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LES CAISSES DE RETRAITE

Les caisses de retraite

Les caisses de retraite sont un facteur important dans le développement du Canada et du Québec. Elles garantissent la sécurité de la vieillesse à la moitié des personnes âgées. Au Canada, en 1997, elles canalisent près de 800 milliards $. Ces capitaux jouent un grand rôle sur les marchés financiers. Ils sont investis dans l’achat d’obligations, d’actions, d’hypothèques et de placements divers qui contribuent à la vitalité de l’économie.

Sans compromettre le rendement et la sécurité des placements, les administrateurs peuvent contribuer à la croissance du milieu québécois. Deux exemples illustrent le potentiel possible. La Caisse des employés de la construction investit dans les hypothèques à l’habitation pour encourager la construction. Le Fonds de solidarité et le Fondation créent directement des emplois en plaçant près de 70 % de leurs actifs dans les entreprises québécoises.

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CUM, le Mouvement Desjardins, les employés de la Ville de Montréal. Des caisses d’entreprises qui sillonnent le Canada possèdent des actifs supérieurs dont la proportion québécoise seulement sera retenue pour notre enquête: Air Canada, Alcan, Bell Canada, Canadian National, Canadian Pacific, Royal Bank et autres.

Les placements

Dans le document mentionné de la Régie des rentes qui retenait le chiffre de 72 milliards $ comme actif des caisses de retraite, on peut lire:

"Si cet actif était placé de la même façon que celui des caisses en fiducie pour l’ensemble du Canada, il serait réparti comme suit: près de 1/5 en obligations du gouvernement du Canada, autant en obligations provinciales et moins de 10 % dans des obligations d’autres sources; près du 1/4 en actions canadiennes; près de 10 % en titres étrangers et autant en immeubles ou hypothèques; le solde en encaisse ou en titres à court terme.

Les obligations gouvernementales du Québec représentent un genre de placement important pour les régimes de retraite. En effet, en se basant sur les données du paragraphe précédent, les Québécois détenaient jusqu’à 13 milliards $ d’obligations provinciales par l’entremise de leurs régimes complémentaires de retraite. Ils détenaient aussi, par l’entremise du Régime de rentes du Québec et de la Caisse de dépôts et placement du Québec, 6,4 milliards de dollars de titres émis par le gouvernement du Québec, en 1994. La somme de ces deux montants représente près du 2/5 de la dette nette du gouvernement du Québec qui était de 50,4 milliards de dollars, au 31 décembre 1994. à cette proportion, il faudrait ajouter les obligations d’épargne du Québec détenues par des Québécois, soit directement par l’entremise de leurs REéR, ou plus indirectement par l’entremise de leurs caisses de retraite pour les titres à court terme, billets ou papier commercial émis par le gouvernement.

Somme toute, l’épargne retraite des Québécois contribue dans une bonne part au financement de la dette du Québec20".

Les données de la Régie des rentes sont fort incomplètes. Le chiffre avancé de 72 milliards $ ne représente même pas la moitié des actifs réels. Les placements espérés sont presque fantaisistes. Les analyses de L’Action nationale démontrent une tendance contraire aux révélations de la Régie des rentes du Québec. Le tableau 9 précise la répartition réelle des placements de 26 caisses de retraite.

TABLEAU 9
Répartition des placements de
26 caisses de retraite, 1996

Provinces ou pays 000 $ Proportion
Alberta 354 939 7,29
Colombie-Britannique 145 313 2,99
Ile-du-Prince-édouard 479 0,01
Manitoba 11 001 0,23
Nouveau-Brunswick 9 703 0,20
Nouvelle-écosse 23 919 0,49
Ontario 940 917 19,33
Québec 1 094 768 22,49
Saskatchewan 36 740 0,75
Terre-Neuve 5 808 0,12
Total provinces 2 623 587 53,90
Asie 207 965 4,27
états-Unis 384 904 7,91
Europe 184 822 3,80
Autres pays 132 359 2,72
Total hors Canada 910 050 18,70
Gouvernement du Canada 1 057 469 21,73
Organismes fédéraux 155 377 3,19
Fonds mutuels non localisés 88 940 1,83
Autres actifs 31 602 0,65
Total des portefeuilles 4 867 025 100,00

C’est un faible échantillonnage, mais la tendance lourde augmentera de plusieurs kilos, si l’enquête peut être conduite jusqu’à la fin. Les caisses de retraite analysées proviennent surtout du secteur public. D’énormes surprises attendent le gouvernement dans ce chantier, qu’il collabore ou non.

