allemands. M. Walter Krämer signale
qu’ici la protection du consommateur et sa sécurité sont en jeu. Quant à la controverse
relative à la langue utilisée par le monde de la publicité, celle-ci va à l’encontre
des techniques de communications et des intérêts économiques. Les agences publicitaires
argüent qu’il faut prendre en compte l’aspect émotionnel et la valeur prétendument
ajoutée à ce niveau par un message rédigé en anglais pour des produits cosmopolites et
modernes. «Anti Aging System » n’est tout simplement pas la traduction de « [crème] antirides ».

L’association de Walter Krämer désire mobiliser la conscience
linguistique du public contre de tels abus. Ces négligences linguistiques et les dégâts
constants infligés à « la structure profonde » de l’allemand doivent être dénoncés
lors d’événements médiatiques. Ainsi, l’association ne s’attaque-t-elle pas uniquement
dans son bulletin aux démissions linguistiques mais elle distribue également le prix
annuel du « démolisseur de la langue » aux personnalités qui auront participé d’une
manière particulière au « retrait de la langue allemande ». Le second récipiendaire
du prix, qui succèdent à Jil Sander, fut en 1998 le patron de la Deutsche Telekom, Ron
Summer.

Parmi les candidats au prix de la dévastation linguistique cette
année, on retrouve le P.D.-G de Volkswagen Ferdinand Piëch (« new beetle ») et le
porte-parole de la Deutsche Bank, Rolf Breuer (« private banking »), tous deux talonnés
de près par Jürgen Weber, président du conseil de la Lufthansa, alors que celle-ci
poursuit en justice un employé qui persiste dans ses notes de service à parler d’ailes
plutôt que de « wings » et de moteurs plutôt que d’ «engines ».

[Entre-temps, le prix de « démolisseur de l’allemand » 1999 a été
décerné au début septembre à…

Johannes Ludewig, directeur des Chemins de fer allemands. « Nous
trouvons discourtois et prétentieux, autant pour les clients allemands que pour les
étrangers, les « Services Points », « Ticket Counters », « DB-Lounges », McCleans
» de nos gares ainsi que les autres snobismes pseudocosmopolites des Chemins de fer
allemands. Ces clients ne maîtrisent pas suffisamment l’anglais et sont surpris qu’on
leur parle dans une langue étrangère ce qui les rebutent. » (texte accompagnant le
prix)]

Appui du chancelier


Ces actions ne sont pas dénués de succès. Les grands magasins de
prêt-à-porter C&A déclaraient récemment que « vous voulons réduire de façon
spectaculaire dans nos prochaines campagnes publicitaires le mélange de mots anglais et
allemands. » Une importante caisse d’assurance maladie a modifié, après l’intervention
de membres de l’association, le nom du calendrier destinés aux jeunes, il ne se nomme
plus « Fine Timer » mais en bon allemand « Les belles années ». La Deutsche Telekom
facture à nouveau en allemand, et les lignes directrices destinées aux animateurs de la
radio WDR4 déconseillent l’utilisation du « charabia anglo-allemand ».

Walter Krämer voit également en la personne du nouveau chancelier un
appui solide : «l’engagement de M. Gerhard Schröder envers la langue allemande au sein
de l’UE nous a amené beaucoup de nouveaux membres ». […] Les autres partis [que le
SPD] sont encore réservés en la matière. «Peut-être ne sommes-nous pas encore assez
fréquentables », suppose M. Krämer avec humour. Mais cela pourrait changer. Ainsi M.
Krämer sera-t-il récompensé le 24 septembre à Weimar pour son engagement à la
préservation de la langue allemande du Prix de la langue allemande de la Fondation
Henning-Kaufmann, doté d’une bourse de 15 000 marks. En octobre, l’association
participera à Hanovre à un congrès international réunissant d’éminents linguistes sur
le thème « l’avenir de notre langue ». Il semble qu’il soit à nouveau à la mode
d’apprendre à parler allemand.

Verein zur Wahrung der deutschen Sprache e. V., Postfach 104128, 44041

Dortmund.

http://www.vwds.de/

(Le 11 septembre 1999)


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