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LES ÉCOLES D’IMMERSION ANGLICISENT LES FRANCOPHONES DU CANADA ANGLAIS

LES éCOLES D’IMMERSION ANGLICISENT LES FRANCOPHONES DU
CANADA ANGLAIS

Je désire ajouter à la lettre « L’éCOLE FRANçAISE EN ONTARIO » de Daniel Duclos
de Gatineau

( https://www.imperatif-francais.org/parole.html#ONTARIO
)

M. Duclos nous dit que, suite aux pressions de parents anglophones qui envoient leurs
enfants à l’école francophone de Windsor, les commissaires d’école ont plié et
que, par conséquent, les réunions de parents à l’école seront maintenant bilingues.
Ainsi les anglophones pourront suivre les discussions lors des réunions.

M. Duclos semble indigné de cette décision assimilatrice. Cependant, il faut
comprendre la position très précaire dans laquelle sont les écoles francophones
hors-Québec, et pas juste en Ontario.

Elles ont de la difficulté à convaincre les parents francophones de leur droit de
retirer leurs enfants des écoles d’immersion au profit des écoles francophones. Les
parents ont peur de déplaire à leurs amis anglophones qui inscrivent leurs enfants aux
écoles d’immersion. Aussi plusieurs disent que les écoles francophones attirent les
séparatistes, ce qui est absurde! étant donné que les francophones ne veulent pas se
faire traiter de séparatistes, ils n’osent pas se retirer de l’école d’immersion.

Mais il y a aussi que les gens confondent école d’immersion française et école
francophone. Bien sûr ces deux types d’écoles enseignent le français, mais là
s’arrêtent les similarités. Les différences entre ces deux types d’écoles sont très
subtiles, mais au coeur de la survie (ou assimilation) des Franco-canadiens. J’estime donc
nécessaire d’élaborer longuement sur le sujet.

Il faut d’abord comprendre un peu l’histoire de l’enseignement du français
hors-Québec. Ce n’est pas compliqué! Avant l’adoption du bilinguisme officiel,
l’enseignement du français et surtout l’éducation en français hors-Québec étaient
plutôt précaires sinon inexistants. Voilà en bref!

Rappelons que le bilinguisme officiel avait à l’origine (et a toujours) pour but la
mise en valeur de la connaissance des deux langues officielles. De nombreuses écoles
d’immersion ont vu le jour afin de répondre à l’intérêt grandissant de cette valeur du
bilinguisme. Cela a commencé en 1972. D’ailleurs l’école d’immersion ici à Moose Jaw a
25 ans, je crois.

En nombre absolu, l’intérêt est provenu très majoritairement du côté anglophone.
Ce sont donc vraiment eux, les anglophones, qui ont permis l’existence et le succès des
écoles d’immersion. Voilà pour le côté positif de ces écoles.

Le côté négatif est que les intérêts des francophones ont été repoussés,
tassés au second plan, peut-être même époussetés, et donc n’ont pas été un facteur
déterminant dans la création et l’épanouissement de ces écoles. Les écoles
d’immersion ont vu le jour afin de servir les anglophones, pas les francophones. En effet,
n’était-ce pas un des buts du bilinguisme officiel d’encourager les anglophones à
apprendre le français? Le bilinguisme officiel (et donc les écoles d’immersion) ne
célèbre pas le vécu français, mais plutôt l’apprentissage des deux langues.

Les écoles d’immersion sont administrées par les anglophones, pour les anglophones;
les francophones n’étant que des invités. Ceci s’explique par le fait que ces écoles
s’adressent au grand public, évidemment majoritairement anglophone. Par conséquent, le
mandat de ces écoles est d’accommoder les anglophones, et non les francophones. Un jeune
élève anglophone de première année ne connaît pas le français. Alors un jeune
francophone de la même année comprendra assez vite qu’il devra converser avec lui en
anglais – il devra accommoder l’anglophone. ça commence mal l’année pour le petit
francophone!

Cette soumission à la présence anglophone se poursuivra dans les années suivantes.
Il est difficile d’en être autrement. Ainsi les écoles d’immersion utilisent le
français comme appât pour attirer les francophones et ensuite les piéger et les
réduire à l’état de soumission. Le tout se fait lentement, doucement, tellement
doucement que les francophones ne réalisent même pas qu’ils se font assimiler!

Cette soumission afflige aussi les parents francophones de ces enfants. Par exemple,
les rencontres de parents ne peuvent pas se dérouler en français, et cela même si une
très grande majorité de parents était francophone. Toute activité regroupant les
parents doit se faire en anglais, autrement il y a discrimination contre les anglophones
présents, n’est-ce-pas? Le français n’a de droit que dans la salle de classe. Un
sentiment d’appartenance à la collectivité franco-canadienne est donc impossible. Ainsi
le jeune francophone s’identifiera plutôt à la collectivité anglophone. Dans les
circonstances, ce cheminement est inévitable. En conséquence, le francophone
développera une vision anglophone de sa propre langue. Le français qu’il apprend sera
une langue étrangère à lui-même!

Les parents anglophones désirent que leurs enfants apprennent le français afin de
leur donner plus de chances pour obtenir des emplois. D’ailleurs l’an passé, un
journaliste du Times-Herald de Moose Jaw demandait à six anglophones pourquoi ils
fréquentent l’école d’immersion. Cinq d’entre eux ont répondu y aller pour améliorer
leur chance de trouver de bons jobs. Le sixième a répondu : pour impressionner ses amis.
Des raisons très superficielles ! Pas un seul enfant a répondu apprendre le français
afin de pouvoir vivre en français avec les francophones ou afin de comprendre la culture
canadienne-française et de contribuer à sa survie. Pourtant ceci devrait être la raison
première.