Des caisses de retraite du secteur public québécois investissent les trois quarts de leurs avoirs en d’autres provinces et pays. Pourtant, il est douteux de croire que les travailleurs et les travailleuses préfèrent développer l’économie des autres coins du monde plutôt que celle du Québec. Ils acceptent de livrer ainsi la sécurité de leur vieillesse aux bourses de New York ou de Tokyo. C’est cette attitude des gestionnaires des caisses de retraite québécoises qui est en partie responsable du chômage ou de la précarité d’emploi de leurs propres enfants et de la perte d’emploi de leur belle-soeur ou de leur collègue. Les Québécois doivent exiger un autre comportement des caisses à qui ils confient une partie de leur salaire.

Le tableau 10 reproduit les placements de 26 caisses de retraite dans le secteur public québécois.

TABLEAU 10
Placements de 26 caisses dans le
secteur public québécois, 1996

Secteurs En millions $ % des actifs
Gouvernement du Québec 264 655 5,43
Hydro-Québec 81 909 1,68
Municipalités 51 196 1,05
Universités 11 353 0,23
Cégeps 3 049 0,06
Autres institutions sociales 66 121 1,35
Secteur public Québec 478 283 9,80

Les 478,2 millions $, placés dans le secteur public québécois, sont inclus dans les 1 094 millions $ placés au Québec.

Ainsi, les travailleuses et les travailleurs du Québec n’ont investi que 616 millions $, 12,6% des actifs de leurs caisses dans les entreprises où ils gagnent la vie de leurs familles. 616 millions $ sur 4 867 millions $.

Et vous êtes choqués, madame Dubé, si votre frère Pierre perd son emploi? Vous faites une colère, cher Daniel, si votre fille Jeannine ne trouve que du travail précaire et à temps partiel? Vous ne comprenez pas que votre conjoint, Jacques, le beau bachelier que vous aimez, ne se trouve pas un travail correspondant à sa compétence? Quelle naïveté! Vous êtes responsables du chômage de votre frère et de l’aide sociale de votre cousine. Vous placez en dehors du Québec les trois quarts de votre épargne. Pensez-y donc à la prochaine réunion de votre caisse de retraite et exigez un changement de cap de la part de vos administrateurs. Vous-même d’ailleurs en serez mieux servi.

Le tableau 11 présente les placements faits par 26 caisses québécoises de retraite dans le secteur public canadien, en millions $, en 1996.

TABLEAU 11
Placements de 26 caisses dans le
secteur public canadien, 1996

En millions $ % des actifs
Gouvernement du Canada 1 057 467 21,73
Gouvernement de l’Ontario 78 812 1,62
Autres gouvernements 86 084 1,77
Hydro-Ontario 79 781 1,63
Autres Hydros 17 669 0,36
Autres services publics 165 970 3,41
Secteur public Canada 1 485 783 30,52

Les placements dans le gouvernement de l’Ontario, des autres gouvernements, de l’Hydro-Ontario, des autres hydros et des autres services publics sont déjà calculés dans les placements des provinces du tableau 9.

C’est à peine imaginable. Les travailleuses et les travailleurs du Québec placent trois fois plus de leurs épargnes dans le gouvernement du Canada et dans les provinces du Canada anglais que dans leur pays du Québec! Et Louise est toute surprise du prix élevé des fournitures scolaires de son petit Bastien! Gérard ne comprend pas pourquoi il doit aujourd’hui payer pour tant de services gouvernementaux autrefois gratuits. Ginette doit conduire sa petite Marika à l’école, tous les matins; il n’y a plus de transport scolaire. Et la litanie des jérémiades se poursuit comme des coups d’épée dans l’eau. Mais, c’est au ministère des Finances qu’il faut botter le derrière. Il sait. Il voit. Il regarde. Il parle. Il n’agit pas.

