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L’ANGLAIS EN 1ÈRE ANNÉE ? NON!

L’ANGLAIS EN 1ère ANNéE ? NON!

Interview de M. Gilles Bibeau, linguiste, professeur à
la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, par Jean Blouin,
dans la rubrique en «Langue de l’enseignement,» publié dans le numéro d’avril 1987 de
L’Actualité. Recherche: Marie-Josée Martino. Reproduit dans le Franc-Parler, octobre
1997.

Monsieur Bibeau, pourquoi êtes-vous contre l’enseignement de l’anglais
à la première années du primaire ?

Le côté amusant, et tragique de ce débat, c’est qu’il n’y pas
vraiment d’avantages ni de désavantages à enseigner une langue seconde aux très jeunes
élèves. Les mêmes arguments sont à la base des différentes positions. En dernière
instance, on est pour ou contre en fonction de choix politiques ou culturels. D’ailleurs,
beaucoup de partisans de l’immersion hâtive, notamment du côté anglophone, je pense à
Wallace Lambert -, commencent à changer d’idée. Dans une situation d’incertitude, je ne
veux pas que les enfants servent d’otages.

Mais les enfants n’ont ils pas une capacité énorme à apprendre
qui se manifeste très tôt dans leur vie ?

Oui. Mais là n’est pas la question. II s’agit plutôt de savoir s’il y
a un âge idéal pour l’apprentissage d’une langue seconde dans le contexte scolaire. II
ne faut pas confondre la vraie vie et l’école. Or, les études plus récentes démontrent
que les élèves du secondaire apprennent l’anglais plus facilement et plus vite que ceux
du primaire. Pour moi, c’est suffisant pour remettre cet apprentissage à plus tard..

Comment expliquer la plus grande facilité des élèves du
secondaire ?

Une plus grande motivation, d’abord. Ne serait-ce que parce qu’ils ont
envie de comprendre les chansons américaines. C’est aussi un danger : bizarrement, au
Québec, apprendre une autre langue signifie adopter cette autre culture. En tout cas, ils
voient déjà mieux à quoi ça peut servir. Les adolescents savent aussi mieux
travailler. Le cours primaire leur a inculqué une certaine méthode. II leur a appris à
apprendre, quoi! même si c’est souvent à leur insu. Par ailleurs. Je crois que le
primaire doit d’abord donner une solide formation de base. II y a déjà trop de
matières. Pour donner de l’anglais, il va falloir couper dans l’essentiel. Et moins on
passe de temps dans la langue maternelle, moins on la possède.

Que répondez-vous aux parents qui tiennent à ce que leurs enfants
apprennent l’anglais dès le début du primaire ?

Que veulent les parents au juste ? Que leurs enfants soient bilingues,
C’est d’ailleurs ce que leur promettent certaines commissions scolaires. Or, l’école ne
peut pas plus faire des bilingues que des premiers de classe avec tout le monde, Les
études sont claires : beaucoup d’autres facteurs interviennent. Par exemple, tous les
enfants n’ont pas le don des langues. II y a aussi la compétence des enseignants qui
laisse fort à désirer. Et ce n’est pas à raison d’une heure ou deux par semaine qu’on
apprend une langue seconde.

Les parents veulent avant tout que leurs enfants réussissent dans
la vie. Est-ce que l’anglais ne permet pas à des jeunes de milieux modestes de s’en
sortir ?

Est-ce que les anglophones sont tous millionnaires ? ! Encore une fois,
il y a confusion. Les études démontrent qu’au contraire l’éducation bilingue réussit
aux enfants des milieux favorisés, qui en ont le moins besoin socialement, et ne réussit
pas aux enfants des communautés minoritaires et dominées. Pourtant, à Montréal, la
demande vient principalement des immigrants que la loi 101 oblige à envoyer leurs enfants
à l’école française.

Que proposez-vous ?

Renvoyer tout cela au secondaire. On peut apprendre l’anglais en 1500
heures, à condition qu’il y en ait 500 d’intensives: par exemple, toute une session en
anglais. L’école secondaire remplirait alors vraiment son rôle qui est de donner la
base. Pour le reste, l’apprentissage de l’anglais ne diffère pas des autres: il faut y
mettre de l’étude et des efforts. Les parents croient qu’en commençant l’anglais en
première année, il n’y aura plus d’effort à faire. Est-ce que l’apprentissage des
mathématiques se fait tout seul parce qu’on le commence dès la première année ?

Jean Blouin
Recherche: Marie-Josée Martino


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