Pour les anglophones, le français est simplement un sujet d’étude. ça vaudra une
place dans leur curriculum vitae, mais pas dans leur vécu. Les anglophones apprennent le
français comme on apprend la géographie ou la musique. Or, un enfant qui apprend la
géographie ne deviendra pas nécessairement géographe, et ça n’est pas le but non plus.
Pareillement, un jeune à l’école d’immersion ne devient pas un francophone, ou ne le
demeure pas. La preuve étant que les Fransaskois (francophones de la Saskatchewan) se
font assimiler à 72% n’alarme pas du tout les parents anglophones. ça ne les concerne
pas.

Par contre, les parents francophones désirent que leurs enfants apprennent le
français afin de passer à la jeune génération l’identité franco-canadienne. Ceci est
justement un des buts clairement énoncés par les écoles francophones, là où la vie en
français est encouragée, et pas juste la langue.

Par exemple, l’école francophone locale ici, quoique toute petite, m’a permis de
connaître l’existence du journal L’Eau Vive (le journal hebdomadaire francophone de la
Saskatchewan), et de diverses associations francophones de la province ou d’ailleurs, et
m’a permis de côtoyer d’autres francophones qui ne craignent pas de parler français !
Ainsi une école francophone donne un sentiment d’appartenance aux parents et aux
élèves. Cela ne peut pas se produire dans une école d’immersion où l’accent est sur
une deuxième langue, et non sur les gens qui s’y identifient.

En conséquence, les anglophones apprenant ou connaissant du français ne sont pas
amenés à s’intéresser vivement aux produits francophones tels le journal L’Eau Vive, la
télé francophone, les chansons en français, etc. Remarquez que ces anglophones n’ont
jamais fait pression pour de meilleurs services en français, peut importe le secteur. ça
dit tout… l’expérience des trente dernières années démontre bien l’échec des
écoles d’immersion: elles n’ont pas sensibilisé les anglophones à l’identité
franco-canadienne et à ses besoins.

Il est évident que les parents francophones et anglophones ont des attentes
divergentes face à l’éducation en français de leurs enfants. Ce constat, et
l’insultante affirmation de plusieurs qui disent que les écoles d’immersion ont été
mises sur pied pour les francophones, sont deux raisons qui ont amené certains groupes de
parents francophones à fonder leurs propres écoles francophones.

En réaction à ce désenchantement, les fervents du système d’immersion nous
rappellent qu’un des buts des écoles d’immersion est de marier les deux visions
divergentes, francophone et anglophone. La belle affaire! Mais cela s’est avéré un
échec total. En effet, une fois que les jeunes francophones fréquentent l’école
d’immersion, ils se font rapidement assimiler à la vision anglophone tel qu’expliqué
ci-dessus.

Or une fois assimilés, il devient difficile de convaincre ces enfants (et leurs
parents) de passer à une école francophone. Par exemple, voici essentiellement ce que je
me suis fait dire par quelques parents francophones qui préfèrent l’immersion:
"Nous devons demeurer à l’école d’immersion. On doit apprendre à vivre avec les
anglais. Les francophones comme toi qui veut une école francophone, ce sont des
séparatistes! "

Voilà une vision qui révèle un complexe d’infériorité grave de la part du parent.
On doit apprendre à vivre avec les anglais? Cela est déjà chose faite depuis longtemps!
Mais eux les anglophones alors? N’ont-ils pas aussi un devoir d’apprendre à vivre avec
nous?

En parties à cause du manque de compréhension de la différence entre écoles
francophones contre école d’immersion, les écoles francophones ont de la difficulté à
convaincre les parents de leur droit de retirer leurs enfants des écoles d’immersion au
profit des écoles francophones.

Alors, pour en revenir avec la lettre L’éCOLE FRANçAISE EN ONTARIO de Daniel Duclos,
croyez-moi, de réussir à convaincre des parents anglophones à envoyer leurs enfants à
l’école francophone, plutôt qu’à l’école d’immersion, c’est toute une victoire.
Toutefois, dans les rencontres unilingues françaises, ces parents anglophones se sentent
quand même délaissés. Les dirigeants francophones craignent alors que ces parents
réagissent en retirant leurs enfants de l’école. Ainsi les dirigeants préfèrent plier.

Un autre facteur à retenir est que plusieurs des enfants des écoles francophones
proviennent de parents anglais-français dont le conjoint anglais ne connaît pas le
français. Ignorer ces anglophones pourrait donc se traduire en une perte de plusieurs
enfants.

Alors quoi faire? Tenir à ses principes ou accommoder l’anglophone? Nous les
francophones hors-Québec, on ne nous donne jamais le choix: il faut toujours accommoder
l’anglophone. Notez que l’inverse ne se fait jamais!

Bien sûr, ce dilemme n’existerait pas si les parents anglophones savaient le
français. Malheureusement dès leur tout jeune âge, ces gens se sont fait dire:
«French? Who needs it? » De toute façon, même si ces anglophones savaient le
français, il n’y a pas de garantie qu’ils seraient intéressés à l’utiliser dans les
rencontres du conseil scolaire francophone!

Jean Corriveau
Moose Jaw
Corriveau@siast.sk.ca

(Le 19 mai 1999)


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