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LE FRANÇAIS EST-IL EN PERTE DE VITESSE ?

LE FRANçAIS EST-IL EN PERTE DE VITESSE ?
Une entrevue de l’hebdomadaire Témoignage Chrétien

Pour M. Jean-Paul Perreault
Président de "Impératif français"

Cher monsieur,

Je suis journaliste à l’hebdomadaire français Témoignage Chrétien et je m’occupe en particuliers d’une rubrique sur la francophonie. J’ai lu avec attention vos réflexions concernant l’usage du français au Jeux de Sydney et j’aurais aimé vous poser quelques questions et en savoir plus :

– Que pensez-vous de l’usage du français pour ces JO historiques ?
– Est-ce le signe que le français est aujourd’hui en perte de vitesse dans le monde ?
– Que préconisez-vous pour éviter le déclin du français dans le monde ?

Je vous remercie de bien vouloir me faire parvenir vos réponses et vos réflexions sur mon mail :

Cordialement,

Sébastien Le Belzic

LES RéPONSES D’IMPéRATIF FRANçAIS :

– Que pensez-vous de l’usage du français pour ces JO historiques ?

Il n’est en effet un secret pour personne que les préparatifs (notamment sur Internet) de ces jeux de Sydney auguraient plutôt mal sous ce rapport et les pressions que, parmi d’autres, des organismes comme le nôtre ont exercées – par voie de « rameutage » et de campagne de sensibilisation – ne sont sans doute pas étrangères à un changement d’attitude de dernière minute!

Le bilan semble positif dans la mesure où les annonces faites lors des compétitions et des remises de médaille l’ont été en franç ais ainsi qu’en anglais. Nous notons en particulier que ces annonces commencent en français avec une voix féminine, puis vient ensuite l’anglais avec une voix masculine.

à noter cependant que, pour certaines choses, il y a place pour une très nette amélioration. En particulier, il nous semble anormal que les versions en anglais et en français du site Internet des Jeux ne soient pas équivalentes ( http://www.olympics.com et http://www.olympics.com/fre/ ) Ainsi, par exemple, on trouve plus de trente volets d’information dans la version anglaise, contre à peine cinq dans la version française. De plus, les statistiques sur les médaillés de chaque pays, les renseignements sur les athlètes et les comptes-rendus diffusés à toute heure ne sont disponibles qu’en anglais. Autre point anormal la page d’accueil du site Internet des Jeux n’est qu’en anglais. Il nous eût paru souhaitable, là encore, que cette page d’accueil fût une page avec deux champs égaux "anglais" et "français" où l’internaute puisse choisir la langue dans laquelle il désire naviguer. La page d’accueil du site de l’Europe est un bon exemple de ce choix initial: http://www.europa.eu.int/

La langue française était aussi bien peu présente aux cérémonies d’ouverture et de fermeture des Jeux. Il n’est pas normal de donner une priorité à l’anglais alors que c’est le français qui est la première langue officielle des Jeux olympiques, comme le rappelle très justement M. Boutros Boutros-Ghali, Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie: http://www.francophonie.org/oif/secretariat/communiques/VoirComPresse.cfm?ID=248

Le site Internet d’Impératif français publie deux excellents articles sur la première langue des Jeux olympiques, le français, aux adresses suivantes :
JEUX OLYMPIQUES DE SYDNEY ET SALT LAKE CITY

LANGUE FRANÇAISE AUX JEUX OLYMPIQUES (L’ambassade d’Australie répond)

Il faudra cependant attendre la fin des Jeux pour faire une évaluation exhaustive de la place du français. Il est à noter, à ce sujet, qu’à chaque rendez-vous olympique, une mission est confiée à une personnalité française qui est chargée d’observer la place du français aux Jeux olympiques, d’évaluer les résultats de la coopération linguistique mise en place avec le comité d’organisation des Jeux et de faire des propositions pour l’avenir. Cette mission a, pour les Jeux de Sydney, été confiée à Anne Magnant, déléguée générale à la langue française au Minist ère de la culture et de la communication.

– Est-ce le signe que le français est aujourd’hui en perte de vitesse dans le monde ?

Il n’est pas possible de tirer d’un événement ponctuel des tendances concernant la place du français dans le monde. Nous notons simplement que la place du français aux Jeux olympiques nous semble satisfaisante, bien qu’il y ait des possibilités d’amélioration évidentes, que nous avons mentionné es plus haut.