Pendant un instant encore, regardons de plus près la bêtise de gestionnaires irresponsables. Les caisses de retraite analysées ont placé 478 millions $ dans le secteur public québécois et 1,5 milliard$ dans le secteur public du Canada anglais. Ils ont entendu l’écho de Scotia McLeod. Ils ont choisi le Canada, Hydro-Ontario et des services d’autres provinces. Ils ont investi dans des valeurs qui leur rapportent une diminution de revenus de quelque 15 millions $ par année. Il ne faut pas être brillant pour agir ainsi. Il n’est pas ici question de nationalisme, mais de simple bon sens. Un placement dans leur propre avenir serait plus risqué que dans celui des Canadiens ou des Indonésiens?

La déportation de l’épargne est incroyable, effarante, étonnante, étrange, renversante, surprenante, impensable, inconcevable, inimaginable, invraisemblable, bizarre. Gestionnaires québécois, si vous n’avez pas confiance au Québec, déménagez, ça presse! Devant l’intolérable, personne ne parle. C’est la libre circulation. Il en entre autant qu’il en sort?. Ce n’est pas la vérité. Le Canada limite la sortie à 20 %… Mais, nous, pauvres Québécoises et Québécois, il nous faut être charitables. Serrons-nous la ceinture! Acceptons les privations! Diminuons les services publics pour permettre à d’autres contrées de mieux vivre!

Nos caisses de retraite québécoises placent quatre fois plus d’argent dans le gouvernement du Canada que dans celui du Québec. Pourtant Québec accorde des avantages fiscaux comparables et un rendement supérieur. Ces caisses québécoises investissent dans le secteur canadien trois fois plus que dans celui du Québec. Elles placent dans les autres provinces deux fois plus qu’au Québec. Le montant de leurs actions et de leurs obligations dans d’autres pays est aussi élevé que les placements au Québec.

Les gestionnaires québécois de l’argent des autres tablent sur l’économie chinoise, brésilienne et mexicaine pour garantir la sécurité de la vieillesse des Québécoises et des Québécois. L’épargne québécoise travaille au bénéfice des concurrents de nos entreprises. Elle joue contre nous, au lieu de renforcer notre armature économique.

Il y a un autre vice dans l’engrenage. Certains gestionnaires ont une habileté à contourner la règle des 20 % prescrits par la loi fédérale, sans s’exposer aux pénalités prévues. Ils ont découvert diverses façons d’augmenter la proportion des avoirs étrangers.

Lévesque Beaubien Geoffrion a même décrit dans un bulletin huit façons de maximiser le contenu étranger de son régime enregistré d’épargne-retraite (REéR) au-delà du 20 % permis par la loi21. Les détournements varient selon le génie des gestionnaires qui augmentent le poids des actions internationales aux dépens des titres québécois.

Heureusement, le ministre fédéral des Finances refuse d’abolir le plafond de 20 %. Il comprend que les caisses de retraite doivent contribuer au développement du Canada. Espérons que le ministère des Finances du Québec aura la sagesse de ne pas se contenter du plancher comme plafond. Il est malheureusement très sensible aux humeurs des grands banquiers. Qu’on le veuille ou non, messieurs M.W. Barrett, John E. Cleghorn, A.L. Flood, Peter Godsoe, Gordon Thiessen et Richard M. Thompson sont plus influents que ne le sont, ensemble, Lise Bissonnette, Clément Godbout, Robert Laplante, Gérald Larose, Lorraine Pagé et sept millions de contribuables québécois. Le Québec à des fins de développement social et économique du Québec.

Hélas! l’épargne québécoise finance d’abord des compagnies et des gouvernements établis hors Québec. Elle est placée en actions et en obligations par les banques, les caisses populaires, les caisses de retraite, les fonds mutuels, les sociétés d’assurances et les autres entreprises financières. La proportion de l’exportation dépasse les deux tiers de l’épargne. La somme frôle les 200 milliards $. Les responsables de cette déportation sont messieurs Claude Béland, André Bérard, Raymond Garneau, Paul Desmarais et les gestionnaires de l’argent des autres qui assistent en spectateurs à la déportation de l’épargne québécoise, quand ils ne la pratiquent pas eux-mêmes.