Quant à la place du français dans le monde, elle me semble très enviable à maints égards. Le français est langue officielle dans trente états dans le monde (regroupant plus de deux cent cinquante millions d’habitants) et langue seconde dans une dizaine d’autres. De plus, il est partagé par une cinquantaine d’états et de gouvernements dans le cadre de la Francophonie et d’autres pays souhaitent aussi adhérer à ce mouvement. Enfin, la langue française est la langue de travail officielle de l’O.N.U et des institutions européennes. On estime que plus de 55 millions de personnes apprennent le français dans le monde, ce qui en fait la deuxième langue étrangère enseign ée: http://francais-affaires.com/faits.htm (première phrase du deuxième paragraphe). Combien d’autres langues peuvent en dire autant?

Certains autres faits très positifs sont également à noter :

– Le français a été promu langue officielle d’état avec l’espagnol en Guinée-équatoriale en 1997. Le ministère de l’éducation équato-guinéen se nomme officiellement "Ministère de l’éducation et de la Francophonie" depuis 1988 (source AFP).

– Le français est devenu langue enseignée obligatoire au Nigéria (pays comptant plus de 100 millions d’habitants) (source : AFP).

– En Espagne, 1 300 000 élèves en 1999-2000 apprenaient le français. Ils étaient quatre fois plus nombreux que quatre ans auparavant. Ces renseignement, nous les tenons de la très riche source d’information suivante : http://www.diplomatie.fr/cooperation/actual/LANGUE.PDF

Il est cependant clair qu’il est très difficile dans le cadre d’un article de journal de rendre compte de l’état de la langue française dans cent quatre-vingts pays différents. Il y a des pays où le français progresse (Afrique anglophone et lusophone, certains pays d’Europe et d’Asie) et des pays où son enseignement est relativement faible (Amérique latine, nombreux pays d’Asie). Afin d’avoir un panorama complet de la situation, il conviendrait de lire l’ouvrage "La Francophonie dans le monde" (500 pages), très bien documenté et qui traite les différents aspects de la présence du français (enseignement, médias, migrations dans l’espace francophone, vie culturelle, etc…).

– Que préconisez-vous pour éviter le déclin du français dans le monde ?

Le français a tout d’abord un rôle fondamental à jouer dans le monde : celui de contre-pouvoir face à l’hé gémonie actuelle de l’anglais. C’est pour cette raison qu’il est capital que le français soit langue de travail officielle des organisations internationales au sens large. Il permet d’offrir une alternative à ceux qui ne veulent pas, pour des raisons politiques ou autres, communiquer en anglais. Ce rôle de contre-pouvoir est cependant associé en même temps à la défense du plurilinguisme dans le monde, concept dont le Québec, la France et la Francophonie en général se font les champions! Cette perspective, essentielle à nos yeux et trop souvent méconnue, est certainement très positive pour l’enseignement du français. Ce dernier n’est plus vu comme une langue hégémonique, comme l’est l’anglais aujourd’hui, mais comme une langue « d’élection », c.-à- d. qu’on choisit librement d’apprendre et de parler.

Au-delà de ce point fondamental, les mesures à prendre seraient les suivantes:

– Renforcer la puissance économique des pays francophones vu que ce critère est très important dans la diffusion d’une langue (mais ce n’est pas le seul).

– Accroître la présence francophone au sein des nouvelles technologies de l’information, notamment Internet, la télévision numérique, les logiciels, les ludiciels, etc.

– Augmenter la production et les contenus culturels en langue française et en faciliter la diffusion mondiale. Tirer profit au maximum de la « clause d’exclusion culturelle » afin de renforcer la culture d’expression française.

– Défendre le français dans les milieux économiques contre la tentation d’utiliser l’anglais au sein même des entreprises. La législation française pour lutter contre ce danger est encore trop frileuse. (loi du 4 août 1994 http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/lois/loi-fr.htm )

– Continuer l’effort terminologique remarquable des pays francophones afin de pouvoir décrire le monde moderne en français. J’en profite pour saluer la mise en ligne récente du Grand Dictionnaire terminologique: http://www.granddictionnaire.com/ ainsi que la banque de données terminologique du service de la langue française de Belgique, largement inspirée des travaux terminologiques français: http://www.cfwb.be/franca/bd/bd.htm "Un peuple qui perd ses mots n’est plus entendu de personne".

– Avoir une politique familiale généreuse afin d’augmenter le taux de natalité dans les pays francophones du Nord! Dans aucun de ces pays le taux de natalité n’atteint 2,1 enfants par femme, qui est le taux de renouvellement des générations. La France est le pays le plus fécond d’Europe après l’Irlande avec 1,77 enfants par femme. C’est bien, mais il faudrait faire mieux! Heureusement qu’il y a l’immigration qui permet de maintenir la population de se maintenir. Il est clair cependant que la puissance d’un pays est aussi très liée à son dynamisme démographique. Je vous invite à ce sujet à consulter les documents au demeurant très instructifs suivants :

Population en 1998 des différents pays du monde: http://www.popin.org/pop1998/2.htm

Population en 2050 : http://www.popin.org/pop1998/3.htm

On note les faits remarquables suivants (population en millions):

Europe

Pays

1998 2050
France 58 59
Italie 57 41
Espagne 39 30
Allemagne 82 73

Régions d’Afrique

Régions

1998 2050

Pays d’Afrique où le français est langue officielle

180 510
Maghreb et Mauritanie 70 124

Nous ajoutons qu’au vu de ces chiffres, le nombre de francophones progressera fortement dans les décennies qui viennent et le français se retrouvera au 6ème ou 7ème rang mondial, au lieu du 11ème qui est actuellement le sien, en termes de nombre de locuteurs.

– Promouvoir l’importance du plurilinguisme et la diversité culturelle mondiale afin de contrer les effets assimilateurs de la mondialisation.

– Dernier point mais pas le moindre : l’avenir politique du Québec! Il nous semble fondamental qu’un véritable pôle francophone en Amérique du Nord voie enfin le jour sur les cartes du monde. Le Québec existe, certes. Mais quelle visibilité a-t-il dans le monde? On ne voit qu’un pays appelé le Canada que beaucoup considèrent avec raison comme un pays anglophone. Les diplomates ne s’y trompent pas vu que beaucoup présentent les sites Internet de leurs ambassades au Canada uniquement en anglais: http://www.dfait-maeci.gc.ca/protocole/femw-f.asp

Comment, dans ces conditions, pourrait-on voir le Canada autrement? Celui-ci compte dix provinces dont seulement une (le Québec) reconnaît uniquement le français comme langue officielle, le Nouveau-Brunswick étant officiellement bilingue mais les chiffres montrant une assimilation progressive (8,23 %) des francophones. De plus, plus de 75% des Canadiens sont anglophones. Et ceci ira en s’aggravant vu que la démographie (encore elle) est peu dynamique au Québec (contrairement aux deux siècles précédents).Une redéfinition de l’avenir politique et constitutionnel du Québec s’impose afin de garantir à la langue française un avenir certain en Amérique.

Information complémentaire:

Pays où le français est langue officielle d’état (avec la population correspondante en millions):

Pays Population
en millions
Pays Population
en millions
Pays Population
en millions
Belgique
(Wallonnie)
4,9 Rép. démo.
du Congo
47,4 Mali 9,9
Bénin 5,9 Côte d’Ivoire 15,0 Maurice 1,0
Burkina Faso 10,9 Djibouti 0,6 Monaco 0,03
Burundi 6,1 France 60,0 Niger 9,8
Cameroun 13,9 Gabon 1,2 Rwanda 7,7

Canada (Québec)

7,0

Guinée

7,5

Sénégal

8,8
Centrafrique 3,3 Guinée équatoriale 0,4 Seychelles 0,1
Comores 0,6 Haïti 6,6 Suisse 1,5
Rép. du Congo 2,6 Luxembourg 0,4 Tchad 7,0

Togo

4,7

Madagascar

14,1

Vanuatu

0,2

TOTAL: 30 pays avec une population d’au moins 258 millions d’habitants.

En rajoutant les francophones du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) et de Mauritanie , on estime que 170 millions de personnes maîtrisent correctement le français dans les 34 pays cités.

L’Académie française compte, quant à elle, 200 millions de personnes pouvant réellement s’exprimer en français dans l’espace francophone: http://www.academie-francaise.fr/langue/francophonie.html

N.B. Impératif français tient à remercier tous ses collaborateurs qui ont contribué à la rédaction de ce document.

Impératif français est un organisme de recherche et de communications pour la défense et pour la promotion de la langue française et des cultures d’expression française. Impératif français célèbre cette année son vingt-cinquième anniversaire.


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