La gestion

La gestion des caisses de retraite mérite une étude particulière. Nombre de caisses confient la presque totalité de leurs portefeuilles à des sociétés de fonds mutuels. Certaines caisses placent une proportion plus raisonnable de leurs actifs dans ces fonds. C’est un mode de placement irrationnel. La sécurité de la vieillesse dépendra de la volatilité des bourses de Tokyo et de New York.

C’est par surcroît une déportation d’emplois folle et anormale. La majorité des fonds mutuels choisis ont pignon sur rue à Bay Street ou sont associés à des sociétés torontoises. Des milliards $ de gestion ainsi abandonnés à des sociétés de Toronto représentent pour le Québec une perte directe de plusieurs centaines d’emplois hautement rémunérés.

Un certain nombre de caisses de retraite cèdent la gestion de leurs fonds à des compagnies d’assurances ou à des banques. Sans remettre en cause la compétence de ces sociétés à manier le vil argent, il faut savoir que leurs intérêts et leurs pratiques ne sont pas toujours conciliables avec l’objectif de la sécurité pour la vieillesse.

Des comités conjoints d’employeurs et de cotisants administrent leur propre caisse. Ils utilisent habituellement les services de conseillers financiers dont la plupart travaillent pour des firmes torontoises. Voilà une autre façon de créer du chômage au Québec!

La gestion des caisses de retraite du secteur public (municipalités, universités et sociétés d’état) devrait être confiée à la Caisse de dépôt et placement avec des règles rigides de placements favorables au développement du Québec. Il y a dans l’usage actuel un émiettement financier intolérable et des pratiques ultralibéralistes.

Dans la gestion des caisses de retraite se pose aussi une question éthique importante. Divers témoins dénoncent l’usage de pourboires assez alléchants pour obtenir la gestion d’une caisse de retraite. Ces agissements sont inqualifiables. Ils doivent prendre fin.

Bref, les caisses de retraite doivent rechercher la sécurité et le rendement de leurs placements sans négliger les retombées économiques pour le développement du Québec. Comme l’épargne est éparpillée et qu’il est nécessaire d’en connaître l’usage, le gouvernement doit obliger ces organismes à divulguer publiquement leur portefeuille de placement, à l’instar des fonds mutuels canadiens. La divulgation publique, ce n’est pas déposer un rapport sur la 22e tablette d’une bibliothèque gouvernementale inaccessible à L’Action nationale.

Terminons cette section sur les caisses de retraite par le commentaire du journaliste Michel Vastel, que tous n’aiment pas mais que personne ne réussit à empêcher de parler:

"Le Québec perd donc aux deux extrémités des régimes d’épargne-retraite:

" Il accorde un généreux report d’impôt pour toute contribution à ces régimes, mais les fonds ainsi accumulés sont investis en dehors du Québec. Le Canada impose un réinvestissement de 80 % dans son économie, mais le Québec, qui supporte la moitié du coût des mesures fiscales, ne peut récupérer une partie équitable de ce 80 %.

" Une bonne partie des fonds accumulés dans les régimes de retraite seront dépensés à l’étranger, en Floride par exemple, et la province ne récupérera pas les impôts différés. Pire encore, lorsqu’un Québécois quitte définitivement la province, ce qui n’est pas rare de nos jours, il part avec son épargne bien sûr, mais aussi avec les impôts qu’il doit à la province.

" Il ne faut pas oublier, cependant, que le crédit d’impôt pour contribution à un régime de retraite est un privilège et non un droit. Le gouvernement serait tout à fait justifié de poser des conditions à l’exercice de ce privilège comme le Canada le fait d’ailleurs. Le Québec peut aussi offrir un régime fiscal préférentiel à ceux qui s’installent à Montréal pour gérer ces épargnes.22



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20 Régie des rentes, opus cit.

21 Les Affaires, 24 février 1996, C8.

22 Michel Vastel, De quoi Bernard Landry a-t-il peur?, Le Soleil, 24 mars 1997, B.6.

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